#surtout que j'ai déjà ma version des pourparlers avec El qui me plait bien plus dans une autre histoire
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lilias42 · 2 years ago
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Et voilà ! Deuxième partie et fin de l'OS dorée sur AM !
Bon ! Il est enfin là celui-là ! Désolé d'avoir tant tardé à le mettre, je pensais le poster coup sur coup mais, je n'étais pas satisfaite de la seconde partie alors, j'ai préféré le retravailler plus longtemps que de sortir vite une seconde moitié à moitié cuite. J'ai donc rajouté quelques morceaux pour ne pas faire trop "on saute des évènements pour aller plus vite à la conclusion".
Il y a aussi des éléments qui sont volontairement mis de côté dans cet OS et j'ai coupé pas mal de chose qui ne s'articulait pas bien dans ce genre d'histoire car, ça aurait manqué d'impact. Par exemple, une partie avec Omnes a été rajouté pour le faire apparaitre un peu mais, ce n'a pas été le cas de tous les éléments qui aurait pu apparaitre. Par exemple, je voulais que Dimitri fouille la chambre de son père et de son oncle pour tomber sur un portrait de sa mère biologique Héléna chez le premier, et sur une boite que son oncle a toujours refusé de lui montrer chez le second. Cependant, ça aurait fait beaucoup d'un coup et je n'aurais pas pu tirer tout le jus d'eux dans l'OS, surtout qu'il était plutôt hors sujet. Pour la boite, elle est au centre d'une sous-intrigue de CF, et Dimitri n'est pas encore assez armé ici pour affronter le contenu de cette boite. Pour Héléna, elle aura un rôle plus important dans l'autre OS que j'écris de temps en temps où Duscur est empêché par une révolte générale à Faerghus et les srengs qui viennent dire coucou (en plus, j'ai appris cette semaine que si les vikings étaient détestés des seigneurs qu'ils pillaient, ils faisaient le "bonheur" [avec des guillemets car ils pillent quand même même si c'est moins intéressant de s'en prendre à des paysans qu'à des seigneurs / bourgs bien riches, faut pas déc*nner] car, ils fichaient un tel boxon que c'était quasi impossible de récupérer les impôts auprès des paysans alors, ça faisaient des années / mois blanc pour eux et il a fallu remettre tout à plat à la fin de leurs expéditions donc, j'aimerais bien tenter de l'intégrer). Alors, ces idées arriveront surement à un moment où un autre mais, pas dans ce texte-là.
Je le fais rarement mais, toute l'ambiance d'une scène est inspirée d'une chanson. C'est simple, c'est elle qui m'a débloqué quand je me disais qu'il manquait quelque chose à cette seconde partie. Il s'agit de la version française de la chanson "Heaven" faite par Poucet (et aller écouter tout ce qu'elle fait, sa voix est juste magnifique ! Elle fait souvent dans un registre assez triste / lyrique pour celle que j'ai écouté mais, ça vaut le coup !)
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Je ne précise pas quelle partie elle a inspiré pour ne pas spoiler mais, ce sera assez évident une fois écouter.
Pour le contexte de cet OS, tout est expliqué dans l'intro de la partie précédente mais, si vous avez des questions, n'hésitez pas à demander !
Ici, on reprend le cours des choses avec la bataille de Fhirdiad jusqu'à la fin de l'histoire et l'épilogue ! (+une scène coupée mais, je vous explique une fois arriver là-bas).
Bonne lecture !
(et voilà @ladyniniane ! J'espère que ça te plaira !)
Quand leur armée était arrivée aux portes de Fhirdiad, ils pouvaient entendre les émeutes depuis les plaies de Tailteans. La cousine de Sylvain, Hlif, les avait rejoints avec les troupes de Gautier en même temps que plusieurs guerriers srengs venu grossir leurs rangs sur ordre de leur tante, la reine Thorgil. Elle avait dû sentir que si Eldegard gagnait la guerre, Sreng était certainement dans ses prochaines cibles et avait préféré prendre les devants. Hlif avait alors lâché le corbeau qui la suivait partout au-dessus de la ville, et fait un rapport sur la situation grâce à lui, voyant par ses yeux grâce à leurs tatouages. Elle serait surement inondée de question après la bataille par Annette, Linhardt, Lysithéa et Hanneman sur comment sa magie fonctionnait mais, il y penserait plus tard.
Selon son rapport et ce que pouvaient voir les unités aériennes depuis le ciel, les combats urbains avaient déjà commencé, menés en petits groupes par différents chefs rebelles. Les émeutiers étaient concentrés autour des différentes portes et poternes de la ville, ainsi que les chemins de rondes, laissant l’intérieur de la ville relativement vide mais, Cornélia l’avait rempli avec ses propres fidèles ainsi que des bêtes mécaniques inconnues. Cela confirmait les informations que leur avait transmis l’espion infiltré dans la ville.
Sous le commandement du seigneur Seteth et d’Ingrid ainsi qu’un de leurs chefs pour les srengs montés sur des valravens, les cavaliers pégases et wyverns allèrent prêter mains fortes aux émeutiers sur les remparts, et les portes de la ville s’ouvrirent assez vite sans qu’ils n’aient eu besoin de l’enfoncer avec leur bélier.
Ils commencèrent par combattre tout autour de l’enceinte afin d’éviter d’être pris en tenaille, puis avancèrent petit à petit vers le parvis du palais et de la cathédrale au centre de la ville. Des coups de trompettes pour se faire entendre au milieu de cette cacophonie assourdissante résonnèrent de toute part, tout comme des éclats de magie pour indiquer une position prise ou demander des renforts.
Dimitri combattait de toutes ses forces jusqu’à perdre son souffle, sentant chacun des coups que son armure encaissait ou qu’il évitait de peu, le sifflement des fers des lances et des épées le frôler, avant qu’il n’enfonce leur propre armure avec Areadbhar qui l’entourait de son énergie, glaciale mais protectrice.
Le bruit autour de lui et dans sa tête était assourdissant. Les morts hurlaient tellement fort, l’encourageaient à tout détruire sur son passage mais, il n’avait pas le temps de les écouter. Il avait trop de choses à penser en même temps : bien mener ses troupes, protéger ses soldats, surtout les unités plus fragiles comme Annette, faire attention à ne pas se faire tuer lui-même, surtout qu’il était plus grand que la moyenne et sa tête dépassait de la mêlée… le surplus d’information tout autour de lui l’empêchait de les écouter.
Quand ils arrivèrent au bourg, ils firent face à d’immense titans de fer et d’acier, couverts de veines et de sphères bleues, hauts comme une maison et avançant seuls à travers les grandes avenues. Déesse, qu’est-ce que c’était ces choses ?! Mais après un instant d’étonnement, le lancier se reprit, essayant de rationaliser les choses, aidé par le fait que leur espion les avait déjà informés de la présence de « bête de métal bougeant apparemment toutes seules ». Ces choses ressemblaient aux automates que Dame Rhéa avait utilisé pour protéger le Saint-Tombeau… pas dans leur forme mais, dans leur comportement, ils se ressemblaient beaucoup. Bon, la situation était moins impressionnante qu’il le pensait de base. Cornélia avait dû s’inspirer des mêmes travaux sur la magie que Rhéa pour les concevoir, ou avoir la même idée. De sa haute taille, il arriva à retrouver Byleth et à la rejoindre, afin de conjuguer leurs forces pour ouvrir la voie en les faisant tomber efficacement.
Pendant que la professeure protégeait leurs arrières avec son bataillon, Dimitri et ses troupes s’attaquèrent à un des automates, visant les espèces de mécanismes au niveau de ses jambes et de ses pieds pour lui faire perdre l’équilibre, quand un autre se dirigea vers eux pour porter secours à son partenaire ou pour bloquer leur avancée. Un cavalier valraven arriva alors, esquiva le coup de glaive et de bouclier avant d’arriver à se poser sur l’équivalent des épaules de la machine. Il descendit, s’accrochant comme il pouvait aux aspérités du golem, alors qu’il semblait tracer quelque chose sur le métal, autant sur son torse que sur le début de ses bras. Quand il eut fini, il ressauta sur sa monture qui distrayait le golem, puis hurla d’abord en sreng puis en fodlan.
« Dispersez-vous ! »
Comprenant l’urgence, Dimitri répéta son ordre afin que les faerghiens l’écoutent. Les soldats obéirent aussi vite qu’ils purent, alors qu’un gargouillement étrange se fit entendre, comme si du métal bouillait à la manière de l’eau dans une marmite, avant qu’une grande explosion n’entoure la tête de la marionnette, la faisant tomber au sol.
« On a trouvé son point faible ! S’écria Ashe depuis sa wyvern, tournant autour du second golem avec Cyril, assez habile dans les airs pour esquiver ses coups en continuant à le cribler de flèches, tout comme Ingrid qui y lançait javeline sur javeline.
– Peut-être ! Mais elle ne va pas pouvoir recommencer ! Répondit Sylvain en esquivant un coup de bouclier, avant de tirer Lysithéa sur sa selle avant qu’elle ne se fasse écraser. Elle va se faire détruire les épaules vu la force de l’explosion !
Dimitri comprit en voyant la cavalière se retirer, protégée par un de ses camarades alors qu’elle retournait à l’arrière. Bon, il faudrait trouver autre chose… faisant reculer ses troupes pendant un instant là où le golem ne pourrait pas les suivre, le lancier essaya d’évaluer la situation. Il essaya de se remémorer le combat contre les automates de Rhéa pour s'appuyer sur cette bataille mais, tout était flou… juste des mouvements instinctifs contre ses choses en voyant juste ses amis être en danger, obéissant à peine aux ordres de Byleth… son souvenir le plus précis de ce combat était un automate au sol, réduit en pièces détachées avec sa lance, son épée et ses poings, lui entre ce géant de métal et Ashe, allongé au sol avec Mercedes qui soignait sa plaie à sa tête… le jeune homme ne se souvenait plus comment il avait fait pour venir à bout de ce golem à lui tout seul… mais Dimitri ne pouvait plus se permettre d’agir comme au tombeau sacré, c’était bien trop dangereux.
Abandonnant l'idée de trouver comment faire en cherchant dans ses souvenirs, il passa son regard sur la marionnette gardant le passage vers Cornélia… elle avait une partie de son bouclier cassé par Areadbhar, mais elle ne semblait pas s’en être rendu compte, l’utilisant comme avant… cela leur ferait une ouverture pour atteindre ses jambes… il y voyait les mêmes globes dessus que sur le haut de son corps… et il semblait y avoir des flèches fichées à l’intérieur…
– Nous devons atteindre ses orbes bleus, déclara Dimitri. Mais il faudrait arriver à arracher son armure.
– On peut passer par le trou fait dans le bouclier, fit remarquer Sylvain. Le golem n’a pas l’air d’avoir remarqué qu’il était cassé mais, il faudrait aller aussi vite qu’à cheval à pied, et les chevaux ne sont pas assez souples pour passer dans cette petite fenêtre…
– Hum… je sais ! Sylvain ! Tu peux bien changer de taille quand tu te transformes ? Lui demanda Lysithéa en se tournant vers lui.
– Oui, je peux devenir aussi grand qu’un loup géant, même si je ne ferais pas le poids avec mes griffes contre… il comprit alors où elle voulait en venir. D’accord ! Tu t’accroches bien alors !
– Évidemment ! Elle se tourna alors vers Dimitri. On se charge de faire tomber son armure ! Vous, occupez-le !
Le rouquin sauta alors de sa jument en prenant l’apparence d’un renard grand comme un petit cheval. Lysithéa se glissa sur son dos et s’enfonça dans la fourrure épaisse, à moitié allongé dedans en se tenant aux touffes de poils de ses épaules. Comprenant leur plan, Dimitri ordonna à ses troupes de se faufiler dans les ruelles afin d’encercler le titan de métal pour l’attaquer tout en restant en sécurité, ainsi que de concentrer leur tir sur le haut du golem, en espérant que les troupes aux balistes magiques ne les repéreraient pas. Lui-même grimpa sur la monture de son ami, et prit la tête des cavaliers qui se mirent à distraire leur cible en galopant partout autour de lui. Le golem se perdit dans ses actions, incapable de savoir qui viser dans ce banc de cavalier autour de lui. Profitant de son inattention, Sylvain fonça dans le trou du bouclier avec Lysithéa sur son dos, vif comme un goupil s’introduisant dans un gélinier. Une fois derrière les défenses, ils sautèrent sur le pied le plus exposé aux attaques du golem, et commencèrent à attaquer l’armure sur sa jambe. Dimitri sentit sous la puanteur du sang et de métal celui de la corruption, la magie noire de la magicienne attaquant le métal noir, celle de la chaleur alors que les sorts de feu du rouquin faisaient fondre les parties endommagées.
Le golem changea alors d’attitude. Au lieu de les attaquer, il se mit à taper des pieds, incapable d’atteindre ses jambes avec ses armes.
« Une fois qu’on a passé son glaive et son bouclier, il n’a aucun moyen de se défendre ! »
Il vit du coin de l’œil Byleth se frayer un chemin jusqu’à lui, à bout de souffle et l’épaule fraichement soigner s’il ne se trompait pas mais, elle était encore en état de combattre.
« La situation ?! Lui cria-t-elle pour se faire entendre dans le chaos des combats.
– Un des golems est tombé ! Il en reste un ici ! Sylvain et Lysithéa attaquent sa jambe pour faire tomber son armure et touché les orbes dessous ! C’est la partie la plus fragile ! Une fois sur lui, il n’a aucun moyen de nous toucher !
– Bien ! »
La professeure fila à nouveau, rapide comme un éclair. Profitant de l’inattention du golem occupé à tenter de faire tomber les deux magiciens, elle se faufila à son tour dans le trou du bouclier et se mit à attaquer son autre jambe, la fragilisant à son tour avec sa magie.
Au bout d’un moment, il entendit la voix de Sylvain hurler, ressortant en trombe des pattes du golem avec Lysithéa sur le dos.
« Dispersez-vous ! »
Avec un bruit de grincement, la marionnette commença à s’affaisser sur sa droite, la jambe complètement détruite par les efforts des deux magiciens. Byleth les suivit assez vite, tous les soldats royaux allant se réfugier dans les ruelles loin de la créature. Elle s’effondra sur un étrange mécanisme qui tirait des sortes de flèches d’énergie, les deux automates se détruisant mutuellement. Il eut encore quelques mouvements erratiques de la marionnette, puis plus rien, leur ouvrant la voie vers le centre-ville une fois sûr qu’il ne se relèverait pas. Il rendit sa monture à Sylvain puis, ils avancèrent à nouveau vers Cornélia.
Dimitri ne prit même pas le temps de se réjouir d'avoir réussi à faire tomber cette chose. La fureur et le flux de la bataille étaient trop intenses pour qu'ils perdent la moindre seconde. Maintenant qu’ils avaient compris comment s’en débarrasser, aux suivants…
« Je vois Cornélia se déplacer vers le sud de la ville ! Elle est seule ! Hurla aussi fort qu’il put Cyril sur sa wyvern, esquivant de peu une attaque magique, avant qu’Ashe ne tue le magicien qui l’avait visé.
– Il ne faut surtout pas qu’elle s’échappe ! S’écria Dimitri.
– Partez devant avec Byleth ! Ordonna Gilbert qui les avait rejoints en passant par l’autre côté de la ville, tout en repoussant un ennemi avec son bouclier. Nous vous couvrons ! »
Les deux généraux ne se le firent pas dire deux fois et foncèrent dans la direction que Cyril leur indiqua d’un trait. Courant à toutes vitesse dans les rues autrefois si connues et familières, Dimitri et Byleth arrivèrent à rattraper Cornélia sans trop de problème, son uniforme de gremory étant extrêmement utile pour protéger le magicien de sa magie et de celle des autres mais, beaucoup moins pour s’enfuir, une partie de sa jupe abandonnée derrière elle, sectionnée d’un coup de dague. Byleth se faufila dans les ruelles que Dimitri lui indiqua une fois qu’elle fut dans son champ de vision, plus rapide que lui pour la prendre en tenaille.
« Cornélia ! S’écria-t-il, gardant autant son calme qu’il le pouvait face à cette femme qui lui avait tout pris. Arrêtez de fuir ! C’est fini !
Comme pour souligner ses mots, la professeure surgit des venelles de la ville, aussi vive qu’un chat, l’épée du créateur en avant, stoppant la course de la traitresse.
– Tiens donc, cela faisait longtemps, Votre Altesse, pas vrai ? Demanda-t-elle alors d’un ton mielleux en se tournant vers lui, piégée entre eux deux. Vous êtes devenu incroyablement fort.
– Vous ne manquez pas de culot, rétorqua-t-il, s’accrochant de toutes ses forces à Areadbhar et à son énergie gelée, une question jaillissant de ses lèvres. Je parie que c’est vous qui avez tué mon oncle et qui m’avez piégé, non ?
– Mais oui, tout à fait ! J’avais oublié cet épisode agréable de ma vie, se moqua-t-elle d’un air effronté, pas effrayé pour un sou.
– Eh bien je vais vous tuer, sale garce ! Enragea-t-il, hors de lui. Pour vous récompenser de tout ce que vous avez fait !
– Dimitri ! Ne répond pas à ses provocations. Elle ne cherche qu’à te pousser à l’erreur, le reprit Byleth, toujours aussi calme.
Le jeune homme l’écouta, sachant qu’elle avait raison, utilisant Areadbhar et sa voix pour s’ancrer à la réalité. Perdre son calme ne ferait que ruiner tous ses efforts, ceux de ses amis et des Braves de ces dernières semaines pour qu’il remonte la pente !
– Hm, renifla la traitresse en regardant Byleth. Je ne peux pas dire que je sois ravie de vous voir. J'en sais long sur vous… J’aimerais pouvoir discuter un peu avec vous… Mais…
– Je n’ai que faire de tes persifflages, la coupa le professeur sans perdre sa posture de combat ni son visage neutre. Nous sommes ici pour reprendre Fhirdiad et te chasser, toi et Eldegard, de Faerghus.
Elle engagea alors le combat avec un premier coup de taille. Cornélia esquiva en chargeant un sort mais heureusement, la professeure le vit et para avec son étole de Prophète. Dimitri en profita pour foncer sur la traitresse et lui assener un premier coup dans l’épaule, déchirant le gambison recouvrant ses bras. Cornélia siffla et tenta de le frapper avec sa dague à défaut d’un sort plus long à convoquer maintenant qu’il était proche d’elle mais, son armure encaissa sans souci le coup, étant bien renforcée aux niveaux des épaules et du torse. Le prince lui donna un autre coup en plein ventre, son emblème gelant ses veines alors que l’armure de plaque de son adversaire volait en éclat. Pile au bon moment ! Byleth acheva Cornélia d’un coup de taille, la faisant tomber au sol, vaincue.
« C’est fini ! Cessez les combats ! La traitresse Cornélia est morte ! Se battre pour elle est maintenant inutile ! Ne vous battez plus pour une morte ! » Hurla Byleth, l’écho de ses ordres parvenant à leurs oreilles, relégués par leur armée.
Dimitri essayait de reprendre son souffle, épuisé, les mains tremblant sous l’effort… ou peut-être le soulagement ? Il ne savait pas… il était si fatigué… la bataille avait été éprouvante pour eux tous… mais c’était fini… c’était fini… Cornélia était là, gisait à ses pieds, en train de se vider de son sang… il l’avait tuée avec Byleth… et si la plaie qui allait de son épaule jusqu’à sa hanche ne l’avait pas tué sur le coup, ce n’était qu’une question de temps… il aurait eu beaucoup de question à lui poser mais, tant pis. La traitresse tyrannique allait mourir et ne ferait plus rien de mal à personne, c’était le principal…
« C’est fini, Cornelia, hacha le prince entre deux respirations, entendant ses amis les rejoindre, l’écho de la voix de Mercedes leur demandant s’ils allaient bien tous les deux. Si vous avez quelque dernière parole, c’est le moment.
– Vous avez raison. Très bien… J’aimerais vous raconter une vieille histoire, si vous le permettez. C'était il y a de cela dix ans… Patricia a dit… elle serrait sa poitrine pour empêcher le sang de s’échapper et d’imbiber encore plus ses vêtements. Elle a dit qu’elle aimerait revoir sa véritable fille, peu importe ce que cela lui coûterait. Alors, j’ai exaucé son désir, en échange de la tête du roi…
– La tête du roi ? Vous parlez de la Tragédie de… » Hoqueta de surprise Dimitri, sans voix. Il ne s’attendait vraiment pas à ça ! Il ne put s’empêcher de lui cracher, refusant d’y croire. « Vous êtes une misérable ! Alors vous voulez dire que mon père… et tous les autres… ont été tués par ma belle-mère ?!
– C'est exact. Sa famille était tout pour elle… Vous devez comprendre ce sentiment, non ? Le questionna-t-elle avant de le narguer avec un sourire cruel, s’effondrant de plus en plus. Ah, pauvre petit prince. Que même sa mère n’aimait pas… C'est pathétique.
– Comment osez-vous ?!
– Tout ce qu'il vous reste à présent... c’est le désespoir, ricana-t-elle.
– Non. Il nous reste bien plus que cela.
Byleth intervient, l’épée du créateur flamboyant dans ses mains et regardant sévèrement Cornélia en la dominant de toute sa taille. Elle qui était si petite semblait grande comme le ciel à présent.
– Ce qui nous reste à présent, c’est de découvrir toute la vérité sur ce qui s’est passé sans vos mensonges. Merci, vous venez de nous donner un autre objectif qui nous motivera à nous battre de toutes nos forces.
Le visage de Cornélia se tordit à ses mots. Dimitri écouta sa professeure, tout comme Areadbhar. Elle ne parlait pas mais, son énergie à la fois glaciale et chaleureuse semblait tenter de communiquer avec lui, vouloir lui rappeler quelque chose. Dimitri posa un peu sa joue contre sa hampe, ignorant le sang pour juste sentir la présence de Simplex.
– C’est vrai. Blaiddyd est le Brave de la Justice, celui qui s’est toujours battu pour que les plus faibles puissent vivre un jour meilleur, et ses compagnons et égaux de toujours sont Fraldarius, Brave de la Persévérance qui n’a jamais perdu son but de vue, et Dominic, Brave de la Connaissance qui a toujours travaillé d’arrache-pied pour en savoir toujours plus sur le monde qui l’entourait, commença-t-il. Nous devons suivre leur exemple. Ce que vous venez de dire n’est pas une raison de sombrer dans le désespoir à nouveau mais, de se battre d’autant plus pour découvrir la Vérité, comme eux ont trouvé la vérité que les humains ne devraient pas asservir leurs propres frères et dans leur propre Révélation de la Déesse. Merci de me l’avoir rappelé Professeure.
Cornélia ne put s’empêcher de siffler de rage, une étincelle de magie noire apparaissant pour mourir immédiatement dans sa main, alors qu’elle-même expirait en le foudroyant du regard.
– Tu lui… ressembles… beaucoup… trop… ta lignée… maudit soit-e…
Dimitri n’avait aucune idée de qui elle parlait exactement mais, il s’en fichait, il avait d’autres chats à fouetter.
Il fit le bilan de l’état des troupes, et rencontra les chefs résistants qui les avaient aidés à reprendre Fhirdiad, tout en demandant à ce qu’on fasse venir l’agent infiltré dans la capitale. Il avait accompli un travail exceptionnel, et il espérait pouvoir aussi rencontrer ce fameux Omnes. D’après ses complices, il avait combattu dans la bataille mais, il était allé faire le tour des mécanismes installés par Cornélia pour les désamorcer, de peur qu’ils soient explosifs ou piégés. Il écoutait le rapport d’Ingrid sur les unités aériennes, quand ils entendirent :
« Votre Altesse ! »
Sylvain les rejoignit avec un sourire malgré une grande plaie tout juste rafistolée au bras, accompagnée de sa cousine Hlif que Dimitri reconnut comme la cavalière de valraven ayant tué le premier titan de métal, ainsi que d’un petit homme trapu aux cheveux et à la barbe noir veinés de gris, couvert de suie. À son habit, c’était surement un forgeron expérimenté.
« Voici notre espion ! Ajouta-t-il.
– Ah ! Merci Sylvain ! Le remercia-t-il. Et surtout, merci à vous. Toutes les informations que vous nous avez fait parvenir nous ont été précieuses et d’une très grande utilité pendant la bataille. Vous avez toutes notre reconnaissance et vous serez aussi récompensé à la mesure de votre aide. Oh ! Mais je manque à tous mes devoirs ! Je ne vous ai pas demandé votre nom !
– Ne vous en faites pas, vous le connaissez déjà, Lion Sauveur, rétorqua-t-il en se redressant, ou plutôt elle à la grande surprise de Dimitri et d’Ingrid.
– Fr… Dame Fregn ?! C’est vous ?! Je… je ne vous ai pas du tout reconnue, admit-il en voyant la mère de Sylvain se débarrasser de sa barbe, comprenant qu’il avait été berné par sa silhouette, son allure trapue et du maquillage soigneusement étudié.
– Tu me dois dix pièces Hlif, je t’avais dit qu’il ne la reconnaitrait pas, lança le rouquin à sa cousine, cette dernière marmonnant, les épaules et les bras entourés de bandages gelés pour apaiser les contrecoups de sa magie sreng.
– Comment je pouvais deviner que les Fodlans voyaient si mal ? Enfin, un pari est un pari.
– On sort d’une bataille, et la première chose à quoi vous pensez, c’est de parier sur s’il la reconnaitrait ou pas ? Les rappela à l’ordre Ingrid, les sourcils froncés et les yeux sévères.
– Pour notre défense, on avait fait ce pari avant le combat pour calmer nos nerfs justement, rétorqua Hlif. Enfin, on est pas là pour parler de cela, et le Lion Sauveur a surement beaucoup de chose à demander à l’Ombre.
Dimitri essaya de ne pas baisser les yeux, et plutôt de continuer à regarder Fregn. Les srengs n’appelaient jamais les autres par un titre et le vouvoiement n’existait pas dans leur langue alors, à la place, ils employaient des surnoms. S’il se souvenait bien, être appelé « Votre Altesse » par un sreng pourrait être vu pour de la froideur ou de la méfiance, là où un surnom mélioratif était un signe de respect. Il n’était pas sûr de mériter un tel surnom mais, ce n’était pas le moment de le relever.
Fregn avait en effet beaucoup de choses à dire, et leur présenta tout ce qu’elle avait appris à la capitale, dont sur ce fameux Omnes. Apparemment, c’était un érudit touche à tout, à la fois médecin et inventeur originaire de Morfis mais, qui aurait beaucoup d’amis à Faerghus, les ayant rencontrés pendant un voyage à la fin du règne du roi Ludovic, avant de repartir quelques années plus tard pour sa patrie. Quand il avait appris pour la Tragédie de Duscur huit ans auparavant, il avait sauté dans la première caravane traversant le désert, puis premier bateau en partance pour Rhodos venu pour retourner dans le Royaume, afin d’aider dans la mesure de ses compétences, même s’il avait bien mis quatre ans et demi à arriver. Il avait notamment voulu mettre à leur service une de ses inventions : des automates capables de se mouvoir seuls, sans aucune assistance humaine, pouvant d’effectuer des tâches simples. Le temps de l’adapter ses assistants de laboratoire pour les travaux agricoles et de constructions, le scientifique avait présenté le résultat de ses recherches à Rufus, quelques temps après le départ de Dimitri pour Garreg Mach mais, le régent n’en avait pas vu l’intérêt et l’avait chassé du palais, le traitant de savant fou. Omnes avait cependant eu la mauvaise surprise en rentrant chez lui de trouver les hommes de Cornélia, ordonnant son arrestation pour travaux scientifiques immoraux et la réquisition de toutes ses recherches. Heureusement pour lui, il avait réussi à s’enfuir et se cacher mais, tous ses travaux avaient été volés.
« C’est avec ses recherches que la traitresse a mis au point ses automates, les Titanus, les informa Fregn. Par contre, je n’ai pas trouvé de preuve attestant du vol de ses recherches, à part qu’il connaissait très bien leur manière d’être conçu, bien qu’il ne sache pas comment ils étaient bâtis en détail. La confection finale est trop éloignée de ses prototypes.
– D’accord, et j’imagine qu’il a été traqué par Cornélia après cela… devina Dimitri.
– Oui, il a même dû se faire passer pour mort pendant quelques mois qu’il a passé à fuir dans tout le Royaume puis, il est revenu à Fhirdiad quand il a su que vous aviez été exécuté Lion Sauveur. C’est là qu’il a commencé à mettre en place les premiers réseaux de résistance, au moins pour contrer la propagande de Cornélia assurant que vous étiez l’assassin de Rufus. C’est à ce moment-là qu’il a pris le nom d’Omnes…
Il allait lui demander si elle connaissait son véritable nom, quand ils entendirent un hurlement d’horreur parcourir toute la ville. Sans perdre une seconde, croyant que des renforts ennemis étaient sortis d’ils ne savaient où, les généraux foncèrent vers l’origine des cris, heureusement encore armurés et armés pour ce genre de cas de figure. Ils trouvèrent alors le croque-mort et ses assistants s’occupant de Cornélia, livide de peur alors qu’ils fixaient le corps. Quand ils virent Dimitri, l’homme en noir déclara en claquant des dents, pointant du doigt le cadavre de la traitresse.
« On… on a appliqué la procédure habituelle… on… on a vérifié son pouls, sa respiration, sa réaction à la douleur puis… puis quand on a été sûrs qu’elle était enfin morte, on l’a retournée sur le ventre… pour… pour la transporter face vers le sol comme pour tous les criminels… mais… mais là… Déesse, cinquante ans de métier et je n’avais jamais vu ça ! Là sa peau a commencé à glisser entre nos mains et… et un autre corps est sorti à travers la plaie ! On jure que c’est vrai ! Regardez ! On le voie qui dépasse !
Ingrid fit signe à Dimitri de ne pas s’approcher de peur d’une autre ruse de la traitresse, retourna un peu du bout de sa lance avec prudence, avant de faire elle-même un pas en arrière, horrifiée. Par la plaie béante, on voyait un autre corps, emboité dans la peau à la manière de certaines poupées mais là, ce n’était pas des jouets en bois mais, des êtres de chair et de sang ! Un autre maléfice de Cornélia ?!
– J’ai entendu ce qui s’est passé ! Laissez-moi passer ! Il faut que je vérifie quelque chose ! Je crois savoir ce qui se passe !
La foule s’écarta pour faire passer un tout petit homme aux cheveux rouges très sombres, presque noir comme certains vins ou du sang séché, assez semblable à ceux de la vraie Monica, tirés en arrière avec une tresse bouclée, roulée en chignon à la va-vite. Ses yeux rouges et vifs étaient aussi assez inhabituels, tout comme sa peau assez pale à l’aspect presque pierreux mais, cela n’était pas des couleurs impossibles non plus. C’était simplement extrêmement rare à Fodlan mais, s’il avait bien compris, c’était très courant à Morfis. Ses habitants étaient connus pour avoir des cheveux, des yeux et des teints très différents de ceux du continent, avec le fait qu’ils ne se ridaient pas avec la vieillesse. D’ailleurs, il était impossible de dire l’âge de cet homme : ses traits ressemblaient à ceux d’un jeune adulte mais, ses gestes étaient ceux de quelqu’un avec beaucoup d’expérience. Un drôle de mélange qu’il retrouvait en Flayn, Seteth et Rhéa… Enfin, ce n’était pas le plus important.
L’homme s’agenouilla à côté du cadavre, ramenant son tablier d’herboriste sous ses genoux, même si ses poches débordaient d’outils variés.
« Attention ! Cela peut être dangereux ! Le prévint Ingrid.
– Ne vous en faites pas pour moi, cette vipère ne fera plus jamais de mal à personne… marmonna-t-il en inspectant le cadavre. Je vois… je ne savais pas qu’ils… enfin, peu importe. Il faut déjà… humf ! Il tenta de tirer ce qui dépassait de la plaie mais, dû se résoudre à son échec en rageant contre lui-même. C’est pas vrai, moi et ma force… j’ai besoin d’un coup de main s’il vous plait ! Deux personnes pour tenir ses membres pendant que je tire dans l’autre sens ce que cette peau contient, demanda-t-il en se tournant vers la foule.
– Qui nous dit que ce n’est pas un piège et que tu n’es pas de mèche avec Cornélia ? Le questionna Gilbert, faisant partie des gens attirés par les cris.
– Si c’est un piège, il n’aurait pas bien fonctionné étant donné qu’il est assez voyant et ne s’est pas déclenché à sa mort, sauf si le but est de tuer les croque-morts qui déplaceront le cadavre, rétorqua l’homme. De plus, ce n’est pas Cornélia… enfin, pas celle que vous pensez. C’est sa peau, oui mais, celle à l’intérieur n’est pas la femme que vous pensez être. Ce sera plus clair quand on l’aura tirée de là.
– Fregn, vous le connaissez ? La questionna Dimitri en se tournant vers elle.
– Oui, il s’agit du fameux Omnes, c’est lui qui a tenu toute la résistance de la ville, ainsi que celui qui a désarmé les sortes d’orbe magique sans magicien, déclara-t-elle. À première vue, il est de confiance mais, mieux vaut que des prisonniers l’assistent.
Comprenant le raisonnement, Dimitri accepta et fit venir deux soldats capturés qui aidèrent l’inventeur. Eux-mêmes se mirent à hurler de peur quand, à la fin, ils se retrouvèrent avec une enveloppe de peau d’un côté, et de l’autre un corps s’y ressemblant à s’y méprendre à celui de Kronya et Solon.
« Ils sont donc aussi impliqué là-dedans. »
– Hum… j’en avais entendu parler avant mais, c’est la première fois que je vois ça, marmonna Omnes en allongeant le corps puis, en inspectant l’enveloppe qui le contenait, étant le seul à garder son calme et un air grave.
– De quoi s’agit-il ? Lui demanda Dimitri. Nous avons déjà croisé deux personnes dans le passé qui se sont avérés être des imposteurs. Leur corps ressemblait beaucoup à celui que vous tenez.
– De ce que j’ai entendu à ce sujet, c’est une sorte de… déguisement intégral mais, bien plus macabre : on tue la cible à remplacer puis, on lui enlève sa peau comme celle d’un animal en coupant à des endroits où on ne peut voir les entailles, comme sous les bras par exemple ou sur les côtes, déclara-t-il en montrant des sortes de coutures sur la peau. Quelqu’un connaissait la victime ici ?
– Oui, une partie d’entre nous, répondit Gilbert de manière évasive.
– Est-ce qu’elle a disparu pendant un temps et après sa réapparition, est-ce qu’elle avait changé de comportement ?
– Hum… maintenant que vous le dites, oui. Il y a treize ans, elle a dû s’absenter de la cour pendant plusieurs mois à cause d’une chute dans les escaliers. Elle s’était blessée à la tête, nous avions pensé que c’était à cause de cela que son comportement avait changé… marmonna-t-il, se maudissant lui-même de n’avoir rien remarqué.
– Vous ne pouviez pas savoir, lui assura Omnes en devinant ce qui se passait dans sa tête. Cela doit être le temps qu’il leur faut pour rendre la peau portable… ensuite, on la donne à un porteur qui fait à peu près le même gabarit que la victime et s’il est assez bon acteur, il peut la remplacer en imitant son comportement. La Cornélia d’origine a surement été remplacée pendant sa convalescence. À tous les coups, elle a été attaquée par cette femme et ses alliés qui l’ont tuée pour obtenir sa place au plus près du pouvoir et de la cour… Par contre, je sais que c’est un processus très long, qui demande énormément de ressources et d’énergie. Il est également très risqué car, une fois découvert, et surtout une fois qu’on a découvert comment on peut mettre au jour la supercherie, l’ennemi devient bien plus méfiant et fait attention. La personne qui m’avait parlé de ce maléfice m’a dit par exemple qu’une fois coupée, la peau « d’emprunt » ne saigne pas mais, ne se régénère pas non plus, ce qui oblige à faire des coutures qui pourraient trahir la nature même de la peau, ou créer des soupçons. Ils n’ont pas dû l’utiliser à tort et à travers.
– Pourquoi aurait-elle fait ça à votre avis ? Et dans quel but ?
– Je ne sais pas… marmonna Omnes à la question de Dimitri. Argent, pouvoir, désir de puissance, simple envie de nuire, volonté de détruire le Royaume, sympathie adrestienne, tenter de préparer la guerre qui nous frappe aujourd’hui, envie de faire brûler le monde entier en semant le chaos… les options les plus simples et les plus délirantes sont toutes à prendre en compte, surtout que toutes les personnes impliquées ne partagent surement pas le même objectif. J’ai fait des recherches sur Cornélia et ses alliés quand ils m’ont volé mes recherches, afin de comprendre ce qu’ils voulaient en faire, et je suis tombé sur un vrai nid de serpents. De ce que j’ai pu apprendre sur ce groupe d’humains étranges, ils recherchent surtout le chaos. C’est une sorte de secte qui se replie sous terre pour se cacher des autorités, et c’est pour ça que ses membres ont une peau aussi pale, voir grisâtre. Ils ne voient jamais le soleil. Mais quoi qu’il en soit, leurs intentions sont purement mauvaises et ne visent qu’à tout détruire sur leur passage, déclara-t-il, une colère sourde dans sa voix.
– Un groupe ne voulant que le chaos ? Répéta Sylvain, se grattant la tête. Ça n’a aucun sens… même Eldegard veut quelque chose de plus concret en voulant refaire un empire mort depuis plus de quatre cents ans car, elle fantasme sur le passé mais… qu’est-ce qu’ils ont à gagner à vouloir la destruction pour la destruction ? Qu’est-ce qui leur restera après ?
– Ils sont peut-être des genres de Loki qui aime semer la zizanie et le chaos car, c’est dans leur nature et leur destin ? Lui proposa Hlif.
– Ouais mais, même Loki a des arguments qui tiennent mieux pour vouloir tout détruire… répondit son cousin.
– Tout de même, admet que cela correspondrait à Solon et Kronya, lui fit remarquer Ingrid. Ils ne semblaient pas avoir plus d’objectif que de tuer, détruire et ruiner tout ce qu’ils croisaient.
– Je dois admettre que j’ai moi-même quelques doutes sur le fait qu’on ne puisse désirer que le chaos et la souffrance d’autrui, sans autre objectif derrière, admit Dimitri. Cependant, nous n’avons pas vraiment d’autres pistes. Omnes ?
– Oui… Votre Altesse j’imagine ? Demanda-t-il. Aux vues de comment les autres vous traitent, j’imagine que c’est vous. Les forces du monde en soient remerciées, vous êtes encore en vie…
– C’est cela. Omnes, j’aimerais que vous partagiez avec nous tout ce que vous savez sur ce groupe. Tout sera pris sous l’angle de l’hypothèse tant qu’aucunes preuves n’accompagneront pas vos dires mais, vous semblez être celui qui en savez le plus sur tout ceci.
– Bien Votre Altesse, accepta-t-il sans hésiter. Je vous jure de vous révéler tout ce que je sais. Je vous le jure, ainsi qu’à un très vieil ami.
– Merci à vous, répondit-il, même s’il décida d’être discret sur l’identité de cet ami, c’était surement très personnel pour faire une telle promesse devant lui aussi alors qu’il était absent. Peut-être que c’est une autre victime de ce groupe… d’où le fait qu’il soit aussi bien au courant sur eux. Une dernière question plus triviale. On m’a dit qu’Omnes était un surnom. Pouvons-nous connaitre votre véritable nom ?
– Oui. Mon nom est Pan… Morfis n’a pas vraiment de nom de famille comme à Fodlan mais, mes amis d’ici m’appelaient « Le Prudhomme » alors, vous pouvez m’appelez Pan Prudhomme. Je serais ravi de vous servir sous ce nom Votre Altesse.
*
Une fois que le plus urgent fut réglé, Dimitri s’autorisa à déambuler un peu dans le palais… il… il ne s’était pas attendu à ce que son peuple l’acclame ainsi… pas après les avoir abandonnés pendant si longtemps… les avoir laissés cinq ans à la merci de Cornélia alors qu’il ne pensait qu’à couper la tête d’Eldegard… et pourtant, ses sujets avaient été là, l’acclamant au balcon royal comme leur roi, le louant pour les avoir libérés des sous-fifres des impériaux, scandaient son nom et le surnom que lui donnaient les srengs « le Lion Sauveur », ces derniers hurlant aussi qu’il était digne de respect et de la couronne qu’il avait dans les veines… quand il était descendu les saluer, une vieille femme lui avait pris les mains, rayonnantes de joie en disant.
« J’étais une jeune fille quand cela est arrivé mais, je me souviens du jour où votre grand-père Ludovic le Prudent a mis fin au règne de son père, Clovis le Sanglant… aujourd’hui, vous lui ressemblez… votre grand-père doit être très fier de vous de là où il est… »
Son grand-père… celui qui avait mis un terme au cycle de conflit sans fin du roi Sanguinaire… Dimitri devait avouer qu’en dehors des récits officiels et de certaines histoires de Rodrigue et Alix, il connaissait très mal son grand-père, mort de la tuberculose alors que sa mère était enceinte de lui… certains murmuraient même qu’il aurait pu se réincarner en lui mais, il croyait peu à la réincarnation, surtout en entendant les morts le supplier de les venger pour qu’ils puissent reposer en paix… cela semblait contradictoire. Son père parlait très peu de Ludovic en dehors de tout ce qui était officiel, et Rufus, c’était encore pire. Le jeune homme pouvait difficilement oublier la fois où, encore plus saoul que d’habitude, son oncle était allé jeter des ordures sur le portrait officiel de son père et avait voulu le brûler, hurlant que tout était de sa faute, il avait fallu l’assommer avec un sort « Vitalis »… Ludovic était un sujet tabou pour ses fils… enfin, il avait énormément de travail avant d’arriver à la cheville d’un roi tel que son grand-père ou de son père…
« Les histoires de familles, ce n’est vraiment pas notre fort… elles finissent toujours mal… » ne put s’empêcher de se dire Dimitri.
Marchant sans trop réfléchir où il allait, juste pour déambuler et faire le point sur ce qui s’était passé aujourd’hui, le jeune homme dériva à travers le palais… malgré ce qu’il avait dit, les paroles de Cornélia le travaillaient… est-ce que c’était vrai ? Que la plupart ne soit qu’un ramassis de mensonge destiné à le faire resombrer dans la haine et la vengeance était sûr mais, où commençait-il ? Quelle était la part de vérité ? Est-ce qu’il retrouverait Patricia à Enbarr ? Serait-elle en train d’encourager ou de tenter vainement d’arrêter sa folie ? Son côté sombre penchait plus vers le premier cas… si elle était capable d’un tel massacre juste pour revoir sa fille…
Alors, est-ce que ses bons souvenirs d’elle était aussi un mensonge ? Il se souvenait que quand Eldegard soit retournée à Enbarr après que Lambert ait finalement chassé Arundel, jugé coupable de tentative de meurtre sur mineur et d’être une trop grande menace pour la sécurité nationale avec sa nièce, Patricia s’était beaucoup refermée sur elle-même et leur parlait à peine, refusant même de voir son père sans Cornélia quand ils étaient sensé être tous les trois… mais elle était si gentille avant… ses yeux d’adulte dirait qu’elle pouvait être capricieuse et impérieuse avec son père, devenant notamment très jalouse quand il parlait trop longtemps d’Héléna, même à Dimitri alors que c’était sa mère biologique mais, à part ça, elle était gentille avec lui… était-ce sa vraie personnalité ou alors, une façade ? Est-ce qu’elle était la mère aimante bien que distante dont il se souvenait, ou une femme prête à tuer pour obtenir ce qu’elle voulait ?
Félix lui dirait sans doute qu’il réfléchissait trop mais, le jeune homme recommençait à avoir mal à la tête… avec les fantômes qui avaient déjà leur réponse, même le sien… si c’était bien un fantôme… ou alors… est-ce qu’Eldegard serait allé jusqu’à…
« O… »
« Eh ! Dimitri ! On te cherchait de partout !
Le blond sentit alors la main de Sylvain se poser entre ses épaules en hurlant à moitié, un grand sourire aux lèvres, suivit par Ingrid.
– Où est-ce que tu étais passé ? On a tourné dans tout le palais pour te retrouver !
– Merci le flair de renard, ajouta le rouquin en tapotant son nez.
– Oh, ce n’est rien. Je voulais juste réfléchir un peu à tout ce qui s’était passé et dit aujourd’hui.
– Tu penses à ce que t’as craché Cornélia… enfin, celle qui a remplacé Cornélia je parie, devina Ingrid avant d’ajouter. C’était que des ramassis de mensonges, tu le sais non ? D’ailleurs, c’est n’importe quoi cette histoire sur Patricia. Elle était très proche de Lambert quand on la voyait mais, pas à ce point… et elle n’aurait jamais trahi le Royaume comme ça !
– Oui mais… où commence-t-il ? » Lui demanda le blond, osant à peine leur dire maintenant que Patricia était bien sa belle-mère, il ne leur en avait jamais parlé avant… « Après tout, on n’a jamais retrouvé le corps ou quoi que ce soit de Patricia, pas même sa voiture… pour tous les autres disparus, on a retrouvé un morceau d’eux ou des objets leurs appartenant mais, rien pour Patricia… je pensais tout ce que j’ai dit sur Cornélia, je te rassure mais, je me pose tout de même des questions… elle… Patricia… elle avait beaucoup changé les dernières années…
– Tu crois qu’elle aurait pu être remplacée aussi ?
– Qui sait…
– Hum… je propose plutôt que tu dormes dessus, déclara Sylvain avant d’argumenter. Tu viens de l’apprendre, et pas de la manière la plus agréable possible. On a aucune preuve pour étayer l’hypothèse que Cornélia et Patricia était en effet complices, à part qu’elle ait complètement disparu sans laisser de trace mais, ça ne prouve rien de sa complicité dans cet évènement. En plus, Cornélia s’est aussi tiré une flèche dans le pied en disant que Patricia voulait la tête du roi. Si on part du principe qu’elle voulait juste tuer le roi pour retourner voir sa fille biologique, si on assume que cette fille existe et que Cornélia n’a pas encore menti – car pourquoi elle ne le ferait pas ? – elle aurait eu mille autres moyens de faire mourir le roi. Elle aurait pu l’empoisonner, le résultat aurait été le même en plus discret et elle aurait pu s’éclipser en prétextant devoir assurer son avenir en travaillant ailleurs. Même si elle était coincée ici, la mort soudaine du roi aurait provoqué un gros désordre politique avec tout le monde qui veut être régent à la place du régent alors, elle aurait pu s’enfuir à ce moment-là aussi. De plus, l’idée du voyage à Duscur était l’idée de Lambert seul pour résoudre les tensions à la frontière et il n’en avait parlé à personne jusqu’à mettre son conseil au pied du mur. Je me souviens encore de ma mère qui fulminait que c’était une idée digne d’un roi sans yeux, et il faut vraiment dépasser les bornes pour que ma mère soit honnête sur ce qu’elle ressent quand on est en Fodlan.
– Ce n’est pas faux… Frédérique avait dit que personne n’était au courant que Sa Majesté Lambert avait échangé une correspondance avec le conseil de chef de Duscur, même dans la chancellerie et la diplomatie, admit Ingrid en se souvenant de l’air atterré de son frère quand il l’avait appris. Ce voyage avait été très soudain…
– Je m’en souviens aussi… mon père s’était même disputé violemment avec Alix… Félix m’avait aussi dit qu’il avait fait du mal à son père, se rappela à son tour Dimitri, se rappelant de l’épéiste donné un coup de pied à Lambert en l’accusant de faire du mal à sa famille. Ils étaient tous sur les nerfs…
– Alors, si ce voyage a été préparé dans la précipitation, les comploteurs aussi ont dû se presser alors, ils ont dû laisser des traces. Et se presser pour trouver une solution en ruminant ne te donnera que des migraines Dimitri, ajouta le rouquin.
– Je suis du côté de Sylvain pour le coup, le soutient Ingrid. On est tous fatigués en plus, ça n’aide pas à bien réfléchir, et il faudra surement une longue enquête pour tirer tout ça au clair… je suis sûr que les jumeaux ont cherché des explications à ce qui s’est passé, ils doivent avoir des réponses, ou au moins un début de réponse.
– Hum… vous n’avez pas tort, admit le prince. Merci beaucoup tous les deux…
– C’est normal Dimitri, lui sourit Ingrid.
– Bon ! Maintenant que tu as l’esprit au calme et qu’on t’a retrouvé, je propose qu’on aille tous à la fête des srengs pour nous vider la tête ! Les invita le rouquin.
– Je croyais que c’était une célébration religieuse en l’honneur de la victoire commune… le reprit la chevalière avec un ton sévère.
– Comme le dirait Hlif, à Sreng, la différence entre une fête et une célébration religieuse après une victoire, c’est où tu la fais, quand, pourquoi, et quel alcool tu sers. En plus, Fregn veut te faire gouter un plat sreng pour te remettre un peu de chair sur tes os. Ça te fera du bien, et la fête faerghienne aura lieu dans quelques jours alors, on aura récupéré pour.
Malgré le grondement réprobateur dans le fond de sa tête, Dimitri accepta l’invitation, tout comme Ingrid. Il avait envie de rester avec eux et parler avec Fregn, et il devait avouer qu’il était curieux de rencontrer la fameuse Hlif dont Sylvain parlait souvent, il n’avait pas eu le temps de vraiment se présenter.
Ils descendirent tous les trois dans la grande place devant le palais, déjà débarrasser des corps des soldats tombés pendant la journée. Il remarqua alors que les srengs avaient mis des petits poteaux de partout, avec des noms et des vœux funéraires pour les morts. « Tu t’es très bien battu mais, tu as tout de même rencontré ta walkyrie », « Tu es tombé car tel était ton destin mais, aujourd’hui, tu festoies au Valhalla avec les dieux », « nous n’oublierons pas à quel point c’est dur mais, on avance en pensant à vous », « même si tu es mort, le village continuera à veiller sur ta famille pour toi »… et bien d’autres phrases, vœux et promesses… certaines que les faerghiens trouvaient choquantes mais, d’autres semblaient bien familières.
Les carcasses des Titanus n’avaient pas encore été évacuées mais, les srengs les avaient recouverts de tissus chatoyants récupérés où ils pouvaient, et parfois même de leurs propres couvertures, capes ou même leur chemise, exhibant tous leurs tatouages et cicatrices avec fierté, prouvant leur force et leur capacité à se battre. Hlif avait relevé ses manches et jambes de pantalon, révélant son corps entièrement tatoué, signe qu’elle était une très puissante magicienne, et même Fregn montrait les sorts de runes incrustés sur sa peau, bien que la plupart ait été barrés et donc rendus inutilisables depuis son mariage. Ils avaient aussi rassemblé autant de nourriture qu’il avait pu se le permettre et faisait tout cuire, des petites statuettes de divinités élevés à la place d’honneur sur un morceau de Titanus cassé, où un d’entre eux avaient écrit « merci aux dieux et au destin d’avoir contribué à vaincre ma maitresse, la traitresse Cornélia. On est mieux sans elle ! ».
Quand la fête commença, Fregn leur fit signe de s’installer au premier rang, alors que celle qui officiait comme prêtresse les félicitait tous pour leur victoire. Elle remplit un grand vase rempli d’alcool s’il se fiait à la couleur, versa une petite partie dans la coupelle des dieux, puis se mit devant Dimitri.
« Au général qui a mené la charge de boire le premier, déclara-t-elle avant d’insister, devinant surement qu’il allait lui dire de commencer par Fregn qui s’était infiltrée à Fhirdiad pendant des mois. Vous l’avez amplement mérité, Lion Sauveur. »
Il accepta alors le vase et but une gorgée. Il ne sentit pas le gout du breuvage, seulement la brûlure de l’alcool fort sur sa langue mais, sans trop savoir pourquoi, entouré de deux de ses plus vieux amis, de rire, d’applaudissement et des louanges hurlés en sreng, le bruit dans le fond de sa tête s’arrêta à nouveau. Ce n’était pas un effet de l’alcool, il ne boirait pas beaucoup pour être sobre pour la journée de demain afin de travailler correctement. C’était un mélange de tout… la joie, ses propres applaudissements qu’il décerna à tous ceux qui avaient combattu, l’instant de calme pour les morts et la tristesse de les avoir perdus, avant qu’un homme ne hurle :
« Alors, que la musique soit d’autant plus forte ! Que les rires soient tonitruants ! Que les chants soient si puissants qu’ils en deviennent discordants ! Que l’alcool tombe de nos verres ! Que nos mots soient hurlés ! Le deuil est toujours difficile mais, c’est un instant de fête ! Nos proches voudraient nous voir heureux d’avoir l’emporté sur nos ennemis et de voir qu’ils sont si peu nombreux avec les dieux ! Fêter ce retour du calme et de la paix en cette ville ! Rire du sort de cette engeance de la honte des hommes et de la honte des dieux ! Nous voir sourire afin de narguer Loki et ses enfants maudits qui se réjouissent de la peine et de la misère ! Nous ne les voyons pas mais, eux, ils célèbrent la victoire au Valhalla auprès des dieux ! N’entendez-vous pas au loin ?! Leur fête bat déjà leur plein alors, ne les décevons pas ! »
Les musiciens répondirent en recommençant à jouer des musiques joyeuses et entrainantes, suivit de chansons toutes plus exubérantes les unes que les autres, improvisant sur les exploits de la journée.
« Un monstre de métal a voulu m’écraser,
Mais j’ai hurlé sur lui et il est tombé,
Après tout, il n’était qu’une grosse poupée,
L’engeance de Loki est bien humiliée ! »
« J’ai volé dans le ciel sur mon valraven,
J’ai frappé de tous les côtés avec mon partenaire,
À ses côtés, je n’ai jamais peur même dans les airs,
Car il me rattrapera toujours sans peine ! »
« Je croyais voir un pauvre désert de pierre,
Mais j’ai vu une ville aux yeux de feu, quelle femme !
Avec un lion à sa tête, quel beau bestiaire !
Ces yeux me rappellent ceux de ma si tendre Gauja… »
Et encore et encore d’autres… tellement que Dimitri serait incapable de se souvenirs de toutes, et il n’était pas sûr que leurs interprètes aussi mais, ce n’était sans doute pas importants… l’important, c’était leurs effets sur le moment, les rires, les cris, les danses et la joie simple qu’elles procuraient. Beaucoup de srengs vinrent vers lui pour le féliciter, certains même pour le défier en combat singulier pour s’entrainer. Il put discuter un peu plus avec Hlif qui lui raconta l’effet de tous ses tatouages, de celui pour se fondre dans la brume, à celui qui inversait le sens du vent un instant, en passant par celui pour retourner sur sa selle quand elle tombait de valraven, ainsi que son tatouage autour de l’œil qu’il avait déjà vu en action, lui annonçant par exemple que Cyril s’était endormi avec sa wyvern et qu’Ashe le ramenait dans son lit.
Fregn discuta aussi avec lui, la femme lui posant dans les mains un fromage typique de sreng, réputé extrêmement fort et rien que l’odeur le confirmait. Évidemment, sa langue sentit à peine son gout, ce qui fit rire un homme, en disant qu’il serait un vrai sreng s’il arrivait en plus à avaler le hakarl, de la viande de requin séché au gout réputé immonde pour tous ceux qui n’avaient pas un palais habitué. La mère de Sylvain lui posa des questions sur son état de santé, s’il se sentait mieux et une fois qu’il ait répondu à ses questions, elle lui raconta les dernières nouvelles de Gautier, ainsi que des histoires de sa mère biologique, Héléna. Fregn était une des personnes les plus bavardes sur elle après son père et les jumeaux, et ça lui donnait un peu l’impression de connaitre cette femme, morte à peine deux mois après sa naissance… Dimitri connaissait toutes ses histoires par cœur mais, cela faisait toujours du bien de les réentendre…
Il se coucha un peu tard… quoi que pas tant que ça comparer à d’autres mais, il se sentait bien. Le jeune homme sombra presque immédiatement dans un sommeil sans rêve, juste rythmé par la musique qui emplissait ses oreilles au loin.
*
Déesse… ça faisait mal ! ça faisait si mal ! Cela faisait des années qu’il n’avait pas eu aussi mal ! Il avait l’impression de s’ouvrir de partout ! D’exploser de l’intérieur ! Mais le pire, c’était ses jambes ! Il avait l’impression qu’on les lui écrasait tout en les coulant dans une chappe de plomb ! Comme si on les collait ensemble par il ne savait quel maléfice ! ça faisait tellement mal ! Il s’agitait dans tous les sens, surtout ses jambes en essayant de les décoller l’une de l’autre, frappait tout ce qui l’entourait, mordait tout ce qui passait près de lui pour ne pas se couper la langue alors qu’il se retenait d’hurler, se mordant le bras jusqu’au sang à la place, il était bien assez pathétique comme ça !
« Ça suffit ! Je veux juste que ça s’arrête ! »
« Jeune maitre ! Restez avec nous ! Reprenez-vous ! »
Il sentit des bras se poser sur sa poitrine, pour tenter de le clouer dans l’eau et de le calmer, appuyant sur ses côtes. Un autre éclair de douleur le traversa tout entier, comme si on venait de lui assener un coup de couteau en plein poitrine et qu’on fouillait dans la plaie, une seule pensée à l’esprit.
« Ça fait mal ! Dégage ! J’ai déjà bien assez mal comme ça ! »
Pour le coup, ses jambes collées furent bien utiles, repoussant d’un coup celui qui lui faisait mal, même si l’impact renforça encore plus la douleur, comme si elles allaient se briser comme du verre s’il recommençait. Déesse ! Il voulait juste que ça s’arrête !
Sa vue était floue, brouillé de larmes, et il n’entendait pas bien… comme sous l’eau… le sang dans ses tempes battant trop fort pour qu’il entende quoi que ce soit d’autres. Mais entre deux cris étouffés, il voyait quelqu’un… il l’avait déjà vu… la personne lui tendait la main… la tendait vers ses yeux…
« Non ! Non ! Non ! Va-t-en ! Laisse-moi ! Je ne te suivrai pas ! Jamais ! Il me faudra me battre d’abord ! » Menaça-t-il, même si c’était plus pathétique qu’autre chose, il était à peine capable de bouger autrement qu’en convulsant.
« Félix ! Il faut que tu te calmes ! Tu vas te blesser ! »
« Filius fili… » murmura la silhouette.
Félix sentit son père l’approcher, le tenir tranquille alors qu’il se débattait encore. Déesse ! Pourquoi tout le monde appuyait sur sa poitrine ! Il n’avait pas compris que ça faisait mal ! Partez ! Partez tous ! Il ne voulait pas que qui ce soit le voie dans cet état ! Il avait déjà bien assez honte comme ça ! Il ne pouvait rien faire de toute façon ! Rien ! ça faisait si mal !
« Va-t’en ! Laissez-moi seul !
– Pavor est adversaris. No pave. Sin pavor, dolor…
– Toi aussi ! Pars ! Partez tous ! Je ne te suivrais pas de toute façon ! Économise ta salive si tu tiens à ta langue ! Va-t’en ! »
Le blessé mordit un autre hurlement avec la première chose qu’il trouvait, sentit le gout ferreux sur sa langue mais, sans la douleur de la morsure. Ce n’était pas à lui… ce n’était pas son bras ! C’était un doigt ! Et pas le sien ! Merde ! Qu’est-ce que le vieux avait-il encore bien pu faire comme stupidité ?! Il n’avait quand même pas… !
– Chut… » Le jeune homme sentit les bras de Rodrigue passer derrière sa nuque et prendre son épaule avec précaution, le tirant contre lui. Il était si chaud… « Ça va aller… ça va aller… ça fait mal mais, on est là, on va trouver le moyen d’apaiser la douleur… on est là… on ne t’abandonnera pas… jamais…
Par réflexe, Félix se pressa son visage contre la chaleur, la cherchant plus que tout à cet instant… ça faisait toujours aussi mal, il avait toujours l’impression que ses jambes allaient se disloquer et fondre dans une chappe de plomb mais, ça devenait plus supportable… c’était puéril mais, il n’avait pas la force de nier à quel point la simple présence de son père lui faisait du bien… le jeune homme crut un instant que c’était sa magie mais, il devina assez vite que ce n’était pas ça… la magie, même de foi, lui faisait plus mal qu’autre chose… il avait déjà bien trop d’énergie en lui… non… c’était… autre chose… encore plus fort… là depuis toujours… et qui lui faisait chaud au cœur…
« Caritas suorum est potentissimam magicam disciplinam, » souffla la silhouette, devenant plus clair, plus familière, moins menaçante… il la connaissait…
– Je sais que tu as peur et que ça fait mal… mais on fera tout pour t’aider et tu vas résister… tu as toujours été si fort… tu t’es toujours battu… je sais que tu vas t’en sortir… je le sais… on sera toujours là pour toi…
– Papa… ne… pars pas… reste…
Félix n’eut pas la force de se maudire tout seul de réclamer son père comme un gosse… ça faisait moins mal et il ne voulait pas qu’il parte, alors que sa simple présence rendait la douleur plus supportable… il ne voulait plus que Rodrigue parte… ça faisait juste si longtemps…
– Bien sûr, » souffla Rodrigue en ajustant leur position, surement parce que Félix avait enfoncé sa tête dans son ventre sans réfléchir, à part à comment plus sentir cette magie qui se dégageait de son père. « Je reste avec toi… ça va aller… ne t’en fais pas… je ne te quitterais pas…
« Caritas suorum… » songea Félix en entrouvrant une dernière fois les yeux pour voir son père qui lui souriait, tentant de le rassurer, avant de resombrer dans le sommeil.
Quand ses paupières se réouvrirent, il rencontra à nouveau les prunelles de son père mais, sur quelqu’un d’autre, le reconnaissant enfin … c’était même elles qui l’avaient poussé à lui faire confiance la première fois qu’il l’avait vu… ils avaient vraiment tous les mêmes yeux de chat dans la famille…
« Tu y vas fort… tu ne m’avais pas fait aussi mal la dernière fois… marmonna-t-il, se sentant flotter à la surface du lac.
– Tu tam… tua vulnera sunt gravissima…
– Je sais… » grogna-t-il, devinant à la tête de Fraldarius ce qu’il venait de dire sans rien comprendre à sa langue. Il tenta de masser sa poitrine pour savoir ce qui se passait dedans mais, il enleva sa main assez vite à cause de la douleur. « J’allais pas le laisser crever…
– Comprehendo. Tu amas pater, et tu amas familiam nostram, lui fit remarquer son ancêtre, ses mots complètement transparents, tout comme son expression.
– … peut-être…
– Dic mendacium alter, rétorqua-t-il avec un air piquant, et ça ressemblait trop à sa propre tête quand il faisait une remarque caustique, même sans parler un mot de latin. Tu amas pater et familia nostra fortior quam tu admittis, et homines vident veritatem.
– … oui… je sais… ça te va comme ça ?
Son ancêtre eut un petit sourire entendu, avant de passer sa main sur ses yeux, les fermant alors qu’il l’enfonçait sous la surface du lac, fredonnant doucement… sa voix se mêlait à celle de Rodrigue… ses poumons se remplirent d’eau comme si c’était de l’air… la douleur dans ses jambes devenant plus sourde, bien que toujours présente… sa poitrine et aussi sa gorge toujours transpercées… Félix se laissa faire… tout irait bien avec Fraldarius et son père à ses côtés… et même si parfois, son père disparaissait et que les eaux semblaient plus sombres, il finissait toujours par revenir… ça irait…
« Ubi in vitam edi etirum, omnia bene procedit. »
*
Dimitri crut que le monde entier était en peau et faux… à peine Fhirdiad libérée qu’il avait reçu un appel à l’aide de Claude, les forces impériales dirigées par Arundel prenant d’assaut Derdriu. Évidemment, les faerghiens étaient allés directement à son secours, refusant de le laisser tomber, envoyant leurs troupes de Leicester en première garde pour l’aider à se défendre avant l’arrivée des adrestiens. La Déesse soit louée, l’armée principale arriva juste à temps pour empêcher la prise de la capitale aquatique mais quand il tua Arundel alors qu’il assaillait Claude et Hilda… la hache de cette dernière avait pratiquement arraché son bras et la jambe de son oncle… enfin, une partie de sa jambe… la peau de sa jambe… découvrant une peau grise comme celle de la fausse Cornélia… alors, lui aussi…
Il… Dimitri ne savait même pas comment il avait fait pour ne pas craquer sur le coup… à cause de l’angoisse de la bataille surement… et du fait qu’Arundel venait de dévoiler à tous qu’Eldegard était sa sœur… un mélange de tout surement… il faudrait qu’il remercie Sylvain et Ingrid d’avoir aussi bien géré la curiosité de leurs camarades, plaidant qu’ils devraient plutôt en parler quand ils seraient avec Félix afin de ne pas se répéter, ainsi qu’avec les jumeaux, ayant surement des réponses aussi à ce sujet… les deux cavaliers étaient surement aussi curieux qu’eux mais, ils les avaient bien canalisés, lui donnant du temps pour réfléchir à tout cela… et comment leur expliquer… le tout en recevant en plus l’Alliance… apparemment, la Table Ronde et les autres seigneurs de l’Alliance avaient voté à l’unanimité pour rejoindre le Royaume sous l’égide de Dimitri… Claude les lui avait alors laissé avec l’Infaillible, sa propre Relique, en signe d’amitié et de ralliement. Déesse… ça faisait beaucoup à digérer d’un coup…
Alors, le jeune homme s’était isolé, mis à part sur le port de Derdriu et s’était mis à déambuler, en espérant arriver à ordonner ses pensées au calme… sauf que… que tout se tordait à nouveau… l’eau semblait trop bleu, les bateaux revenus de la haute mer avec les derdriens semblable à des jouets géants, les maisons en petits cailloux malgré leur architecture qu’il savait très soignée et colorée… c’était comme se retrouver propulser dans une ville de poupée alors que ses pensées partaient dans tous les sens…
Alors, Arundel aussi avait été remplacé… Pan l’avait confirmé, c’était la même technique de déguisement… et est-ce qu’il existait vraiment deux sorts aussi horribles et semblables en même temps ? Lui aussi… depuis combien de temps ? Est-ce que c’était l’imposteur qui était venu à Fhirdiad ou est-ce que c’était le vrai Arundel ? Si c’était le faux, est-ce que ça expliquerait pourquoi il avait attaqué Félix à l’époque ? Et si oui, pourquoi ? Les sorts qu’il avait utilisés alors étaient composés de flammes noires, comme Cornélia mais, Lysithéa aussi maitrisait des sorts sombres depuis toujours… alors, est-ce que c’était le signe qu’elle était aussi une personne remplacée ? Elle semblait haïr les impériaux pourtant ! Et elle avait aussi beaucoup grandi depuis l’académie, et la peau d’un mort ne devait pas grandir alors, c’était surement le signe que c’était une vraie personne… mais s’ils l’avaient remplacé après… mais son comportement n’avait pas changé… mais si son remplaçant était très bon acteur ? Et s’ils pouvaient agrandir leurs déguisements avec des ajouts de peau ? Ses vêtements étaient très couvrants, avec de longues manches et de très hauts bas, ça pourrait couvrir les coutures… ces maléfices étaient parfaits pour imaginer le pire !
« Qui sait… peut-être que tout est faux ? Lui fit remarquer son père. Peut-être que tous ceux qui t’entourent sont faux… après tout… il sentit ses doigts se presser sur sa gorge, à moitié passant à travers et à moitié dessus. Ils t’ont tous détourné de ton objectif… ils t’ont tous interdits d’aller nous venger… ont tout fait pour te dissuader…
– Cela expliquerait tout… ajouta Glenn. Ça expliquerait pourquoi ma famille et Ingrid ne veulent pas venger ma mort… qui sait, ils sont peut-être tous remplacé depuis longtemps ? Et tu es en train de faire le jeu des adrestiens… après tout, tous les remplacés sont passé du côté d’Eldegard, ils sont passé de leur côté… ils sont tous avec les adrestiens… »
Les fantômes revinrent à la charge avec force, se pressant tous dans son regard pour qu’ils puissent tous les voir en même temps. Ils étaient tous là… même ses amis encore en vie… pleurant tous que Dimitri se soit fait berner par les déguisements, qu’ils étaient tous morts et que maintenant, il travaillait avec leurs remplaçants… il les voyait tous… Dedue qui ne serait jamais revenu… Sylvain et Ingrid morts démembrés, comme s’ils avaient été trainés depuis la selle de leur monture… Ashe le cou brisé par la corde du pendu, mis à mort par les seigneurs du sud pour sa fidélité envers lui… Gustave qui mourrait en protégeant Annette, cette dernière pourtant morte à cause du surplus de magie en elle lors d’une bataille… Mercedes morte de fatigue à force d’aider les blessés… Rodrigue mort à sa place… Félix mort en échouant à sauver son père… Alix mort à cause des impériaux… mort… mort… mort…
Dimitri se prit la tête… il devait se reprendre. C’était faux… il le savait… c’était faux, tous étaient encore vivants… c’était juste ses illusions qui tentaient de le perdre à nouveau, comme les mots de Cornélia et d’Arundel… il fallait qu’il se ressaisisse ! Il ne devait pas les écouter ! Il aurait aimé avoir Areadbhar pour se calmer mais, il devait apprendre à les repousser sans elle… mais ils hurlaient tellement forts !
« Non. Vous n’êtes pas réels. Vous n’êtes pas mes amis. Eux, ils sont vivants et je sais qu’ils ne demanderaient jamais cela.
– Prouve-le ! On est tous morts ! Tu es seul ! Tu es tout seul ! Et tu n’as qu’une seule chose à faire ! »
Sa tête allait exploser mais, Dimitri fit tout pour se ramener à la réalité. Il essaya de tâter le sol, le coque des bateaux afin de bien constater qu’ils étaient vrais et pas des jouets, se concentra sur ses autres sens plutôt que sa vue et son ouïe… quand il arriva au bout de la jetée, il s’y assit, enleva ses bottes et ses jambières, releva son pantalon et plongea ses pieds dans l’eau fraiche. Déesse… ça faisait du bien après avoir marché et piétiné toute la journée…
« Je comprends pourquoi Simplex, Pertinax et Laeta faisaient ça après des journées encore plus longues… c’est agréable… »
« Ingrid s’est blessée à la tête et des plumes ont poussé quand Daphnel l’a sauvée par miracle, et elle peut toujours utiliser sa Relique, c’est donc elle, commença-t-il en se remémorant les derniers évènements, essayant de se raccrocher à la réalité avec des arguments et des faits, en plus de l’eau sur ses pieds. Sylvain est maintenant capable de changer complètement d’apparence, et je doute que ce déguisement permette à l’imposteur de se transformer aussi, il faut que le tatouage soit dans la peau du magicien et intact, c’est Hlif qui me l’a raconté et elle, qui que ce soit derrière ces imposteurs, je doute qu’ils aient eu l’idée de remplacer une sreng presque au hasard, ce serait trop dangereux… Ashe s’est coupé en cuisinant et Annette aussi… Mercedes s’est piquée avec une aiguille quand elle a recousu l’épaule de Gilbert à Ailell… ils ont tous saigné et leur plaie s’est refermé… Dedue est couvert de cicatrice et en a une nouvelle sur la tempe… Alix reconnait toujours Rodrigue alors que personne ne pourrait les tromper, et remplacer les deux jumeaux en même temps serait bien trop voyant… la magie d’Aegis et de Pertinax a encore un effet sur Félix… tous ceux qui ont un emblème peuvent toujours utiliser leur relique, je doute qu’ils puissent copier jusqu’à leur sang et que même s’il le pouvait, les Braves se feraient berner… énuméra-t-il en fixant son regard au loin, se concentrant sur les vagues qui devenaient de plus en plus réel et sur leurs chatouilles sur ses orteils couverts de corne. C’est vous qui ne faites que mentir et qui êtes faux jusqu’au bout… je sais où sont mes vrais amis… »
Les morts continuaient de lui hurler des mensonges et des persifflages mais, la fraicheur de l’eau sur ses pieds l’aida à s’ancrer à la réalité… le jeune se focalisa sur le soleil qui commençait à bailler au loin, la brise sur son visage… l’odeur de la mer qui remplissait ses poumons et les purifiait… la houle sur sa peau… ça lui faisait penser aux moments à Egua… ça lui faisait du bien, alors que les fantômes abandonnaient peu à peu, restant seulement en bruit de fond…
Il ne savait pas depuis combien de temps il était resté là mais, Dimitri finit par entendre des pas arriver vers lui avec la voix de Claude.
« Ah ! Majesté ! Vous êtes là ! Faut dire, je vous comprends, c’est agréable de juste plonger les pieds dans l’eau ici, même si elle est encore froide en cette période de l’année…
– Oui… répondit-il en se tournant vers le grand-duc, ce dernier s’approchant de lui. J’avais besoin de réfléchir et de faire le point.
– Ça se comprend, j’avoue que je ne vous ai pas épargné, sourit-il un peu avant de s’asseoir à son tour au bord de la jetée, d’enlever ses bottes et de mettre aussi ses pieds dedans, même s’il grimaça. Brrrr… elle est gelée ! ça fait combien de temps que vous êtes là ? Enfin, je crois qu’on peut se tutoyer au bout d’une jetée et les pieds dans l’eau. Qu’en pensez-vous Majesté ?
– Aucune idée, je dirais une bonne heure mais, ça pourrait faire plus longtemps. Et je suis d’accord, surtout qu’on le faisait à l’académie. Et oui, ça fait beaucoup à intégrer d’un coup… admit-il.
– Bah, tu dirigeras l’Alliance comme un chef. Tant qu’on peut encore faire des affaires, on est content ici, lui assura-t-il avec un clin d’œil. En plus, vu ce que vous avez fait pour Fhirdiad puis pour Derdriu, on est derrière vous. Même le vieux comte Gloucester a voté pour rejoindre le Royaume, une fois que Lorenz soit revenu de sa… mission d’observation des plans d’Adrestia alors, autant dire que même les pro-impériaux préfèrent t’avoir comme roi que la princesse.
– J’avoue que je suis quand même très étonné. Vous êtes très attachés à votre ind��pendance dans l’Alliance. « Ni roi, ni empereur », c’est tout de même votre devise. Surtout toi qui disait avoir de grands projets pour l’avenir et tu nous as bien fait comprendre que tu ne voulais pas rejoindre notre armée. Que vas-tu donc faire à présent ?
– Oui mais, y a roi et roi. Si on reste seul, on ne fera pas long feu face à Eldegard, et si j’ai bien compris tes projets à l’académie, tu comptais donner plus de voix aux roturiers ? Les habitants de toute l’Alliance te soutiendront pour ça, faudra juste que tu ne reviennes pas dessus sinon, on sait être les pires ennuis de Fodlan. Et pour après, on va dire que mes rêves me mènent ailleurs. Pour être honnête, je vais même quitter Fodlan pour les réaliser.
– Tu quittes Fodlan ?! S’étonna Dimitri. Mais, mais pourquoi ? Je croyais que tes rêves prenaient en compte l’Alliance ?
– Oui, et ils la prennent toujours en compte mais, diriger l’Alliance ne me laissait pas assez de temps pour atteindre mon vrai objectif. Au moins, ça m’a permis de faire mes preuves, mes premières armes et des raisons de plus pour les poursuivre. Tu savais que si tu creuses profondément ici, tu retrouves des pièces antiques qui sont les mêmes qu’à Almyra ? Pas exactement les mêmes mais, à sa fondation, la Derdriu antique frappait sur ses pièces un motif de chouette comme une autre cité qui se trouve aujourd’hui en Almyra. Elles se sont différenciées avec le temps mais, le motif de la chouette reste. J’avoue que ça a piqué ma curiosité et je serais curieux d’en apprendre plus sur ça aussi…
– Les mêmes pièces en Fodlan et en Almyra ? En effet, c’est étonnant. Enfin… je crois qu’il y aurait beaucoup de choses qui nous étonnerait aujourd’hui si on connaissait mieux nos ancêtres, ne put s’empêcher de commenter Dimitri en se souvenant de Blaiddyd et de sa peau aussi sombre que celle de Dedue. Tu vas être bien occupé en tout cas.
– Oui, autre raison pour laisser à quelqu’un d’autre le devoir de diriger l’Alliance, je suis déjà débordé… D’ailleurs, un conseil, ne te surcharges pas trop de tâches aussi sinon, tu te retrouveras comme moi à ne plus pouvoir rien faire car, tu cours après trop de lièvres en même temps !
– Je comprends… répondit-il simplement. Pour le moment, je vais me concentrer sur le plus important qui est d’arrêter Eldegard, afin de ramener la paix en Fodlan et de libérer Sa Sainteté Rhéa. D’ailleurs, merci de nous avoir renseignés sur sa position.
– Hé, hé, les espions de Judith sont les meilleurs de Leicester, et Lorenz a fait un très bon travail de son côté aussi, même s’ils n’arrivent pas à savoir ce qu’ils lui veulent étant donné qu’ils ne la tuent pas… enfin, elle sera heureuse de voir la prof arrivée à son secours et Byleth, Seteth et Flayn seront aussi heureux de revoir Rhéa. Vous allez être bien occupé en tout cas mais bon, on ne va pas chômer de notre côté avec Hilda.
– Elle t’accompagne elle aussi ?
– Oui. Quand j’ai annoncé à nos amis que j’allais partir, elle m’a dit directement que je n’irais nulle part sans elle, et on a déjà préparé Holst à la nouvelle alors, ça devrait aller. J’avoue, j’ai du mal à m’imaginer sans elle à mes côtés, admit-il. On a tellement fait de choses et survécu ensembles ses dernières années, ce serait compliqué pour nous deux de se séparer comme ça. On va dire qu’à force, tout le monde s’habitue à avoir besoin d’aide, même un intrigant comme moi, déclara Claude sur un ton navré mais, il ne pouvait pas s’empêcher de sourire.
– En plus, nous savons tous que même si tu dis que tu vas utiliser des méthodes horribles, tu ne le fais jamais, ajouta Dimitri avant de l’encourager. Vous allez très bien vous en sortir tous les deux, même si vous allez nous manquer à tous.
– Je l’espère. Et ne t’en fais pas, nous aussi, on aimerait vous revoir, dans quelques années peut-être ou avant mais, je suis sûr qu’on se reverra. Et ce jour-là… il sortit quelque chose de son étole pour lui donner, Dimitri découvrant une petite pièce avec une chouette d’un côté, une forme humaine ailé entouré d’éclair de l’autre. Je t’enverrais une pièce comme ça, histoire que tu sois sûr que tu ne rêveras pas en me revoyant avec Hilda !
– Je te reconnaitrais, ne t’en fais pas, même si je dois te revoir dans vingt ans, lui jura-t-il.
– Ah ! Ah ! On verra ça quand on y sera ! En tout cas, tu resteras toujours aussi inimitable ! Allez ! Il leva la main vers le soleil, comme pour trinquer sans verre. Â nos rêves et à la paix qui les permettra de les réaliser !
Dimitri sourit avec lui, levant la pièce qu’il lui avait donné en souhaitant à son tour.
– Â nos rêves, à la paix qui les permettra de les réaliser et à notre prochaine rencontre Claude.
*
Au lieu de se réveiller dans l’eau, Félix ouvrit les yeux au sol, debout devant une porte qu’il connaissait bien, bien plus grande qu’elle ne devrait l’être. Il eut le sifflement d’une lame qui s’envolait en l’air, travaillant encore et encore chacun de ses mouvements. Une boule apparut dans sa gorge, devinant qui était derrière. Il hésita… puis prit son courage à deux mains. Il prit alors la clenche et tira dessus, plus haute qu’avant…
À l’intérieur de la cour remplie de sable, Glenn s’entrainait, maniant habilement son épée, son épée sur son bras. Garde, feinte, attaque de coupe ou d’estoc, esquive… tout était précis, habile, et maitrisé, gravé au plus profond de son frère grâce à l’entrainement et son génie à l’épée, chaque mouvement en accord avec son style robuste et puissant, fait pour encaisser les coups puis en donner… le plus jeune avait tenté de se rapprocher de cette manière de combattre, lui qui basait bien plus sa maitrise sur sa vitesse et des frappes bien placées avant de se faire toucher…
« Eh ! Félix !
L’appel de Glenn l’arracha à sa contemplation… Félix avait déjà rêvé de Glenn depuis sa mort, de très nombreuses fois même mais, cela se finissait toujours mal… il ne voulait même plus le voir en rêve et le chassait à chaque fois, c’était trop dur de se réveiller à la fin, même quand les songes étaient douloureux… il voulut le repousser à nouveau, lui hurler qu’il n’était pas Glenn, qu’il n’était pas réel mais, il n’en eut pas la force, le contrecoup siphonnant toutes ses forces et… et n’ayant surement plus envie de se disputer avec qui que ce soit pour le moment…
– Tu viens ? L’appela son frère, égal à lui-même malgré sa voix floue, emportée par le temps. C’est pourtant bien toi qui m’as dit que tu allais me battre quand je reviendrais !
– J’arrive Glenn ! » Répondit-il, et tant pis si c’était un piège… il ne voulait pas qu’il parte encore…
« Comme toujours, si tu me bats, je me mets à la magie ! »
Il attrapa tout de suite son épée d’entrainement et se mit en garde, en miroir avec Glenn… ça aussi, il avait tenté de le changer… Félix avait toujours été gaucher, comme une grande partie de leur famille paternelle et leur père, ce qui une très bonne chose pour un épéiste car, on affrontait rarement des personnes maniant leur épée à gauche, les formations étaient faites pour les droitiers… mais Glenn l’était, il faisait tout de la main droite… Félix se souvenait d’à quel point il avait tenté d’échanger ses mains pour tout, que ce soit pour écrire ou pour combattre mais, ses gestes devenaient de moins en moins précis et il parlait même plus difficilement, jusqu’à ce qu’Alix le coince pour le forcer à réutiliser sa main gauche avant de devenir bègue, surtout que lui-même voyait que cela ne lui réussissait pas alors, il avait repris sa bonne main, ainsi que sa propre manière de combattre. Il fit donc face à Glenn ainsi, en miroir avec lui, prêt à lui montrer tous ses progrès de ses dernières années…
Cependant, quand il l’affronta, le plus jeune ne put s’empêcher d’utiliser les techniques de Glenn, de se battre comme lui…
« Je ne pourrais pas le battre sinon… » se persuada-t-il tout seul, sachant qu’il ne lui arrivait pas à la cheville avec les siennes.
Cependant, son grand frère l’envoya presque tout de suite au sol. Mais pourquoi ?! Il tenait pourtant mieux la confrontation avant ! Pourquoi il n'arrivait plus à lui donner autant de fil à retordre que dix ans auparavant ?!
« Monsieur, qui êtes-vous ?
La question frappa Félix en pleine figure. Glenn ne le reconnaissait pas ? Il l’avait pourtant fait tout à l’heure ! Alors pourquoi…
– Vraiment, la question est sérieuse ! C’est pas comme ça que mon petit frère se bat ! Il est vif comme chat et rapide comme l’éclair ! Faut toujours que je fasse attention à tout car il peut surgir de n’importe où ! Ce n’est pas son genre de tenter de bloquer comme ça ! En plus, je dois faire attention à tout vu qu’il est aussi doué avec son épée qu’avec ses éclairs ! Là, ça sert à rien ! Ce n’est pas lui ! Ce n’est pas toi !
– Glenn… souffla le plus jeune en ne pouvant empêcher son regard de fuir les yeux de son frère. Je… je voulais être aussi fort que toi… je voulais être comme toi…
Avec un sourire compréhensif mêlé à de la tristesse, il souffla en réponse :
– Je sais… je suis désolé que tu ais cru ça en partant comme ça… Félix releva les yeux alors que Glenn lui tendait la main, patient. On remet ça ? Tu m’affrontes vraiment cette fois louveteau ?
Félix étrangla un petit hoquet dans sa gorge, voyant l’enthousiasme dans les yeux de son frère quand il lui prit la main. Une fois remis sur ses pieds, ils se mirent de nouveau en garde, avant de s’affronter encore une fois. Le combat fut bien plus dur mais aussi bien plus satisfaisant, chacun donnant son maximum contre l’autre. Glenn parait chaque coup que Félix lui rendait après une esquive souple, le bois tapant parfois l’un contre l’autre avant de les frôler, jusqu’à ce qu’une des épées s’envole dans les airs pour retomber dans le sable.
– Alors… Glenn sourit en montrant ses mains vides, se rendant avec joie. Je suis bon pour apprendre la magie. Rit pas trop quand j’essayerais de faire autre chose que de la fumée, c’est toi le magicien de nous deux.
Félix haletait, tremblant encore sous l’effort du combat, sentant la force du combat battre dans ses veines même si son emblème n’était jamais intervenu… il… il avait gagné… il avait gagné contre Glenn… Glenn qui…
– Je suis très fier de toi Félix, sourit-il en baissant les bras, alors que sa voix semblait devenir plus faible, plus lointaine. Tu as vraiment bien grandi… tu n’as plus à te comparer à moi à présent… tu es bien plus fort quand tu ne m’imites pas…
Les larmes débordèrent de ses yeux quand il lâcha son épée et fonça contre son frère, le faisant presque basculer en arrière alors qu’il enfouissait son visage contre lui en pleurant, s’accrochant à lui. C’était puéril et enfantin mais, il refusait de le lâcher et de le laisser partir, pleurant tout ce qu’il voulait lui dire quand il n’était pas rentré…
– J’ai travaillé très dur… tous les jours, je m’entrainais pour te battre ! C’était tout ce que je voulais ! Je voulais te battre et enfin être aussi fort que toi ! Je… je voulais faire comme toi… être assez fort pour protéger tout le monde…
– Je sais… et tu y es arrivé… j’aurais aimé pouvoir voir ça aussi… souffla-t-il en passant sa main dans ses cheveux pour l’apaiser. Mais tu t’es très bien débrouillé… même quand tu faisais n’importe quoi, tu t’es rattrapé…
– Je sais… je n’aurais pas dû… sauf pour traiter Lambert de chien errant idiot, il t’a envoyé à la mort avec tout le monde… c’était encore plus dur avec ça… t’avais pas à partir… tu aurais dû rester… papa ne voulait même pas que tu partes… personne… c’était pas sa faute… c’est celle de Lambert et des comploteurs… mais… mais… il enfonça sa tête encore plus dans ses bras et son étreinte en sanglotant. Je suis désolé… pour tout le monde… je suis désolé pour papa… je suis désolé…
– Je suis désolé aussi de vous avoir laissés… j’aurais préféré que tout se passe autrement… et maintenant, tu ne recommenceras plus ?
Le plus petit fit non de la tête, murmurant entre deux sanglots.
– Jamais… plus jamais… je ne veux plus le perdre… personne…
– C’est bien Félix… tu as bien grandi… tu te débrouilleras très bien…
Glenn semblait glisser hors de son étreinte, impossible à capturer comme de l’eau vive et fuyante…
Cela ressemblait trop à un adieu.
Félix serra plus fort son frère dans ses bras, refusant de le laisser partir.
– Ne pars pas… tu me manques… tu manques à papa… tu manques à tout le monde… ne pars pas… ne pars pas… reste avec moi… s’il te plait Glenn, ne t’en vas pas…
– Il le faut louveteau… je ne serais pas loin… je ne suis jamais loin…
Glenn se dégagea de son étreinte, se baissant à son niveau alors qu’il hoquetait toujours en pleurant, la vue brouillée par ses larmes. Il les essuya, puis embrassa doucement sa joue, avant de poser sa main sur son cœur.
– Je suis là, pas loin, jamais loin… je serais toujours là, avec toi… en plus, tu n’es pas tout seul… et tu ne restes plus tout seul…
Félix entendit alors un murmure, presque silencieux comme le chuchotement d’un ruisseau dans la forêt… devenant de plus en plus fort… il se tourna dans sa direction… on l’appelait… c’est vrai que cela faisait longtemps qu’il dormait… il devait se réveiller maintenant… il devait l’inquiéter…
Glenn sourit encore en l’encourageant.
– Vas-y… ne le fait pas attendre… il doit se faire un sang d’encre pour toi…
Félix accepta, même s’il posa une dernière question.
– On se reverra grand frère ?
– J’en suis sûr… tu verras, on sera réuni un jour tous ensemble, j’en suis persuadé… papa, maman, Alix, toi et moi, et même papi et mamie… on sera tous réunis, je te le jure… d’accord ?
– D’accord… je t’aime Glenn…
– Moi aussi, je t’aime Félix… il posa son front contre le sien. Je serais toujours avec toi… »
Les deux frères s’enlacèrent encore une fois puis, après un dernier regard à Glenn, le plus jeune ressortit dans la cour d’entrainement en fermant la porte derrière lui, replongeant dans les eaux…
Quand Félix rouvrit les yeux, il se sentait plus léger mais, il avait aussi l’impression que même son sang avait changé, sentant tout son corps comme s’il était différent… c’était comme s’il était dans et en-dehors de sa peau en même temps, comme après une mauvaise gueule de bois mais, en à la fois pire et plus agréable… il tenta de bouger ses jambes, elles agirent comme si elles étaient une… quand il essaya de les dissocier, elles refusèrent et s’emmêlèrent ensembles… Déesse… qu’est-ce que le contrecoup avait provoqué ?!
« Félix…
La voix toute douce de son père lui fit ouvrir les yeux… Rodrigue était là, comme toujours, le tenant contre sa poitrine… il était si chaud… par réflexe, il s’accrocha à sa veste, comme si les seuls gestes qu’il pouvait faire, c’était de se rapprocher encore et encore de lui pour ne plus le lâcher… il se serait surement disputé lui-même avant mais là, il s’en fichait d’agir à nouveau comme quand il était enfant… pas quand repoussé Rodrigue et ceux qu’il aimait ne lui avait fait que du mal…
– Papa… grinça-t-il, sentant l’air passer à l’intérieur de sa gorge de manière différente. Comment tu… combien… et qu’est-ce qui…
– Je vais bien, ne t’en fais pas pour moi. Tu es endormi pendant trois semaines. Le contrecoup du miracle a beaucoup affecté ton corps et il a beaucoup changé, tu as encore besoin de repos…
– Et tu es resté avec moi tout le temps… devina-t-il.
– La plupart du temps, même si Alix m’a remplacé de temps en temps…
– Je sais… je le sentais quand tu n’étais pas là…
Il allait commencer à dire quelque chose mais, Félix le coupa tout de suite.
– N’essaye même pas de t’excuser… tu ne pouvais pas rester dans le lac tout le temps, marmonna-t-il en sentant l’eau tout autour d’eux. Qu’est-ce qui s’est passé…
– Et bien… il baissa les yeux, les posant vers ses jambes, ayant du mal à expliquer ce qui lui était arrivé.
Félix regarda ses jambes, ne les vit pas sous l’eau alors, il les bougea encore, tentant de les ramener vers lui, jusqu’à ce qu’il sente ce qu’il percevait comme étant ses pieds, remplacé par un voile semblable à celui de certains poissons… il remonta un peu sur ses chevilles et sentit encore des écailles… ah… d’accord… ça expliquerait pourquoi il avait l’impression qu’il respirait à l’intérieur même de sa poitrine, alors qu’elle était complètement immergée…
– Alors, ça a provoqué ça cette fois…
– Elle s’est stabilisée depuis quelques jours mais, comme tu ne te réveillais pas, on a préféré te laisser dans le lac, souffla Rodrigue, essayant de le ménager un peu.
– Hum… reste plus qu’à voir ce qui se passe quand j’en sors.
– Tu es sûr ? Ce n’est pas trop tôt ? Et si…
– Ça va aller, lui assura son fils. Et si quelque chose se passe mal, tu seras là pour me remettre dans le lac…
Son père eut un instant de silence avant d’hocher la tête, le prenant dans ses bras pour le soulever hors du cocon protecteur du lac. Félix s’accrocha à son cou pour être plus stable, voyant un peu mieux tous les changements sur son corps ainsi, les sentant palpiter dans sa gorge et sa poitrine.
– Tu es prêt ? Lui demanda-t-il avant de le tirer hors de l’onde.
– …oui… je suis prêt…
Félix ferma les yeux alors les yeux en attendant le contact avec l’air. Même si ça se passait mal, Rodrigue était là. Glenn et Fraldarius aussi veillaient sur lui. Il les avait tous retrouvés…
*
Une fois Derdriu sauvée, l’armée royale dut se dépêcher d’aller reprendre Arianrhod alors que l’Empire tentait de la remplir de soldats. Il était de plus en plus sur le qui-vive… apparemment, d’après le dernier rapport de Lorenz, beaucoup de défections s’opéraient dans le camp d’Eldegard quand elle était revenue gravement blessée.
« Leur raisonnement est fort simple, avait-t-il déclaré. Le plus fort doit être le chef alors, que vaut un chef qui enchaine à présent les défaites, lourdement blessé et qui ne peut plus se battre pour le moment ? Ils ne suivent que la force et celui qui l’a, et cette force est en train de changer de camp alors, eux aussi. »
Si Félix avait été là, Dimitri était sûr qu’il aurait eu une réplique cinglante sur les chiens errants… enfin, pour le coup, cela les arrangeait. Même si ce n’était pas des alliés fiables, cela faisait des hommes en plus dans leur armée et en moins dans celles d’Eldegard… enfin, il devait rester méfiant, surtout que l’Impératrice et Hubert étaient à présent aux abois, des révoltes explosant dans tous l’Empire, menées par les anciens aigles de jais. D’après leurs dernières informations, Petra était même parvenue à chasser les impériaux de Brigid… c’était déjà ça.
Enfin, le principal était qu’Eldegard ne pouvait plus compter uniquement sur la terreur qu’elle inspirait pour tenir son empire, plus après toutes ses défaites, Hubert et elle allaient devoir négocier pour obtenir des soutiens. Chaque défaite les rendait un peu plus faibles à chaque fois. Les faerghiens et les leicesters devaient en profiter, surtout maintenant qu’ils avaient repris pour de bon le verrou d’Arianrhod. Cependant, avant cela, Dimitri devait encore assurer le maintien de la frontière, et régler des questions administratives vis-à-vis de l’Alliance avec les Charon. S’il avait bien compris, ils avaient réussi par il ne savait quel miracle à sauver une grande partie des documents fiscaux et juridiques du Royaume mais bon, ils étaient présents partout dans l’administration. Qu’ils aient des copies de tout ne l’étonnerait pas tant que ça… et ils étaient assez une grande famille au sens même numérique avec plus d’une trentaine d’adultes dans ses rangs, le tout en étant très uni. Ça aussi, ça aidait pour être efficace et au courant de tout.
« Il faudra que je leur rende visite dès que possible… songea le prince en travaillant dans son bureau à Arianrhod, quelques jours après la bataille. Nous devrons dresser un grand inventaire général du Royaume… Eldegard a tout détruit sur son passage, nous devons savoir ce qui nous reste comme ressources pour tout reconstruire… »
Il écrivait toutes les lettres qu’il devait envoyer aux quatre coins du Royaume, afin de garder contact avec tous les seigneurs et faire sentir sa présence : trois lettres de rapports aux Fraldarius, une lettre appelant un des bataillons stationnés à la capitale vienne en renforts à Arianrhod, une lettre pour demander l’état des relations avec les srengs et la reine Thorgil au margrave Gautier, une pile de lettres variés au sujet de l’administration pour les Charon… encore et encore des documents administratifs… l’écriture était si petite… mais il ne pouvait pas se permettre de gaspiller du papier, encore moins pour les documents écrits sur du parchemin, c’était bien trop précieux !
Au bout d’un moment, Dimitri fut obligé de poser sa plume, se frottant son œil restant. Mercedes et Manuela lui avaient donné des gouttes pour les yeux afin de rendre le travail administratif moins fatiguant pour sa vue mais, elles avaient leurs limites… il aurait préféré continuer mais, il était épuisé…
Le jeune homme sortit se promener un peu, se détendant les jambes dans les zones dont les pièges avaient été désactivés. La plupart était connue des faerghiens mais, certains avaient été rajouté par Cornélia alors, ils étaient bien plus compliqués à désarmer. La présence de Pan parmi eux était une bénédiction, cet homme arrivait à « court-circuiter » la technologie de Cornélia, même si Dimitri ne savait pas forcément ce qu’il voulait exactement dire par « court-circuiter »… surement du jargon spécifique aux inventeurs… même s’il devait se renseigner. Hanneman devrait savoir, ou au moins une de ses connaissances de confiance…
Il parcourait la forteresse quand il tomba sur Pan, assit par terre en regardant les étoiles qui commençaient à se montrer, une bouteille à côté de lui, un petit tas de matière surement récupéré sur les installations de Cornélia sur les genoux. Pour quelqu’un qui avait vécu dans le désert, il ne craignait pas le froid, portant des vêtements pratiques et protecteurs pour son travail mais, pas forcément très chauds. Il fallait dire, il avait passé ces derniers jours à désamorcer la moindre installation suspecte, il devait avoir transpiré. L’inventeur voulut se relever quand il le vit mais, Dimitri lui assura.
« Restez assis, vous êtes surement épuisé.
– Je ne suis pas le seul. Vous semblez aussi fatigué. Votre œil est tout rouge. Vous avez fait beaucoup de travail administratif je suppose ? Devina-t-il.
– Mmmhhnn… oui, je dois avouer que lire trop longtemps me fait mal aux yeux… je fatigue vite, même avec des gouttes.
– Je m’en doutais. Je connaissais quelqu’un qui ne lisait pas facilement, il fatiguait vite et avait toujours des yeux rouges après… il avait beau se mettre de la potion, rien à faire jusqu’à ce qu’il arrive mieux à lire et qu’il en prenne l’habitude. Ce n’est pas grand-chose mais, peut-être que regarder autre chose que des pages et des pages écrits en tout petit vous fera du bien.
– …hum, vous avez surement raison. »
Dimitri se laissa un peu tomber contre le mur, s’appuyant contre tout en gardant une petite distance avec Pan de son bon côté. Il le connaissait encore assez peu, et même s’il avait prouvé sa fidélité en combattant Cornélia et en apprenant à d’autres à désarmer sa technologie, il n’était pas encore parfaitement à l’aise avec lui. Cependant, il n’avait pas tort, regarder le ciel étoilé lui fit du bien à l’œil, et c’était reposant de juste ce poser. Ils ne se dirent rien pendant un moment, Pan continuant à trafiquer ce qu’il avait dans les mains, s’interrompant juste de temps en temps pour boire une gorgée de sa bouteille. À l’odeur, c’était de l’alcool mais, il ne semblait pas devenir ivre… Dimitri savait que son père et son oncle tenaient très bien l’alcool mais Pan, cela semblait être une autre catégorie… quel homme étrange… comme son continent, rempli de mystère… l’un des plus connu était la longévité de ses habitants, la rumeur voulant qu’une même personne pouvait voir naitre et mourir toute une lignée sur dix générations… les habitants démentaient cette légende mais, cela correspondrait bien à Pan. Plus il côtoyait cet homme, plus Dimitri le trouvait impossible à mettre dans une case pour son âge, ayant une apparence semblant trop jeune pour tout le savoir qu’il avait accumulé et sa sagesse…
« Que faites-vous ? Lui demanda-t-il au bout d’un moment en le voyant trafiquer le matériel sur ses genoux, alors que son œil devenait un peu moins sec sous la lumière douce des étoiles et de la Lune.
– Hum… ? Petite expérience amusante, j’ai récupéré les matériaux sur les dalles piégées installées par Cornélia. Je voyais aussi si je pouvais les réutiliser efficacement. Cela ressemble beaucoup à la magie de Morfis bien qu’elle semble alimentée par d’autres sortes de magie… mais… si je l’en purge… puis j’ajuste les différents circuits et réseaux d’énergie…
Il marmonna en articulant les différentes pièces sur son tablier entres elles, créant une sorte de petite créature à quatre pattes et avec de grandes oreilles de lapin au sol, une sorte de manivelle dans son dos. Il la tourna un peu puis, relâcha sa petite bête sur le sol, et celle-ci se mit à avancer toute seule !
– C’est comme les Titanus… Mais co… comment arrivez-vous à faire cela ? le questionna-t-il en rattrapant le petit objet, tremblant un peu malgré tout en le sentant continuer à bouger ses pattes loin du sol, même s’il finit par s’arrêter en même temps que la manivelle dans son dos.
– Pour faire très court et très simplifié, la combinaison entre les bons matériaux, la magie et une force motrice. Ici, c’est une sorte de petit ressort que j’ai remonté avec la clé, ce qui permet à l’énergie emmagasiné dans l’objet de circuler dedans pour le faire avancer, lui expliqua-t-il en montrant les différentes parties de sa création. Ça fait un petit jouet comme ça. Deux de mes amis venaient souvent avec leurs enfants, ils me demandaient souvent d’en fabriquer pour s’amuser. Je pense que je pourrais aussi réutiliser plusieurs des matériaux de Cornélia pour créer des prothèses. Cela pourrait être utile aux éclopés.
– J’ai du mal à croire que la même magie puisse autant animer un jouet qu’une arme de guerre… souffla Dimitri en retournant le pantin, s’imaginant bien des enfants s’amuser avec ce genre d’objet, osant à peine toucher la « clé » de peur de la casser. Et des prothèses dites-vous…
– On utilise bien le fer autant pour faire une épée, des couverts ou des bijoux, et on les forge dans les mêmes fourneaux, lui fit remarquer l’inventeur. Ce n’est pas une question de technique ou de savoir-faire mais, simplement d’utilisation. Toute magie permet de faire des choses extraordinaires, c’est même la base de cet art mais, tout dépend de qui la manie et dans quel objectif. Et oui, c’est ma spécialité.
– Cela semblait plutôt être les automates, rétorqua le jeune homme en lui montrant celui qu’il tenait.
– De base, j’étudiais comment renforcer le corps mais, il s’est avéré que j’étais bien plus doué avec tout ce qui n’était pas organique ou hors du domaine curatif. Ne me demandez jamais de faire de la magie de foi, je provoquerais plus de dégâts qu’autre chose. Je me suis mis à étudier différentes manières de renforcer les forces d’un corps humains, puis sur des automates car, j’avais déjà commencé à en fabriquer pour m’assister puis… il laissa échapper un soupir sombre. Puis j’ai dû apprendre à réparer les corps brisés malgré ma nullité en magie de guérison…
– Un de vos amis en avait besoin ? Devina Dimitri, la plupart des motivations de Pan avait un lien avec eux, même s’il était toujours évasif à leur sujet.
– Oui, une main arrachée au combat. On ne l’a jamais retrouvée et il en avait besoin. Alors, avec une autre amie et meilleure des collègues, on a travaillé d’arrache-pied pour lui fabriquer une nouvelle en métal… l’inventeur eut un sourire, et c’était bien la première fois qu’il le voyait sourire ainsi. Je crois que je n’oublierais jamais ce jour… Il était tellement heureux d’avoir retrouvé sa main… hi, hi… il laissa échapper un petit rire attendri. La première chose qu’il a fait avec, c’était de nous pétrir du pain, de le faire cuire et de le partager entre nous deux pour nous remercier et fêter ça. Il savait à quel point on trouvait ses pains délicieux.
– Je vous croies, il devait être soulagé de pouvoir à nouveau manier des objets à deux mains, lui assura-t-il, voyant à quel point ce souvenir était doux pour Pan. Vous devez être très habile avec vos prothèses pour égaler un miracle des Braves. On dit que le roi Loog lui-même a perdu une main au combat mais, Blaiddyd lui-même l’a remplacé par une main en glace.
Pan hocha la tête en répondant, un peu évasif comme souvent :
– Oui, je connais cette histoire. Hum… il l’observa une seconde, fixant son cache-œil. Je pense que je pourrais aussi vous rendre votre œil.
– Mon… mon œil ?! S’étonna le borgne. Mais… mais comment ? C’est bien plus complexe qu’une main !
– Avec pas mal de patience et beaucoup de minutie, oui, même si cela demandera des mois de travail pour seulement fabriquer la prothèse. Si le nerf optique n’est pas trop endommagé, je pourrais vous raccorder une sphère optique qui remplacerait votre œil, alimenté par la production naturelle de magie de votre corps. Cela pourrait résoudre vos difficultés à lire des rapports pendant longtemps, votre champ de vision serait de nouveau complet, et ça empêcherait surement des infections si le globe oculaire a été arraché…
Dimitri posa sa main sur le côté droit de son visage, sentit le cache-œil de cuir noir, la paupière brisée et l’orbite vide en-dessous… il se souvenait à peine de comment il avait fait… juste la brûlure de l’infection et sa vision de plus en plus floue… son besoin de ne pas devenir aveugle pour accomplir sa vengeance… ses doigts qui… l’éclair de douleur puis plus rien une fois soigné… il se fichait de son corps à ce moment-là… tant qu’il pouvait encore servir aux morts comme arme vivante, c’était tout ce qu’il comptait, même s’il tombait en lambeau…
« Simplex n’avait pas tort en disant que je me considérais comme l’esclave des morts… »
Avoir deux yeux lui serait très utile. Rien qu’en combat, cela éliminerait l’angle mort du côté de sa main dominante, cela réduirait les risques qu’un ennemi s’y faufile pour l’attaquer… et comme le dirait Pan, son travail administratif serait bien moins fatiguant avec deux yeux… cependant… est-ce…
– Je ne suis pas sûr de vouloir… ou seulement d’être prêt à avoir un deuxième œil à nouveau… cette blessure… c’est une mise en garde…
– Puis-je savoir de quoi ? Tiqua-t-il tout de suite, étonné.
– Pour ne pas me perdre à nouveau. Je ne peux pas me permettre de négliger à nouveau mon corps, surtout quelque chose d’aussi précieux que ma vue…
– Si vous avez peur d’abuser des prothèses, si ça peut vous rassurer, la douleur de l’opération vous fera surement traiter votre corps avec plus délicatesse, rétorqua-t-il sur un ton un peu abrupt. On n’avait pas grand-chose pour l’anesthésier sur le coup mais, mon ami a beaucoup souffert quand on a raccordé ses nerfs à sa nouvelle main. De plus et sans vouloir vous offenser, je crois que vous avez suffisamment de cicatrices pour vous rappeler que vous ne devez plus vous perdre dans les ténèbres ainsi. Vous forcez à ne pas vous simplifier un peu l’existence ne vous aidera pas.
– Je me pose un peu la question… après tout ce qui s’est passé… n’est-ce pas trop ? Est-ce que cela n’effacerait pas un peu ce que je suis dans le fond ? Même si je réfléchis surement trop…
– Je dirais plutôt que vous êtes têtu… Vous aurez toujours votre cicatrice sur le visage, et je ne suis pas capable de reproduire fidèlement un organe, il y aura toujours un élément mécanique qui trompera l’illusion. Vous infliger une punition tout seul ne vous aidera pas. Enfin… je ne peux pas dire que je ne comprends pas un peu… cela doit être très compliqué dans votre propre tête alors, je ne vous dirais rien de plus à ce sujet.
– Merci de comprendre… et que voulez-vous dire ? Lui demanda Dimitri, parler l’avait toujours bien aidé jusqu’à présent. Vous êtes également passé par-là Pan ?
– Un peu, j’étais un peu comme ça quand j’étais jeune, même si j’étais obnubilé par mes recherches au point de négliger mes propres émotions et les autres, surtout que ce n’est pas quelque chose d’encouragé dans le clan d’où je viens. Je ne savais même pas ce que c’était que d’avoir des amis pendant longtemps. C’est qu’en sortant de ce clan pour un travail que j’ai commencé à comprendre… je ne voulais pas trop au début mais, l’un d’entre eux était toujours horriblement têtu… autant que vous-même… je me suis lié donc à cette première personne, puis à une collègue, puis encore à d’autres… j’ai appris plein de choses très simples, comme le simple fait de lever le nez de mes livres pour regarder les étoiles ou apprécier ce que je mangeais… je ne comprenais même pas ce qui m’arrivait, mais ils m’ont expliqué… sans eux, je serais surement encore dans ce clan où je ne faisais rien de bon pour les autres, et encore moins pour moi-même. J’avoue même qu’à un moment-là, je me demandais si j’avais le droit d’être leur ami à cause de mon clan… puis le membre du groupe avec qui je m’entendais le moins bien a été le premier à me demander si je ne voulais plus les suivre. Quand j’ai dit « oui », il a ajouté que je n’allais pas me frapper tout seul avec une hache car, j’avais juste appris ce que c’était d'avoir des émotions et une morale. C’était donner une autre victoire à mon ancien clan que de m’infliger cela car, cela faisait qu’il avait encore une emprise sur moi… et vous, pourquoi vous infligeriez-vous une punition pareille ?
Dimitri ne répondit pas, faisant tourner ses mots dans sa tête, s’agitant avec celui des morts, alors que Pan finissait sa bouteille.
– Je ne suis pas le mieux placé pour parler, et c’est à vous de décider ce que vous voulez mais, je vous répéterais juste les mots qu’il m’a dit ce jour-là « C’est ta vie, pas la leur. Et s’ils te disent que c’est la leur, dis leur d’aller se faire foutre. ».
Dimitri ne put s’empêcher de lâcher un rire devant cette remarque, voyant très bien Félix capable de lui sortir quelque chose de ce genre-là. Il lui avait dit à peu près la même chose après tout quand il s’était réveillé, comme Rodrigue. Cependant, Dimitri s’excusa tout de suite, ne voulant le vexer.
– Je vous demande pardon, je ne voulais pas me moquer de vos conseils… Cela me fait juste penser à quelqu’un que je connais très bien aussi, il m’a dit quelque chose de semblable il y a peu. Votre ami semblait avoir beaucoup de caractère.
– C’est moins qu’on le puisse dire, sa petite était pareille, c’est de famille. Il a cependant ajouté juste après « ne reste pas tout seul au milieu des problèmes. », compléta le morfisien en se levant, le visage neutre. Enfin, c’est à vous de voir. Ma proposition reste toujours en tout cas. Pour ma part, je vais dormir… la journée a été longue.
– Bien sûr…
Dimitri lui tendit le petit jouet qu’il avait gardé entre ses doigts mais, Pan le refusa en déclarant.
– Gardez-le, pour vous rappeler aussi quelques petites choses. Bonne nuit fils de Loog.
– Merci… Bonne nuit Pan, lui souhaita-t-il à son tour.
Le jeune homme resta encore un peu à regarder les étoiles, puis rentra dans sa chambre pour se reposer aussi. Il en parlerait avec ses amis demain, il y verrait surement plus clair ainsi…
*
Après quelques semaines passées à Arianrhod pour bien sécuriser et réorganiser la frontière, l’armée royale remonta vers Fhirdiad. La route de l’Empire passant par Arundel était bien trop incertaine et semé de zones où leurs armées seraient trop à découvert, et le prince devait réaffirmer sa présence en Leicester afin de s’assurer de leur fidélité. Avec tout ceci, mieux valait traverser le grand pont de Myrddin, passer le Fort Merceus puis de faire tomber Enbarr. Ce serait difficile mais, ils devaient tout faire pour renverser Eldegard afin d’arrêter cette guerre ! Mais avant, Dimitri voulait régler certaines choses au clair et surtout voir comment ils allaient.
Ce fut ainsi que les lions se sont de nouveaux retrouvés à faire route vers Fort Egua avec Gilbert, tous s’inquiétaient pour Rodrigue et Félix. Ils se faisaient annoncer à la forteresse ducale quand ils entendirent la voix de l’épéiste râler, grognant surement après Pierrick.
« Je me sens beaucoup mieux ! Je peux retourner au travail ! Je ne peux pas passer ma vie à dormir dans le lac !
– Vous tremblez encore sur vos jambes ! Rétorqua effectivement le médecin. Et on ne sait pas encore si le contrecoup est fini ! Quelque chose change tous les jours ! Alors, pour l’amour de la Déesse et des Braves, reposez-vous encore un peu louveteau !
– Tu devrais l’écouter Félix, lui conseilla son père. Tes jambes sont encore très instables et tu tombes encore souvent. Je sais que c’est frustrant mais, il faut que tu attendes qu’elles se stabilisent avant de reprendre l’entrainement ou même le travail avec nous.
– Tu dis ça car tu peux faire autre chose de tes dix doigts depuis le mois dernier ! Je t’assure que je me sens bien ! En plus, on est encore en guerre, je ne peux pas rester à rien faire comme ça ! Et toi aussi, fait attention, t’as pas gardé ce que tu as avalé hier !
– Dit celui qu’on a dû littéralement repêcher à la même date. T’es bien le portrait de Félicia sur ta santé tient, ajouta Alix. Repose-toi maintenant et tu pourras nous aider plus après. Nous aussi, on a du mal avec cette idée mais, on t’assure que ce sera mieux pour tout le monde.
– C’est surtout l’hôpital qui se fout de la charité… marmonna-t-il en apparaissant en haut des escaliers avec son père, son oncle et le médecin.
Les cheveux de Félix avaient beaucoup poussé en quelques mois à peine, sa tresse semblant tomber au milieu de son dos à présent, comme avant la guerre. Il semblait aussi plus frêle mais, c’était surement parce qu’il portait une couverture sur ses épaules, en plus d’Aegis qui y était accroché. Rodrigue lui semblait complètement guéri, tenant le bras son fils pour éviter qu’il tombe dans les escaliers, ce dernier ayant un pas hésitant, comme s’il n’avait plus marché depuis longtemps. Dimitri ne put s’empêcher de sourire malgré tout… cela faisait du bien de les voir à nouveau s’occuper l’un de l’autre comme ça. Même si Pierrick et les jumeaux n’avaient clairement pas tort, Félix avait encore besoin de beaucoup de repos.
Toute la famille les accueillit avec chaleur en leur demandant des nouvelles et comment ils allaient. Dimitri, Ingrid et Sylvain se firent une joie d’embrasser Félix et les jumeaux, leur retournant la question sur leur état de santé.
« Si je puis me permettre Votre Altesse, ajoutez un treizième point aux Kyphonis Corpus : « chaque Fraldarius doit impérativement apprendre à se reposer », je gagnerais un temps fou, marmonna Pierrick.
– J’y penserai, surtout qu’ils en ont besoin, lui promit à moitié Dimitri. Comment vous sentez vous ?
– Longue histoire mais, je vais mieux et je n’ai plus mal, résuma Félix en premier. Pour le moment, il faut surtout que mon corps encaisse le contrecoup du miracle et que je m’y habitue.
– Et vous devez aussi vous reposer pour ça, ce que je me tue à vous répéter mais bon, vous le connaissez Votre Altesse, le repos n’est pas dans son vocabulaire, le reprit le médecin.
– Je me repose un peu ! Je fais déjà l’effort de ne pas m’entrainer, et je m’endors tout de suite dans le lac ! Je ne peux pas passer mon temps à rien faire ! Contra l’épéiste. Déjà que je ne peux plus m’éloigner d’un point d’eau…
– Toi, ne pas t’entrainer, c’est possible ? Le taquina Sylvain avant d’ajouter plus sérieusement. Enfin, tu ferais mieux de dormir encore dans le lac pour pouvoir être d’autant plus d’attaque après.
– Grhmf… déjà que je ne peux pas participer au combat contre l’Empire, ne me parle même pas de dormir… j’ai déjà passé trop de temps à ça ces dernières semaines.
– C’est important, sauf si tu veux finir impotent à vie ! Le reprit Ingrid. Tu tiens à peine debout !
– Ça, c’est autre chose mais, je vous montrerai plus tard, rétorqua-t-il en rajustant sa couverture.
– D’accord mais, ça n’empêche pas que tu dois te reposer, insista tout de même Dimitri avant de se tourner vers le père de l’épéiste. Et vous seigneur Rodrigue ? Comment allez-vous ?
– Beaucoup mieux, le lac a fait des miracles sur ma blessure, lui assura-t-il. Je ne peux toujours pas combattre à nouveau et je dois faire attention quand je mange mais, j’ai pu me remettre au travail administratif et aux comptes pour aider Alix. Et vous, comment allez-vous ? Que pouvons-nous faire pour vous aider ?
– Bien mieux aussi, merci beaucoup. Et nous aimerions vous entretenir tous deux de… certaines choses. Ce sera surement assez long…
Pierrick comprit vite qu’il ne devait pas entendre cette conversation et s’excusa, alors que Rodrigue proposa, anticipant peut-être ce qui allait arriver.
– Bien, allons alors dans la petite pièce de séjour avec un peu de thé, nous rentrerons tous et nous serons tranquilles pour discuter.
– C’est une bonne idée… accepta Dimitri.
Ils allèrent tous ensemble dans la pièce, même si Félix eut besoin d’aide pour se déplacer. Ses jambes étaient vraiment faibles, il tenait à peine dessus et avait du mal à avancer, bien qu’il refusa qu’on le porte, marmonnant qu’il n’était tout de même pas infirme, juste fatigué.
« L’hémorragie était pourtant au niveau de son torse, pas de ses jambes… songea Dimitri en le regardant accepter l’aide de Sylvain au final. Le contrecoup du miracle a dû les modifier… espérons que ce ne soit pas trop douloureux… »
Les jumeaux les firent rentrer dans la pièce avec des bancs et des chaises avec des coussins, devant un peu chasser les chats qui y dormaient pour laisser les lions s’installer. Le thé arriva vite, puis ils fermèrent la porte pour préserver l’intimité de leur conversation. Mercedes les servit tous, alors que Rodrigue demandait.
« Merci beaucoup. De quoi voulais-tu nous entretenir ?
– Avant de vous poser des questions, j’aimerais que… que vous me promettiez d’être le plus honnête possible.
– Hum… si tu nous le demandes, on imagine que ça doit être un sujet très sensible car sinon, tu saurais qu’on est honnête avec toi, rétorqua Alix en le regardant par-dessus sa tasse, méfiant. Si tu nous disais déjà sur ce quoi tu veux qu’on te dise tout, histoire qu’on ne fasse pas une promesse dans le vide ?
– Et bien… j’aimerais parler de mon père… mais aussi de ma belle-mère et… et de sa famille…
Un silence très lourd s’installa entre les deux jumeaux, se jetant un regard qui devait signifier mille mots pour eux, alors que Félix fronça les sourcils en demandant, toujours enveloppé dans sa couverture qui le recouvrait entièrement.
– Depuis quand tu as une belle-mère ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
– C’est à cause de ce qu’a dit Arundel à Dimitri, commença Sylvain. Tu sais surement qu’on l’a affronté à Derdriu.
– Oui, et il est mort ce connard, bon débarras, rétorqua-t-il, un regard assassin lui échappant en pensant à cet homme. Et il avait le même déguisement de peau que Cornélia. Merci, je lis le courrier mais, je ne voie pas le rapport entre lui, une belle-mère de Dimitri et sa famille.
– Et bien… le seigneur Arundel a dit qu’Eldegard était la sœur par alliance de Dimitri… lui annonça Ashe, la voix hésitante.
Dimitri crut que Félix allait lâcher sa tasse à sa réaction. Ses yeux s’exorbitèrent de surprise, avant de rétrécir à nouveau de réflexion, puis de colère et d’atterrement. Il avait surement compris pourquoi son père avait mis autant de temps à bannir Arundel à l’époque. Avant qu’il ne puisse reprendre la parole, Dimitri regarda les jumeaux, restés silencieux même si à leurs expressions, ils discutaient entre eux sans un mot.
– C’est pour ça que je vous demande d’être honnête. Je sais que vous êtes au courant de tout ceci, comme tous les proches de mon père à part les Charon.
– Ça ne nous explique pas pourquoi tu insistes tant pour qu’on soit honnête, rétorqua Alix.
– Je sais que sur la fin c’était… compliqué entre vous et mon père… et je sais aussi que vous aviez surement un avis différent du sien. Et je ne veux pas que vous me ménagiez à ce sujet. J’ai entendu suffisamment de mensonges et de demi-vérité. Je veux entendre toute la vérité de votre part, même si elle doit me faire mal. Je l’accepterais et je ne la fuirais pas. Je veux juste comprendre un peu mieux ce qui a pu se passer et tout ce que j’ai entendu et appris. Pour cela, j’ai besoin d’honnêteté, pas de paroles rassurantes, même si ce sera surement très dur à entendre. Pouvez-vous me le promettre ?
Les jumeaux échangèrent encore un regard, avant d’hocher la tête.
– Bien, répondit Rodrigue pour eux deux. Nous serons aussi honnêtes que tu le demandes. Et oui, nous étions au courant pour ta belle-mère… même si nous nous y sommes opposés dès le départ.
Dimitri ne pouvait pas se plaindre de sa franchise, il se doutait même un peu que ce serait l’avis des jumeaux sur la question après y avoir réfléchi de son côté mais, l’entendre faisait toujours mal. Il se ressaisit assez vite, ne pouvant pas déjà laissez tomber, il devait tenir.
– Mais… mais comment tout ça est-il arrivé ? Demanda Ingrid. Ce… cela semble fou comme situation ! Et très dangereux ! Et surtout, qui s’était ?
– C’est vrai que je ne vous ai pas raconté… se souvient Dimitri. Comme vous le savez, ma mère biologique, Héléna Alexanne Charon, est morte peu de temps après ma naissance de la peste. Ma belle-mère, Anselma, était une des concubines de l’empereur Ionius avec qui elle a eu Eldegard mais, à cause des rivalités entre concubines et le jeu politique au sein du harem, elle a été forcée de fuir l’Empire, même si elle n’a pas pu emmener sa fille. Quand elle est arrivée dans le royaume avec l’aide de son frère et du marquis Von Vestra de l’époque, elle est allée demander de l’aide à mon père. Ils ont continué à se voir et ils sont tombés amoureux. Ils se sont donc mariés de manière morganatique mais, pour passer inaperçue, elle a pris le nom de Patricia Arnim et s’est faite passer pour la cousine de la vraie Cornélia, qui était également dans la confidence et qui avait beaucoup aidé ma belle-mère quand elle est arrivée à Faerghus.
– Quoi ?! Tu veux dire que c’était Patricia ? Hoqueta de surprise Ingrid avant de passer sa main devant ses yeux. Déesse… ça explique tellement de choses…
– Quoi donc ? Leur demanda Annette, écoutant tout attentivement.
– Trop long à raconter maintenant, marmonna Félix en fronçant le nez.
– Tout de même, quelle histoire que le roi de Faerghus tombe ainsi amoureux d’une ancienne concubine impériale en fuite et qu’ils se marient, murmura Mercedes. Et seuls ses plus proches conseillers et amis étaient au courant ?
– Après, c’est la version que m’a donné mon père. Je ne sais pas si elle est romancée ou non…
– Dans les grandes lignes et les faits, non. C’est à peu près l’histoire si on simplifie les choses, répondit Rodrigue, même s’il semblait remuer de mauvais souvenir. Et oui, seul le cercle le plus proche du roi était au courant, même si les Charon n’ont jamais su pour son mariage avec Patricia. Ils tenaient énormément à Héléna, même encore aujourd’hui, c’est une fratrie très unie, et Héléna a toujours rempli son rôle de reine à la perfection. Ses frères et sœurs n’auraient pas apprécié qu’elle soit remplacée par une femme dont on ne savait rien à part qu’elle était le sosie de leur sœur, et encore moins si elle était de confiance. Ce n’était pas l’intention de Lambert mais, c’était un véritable camouflet pour eux, et ils auraient pris son mariage pour une insulte envers Héléna. En plus, même au niveau du droit, l’union avec Anselma restait très bancale. Bien qu’ils soient séparés, elle était encore mariée à Ionius selon le droit adrestien, et le droit royal interdit la bigamie. Ils connaissent parfaitement le droit et la justice, la fratrie Charon était très dangereuse pour eux deux si le comportement d’Anselma était indigne d’une reine, ou n’arrivait pas au niveau d’Héléna.
– Dans un sens, je les comprends, même si c’est dur de l’accepter, soupira tristement la magicienne rousse. Le mariage était en partie illégal, et cela doit être dur d’avoir l’impression qu’un membre de sa famille qu’on aime se fait remplacer, encore plus si elles se ressemblaient toutes les deux…
– Physiquement seulement, c’était le jour et la nuit pour le caractère, elles se seraient surement détestées toutes les deux… et Déesse, encore heureux que les frères et sœurs Charon ne lui aient jamais beaucoup parlé… ça aurait été encore pire s’ils avaient découvert le pot aux roses, marmonna Alix. En plus, il y avait le risque qu’elle tombe enceinte de Lambert et là, ça aurait compliqué la succession, surtout s’il avait un emblème. Le mariage avec Anselma était morganatique alors, Dimitri restait le plus légitime en étant l’ainé et issu de son mariage officiel avec la reine mais, c’était toujours un problème. Heureusement que le cas de figure n’a jamais eu lieu mais sinon, on aurait été mal de décider de son sort… si les fhirdiadiens nous en laissaient le temps. Héléna a beaucoup agi en la faveur des roturiers, et a beaucoup fait pour empêcher la corruption alors, elle était très aimée, là où Anselma, on ne va pas se mentir, d’un point de vue extérieur, elle pouvait ressembler à une maitresse. Les fhirdiadiens auraient surement aussi pris la nouvelle comme une insulte et ils auraient pu aller demander des comptes à Lambert eux-mêmes.
– Mais même avec Adrestia, ce n’était pas dangereux que l’épouse du roi de Faerghus soit aussi une ancienne épouse de l’Empereur ? Demanda Annette
– Si, évidemment, c’est même pour ça qu’on était contre ce mariage, répondit encore Alix, son ainé le laissant répondre. Qu’elle reste à Faerghus, d’accord mais, pas comme l’épouse du roi. Il aurait été beaucoup plus prudent qu’elle reste sous la protection d’un seigneur mineur, cela aurait été bien plus discrets et moins compromettant si quelqu’un découvrait la vérité. Si Ionius l’apprenait et voulait qu’on la lui rendre, on aurait toujours pu la renvoyer en feignant l’ignorance mais là, ce n’était pas possible si c’était l’épouse du roi. De plus, Lambert l’aurait toujours défendue, même si Ionius tapait à notre porte avec une hache en criant qu’on l’avait enlevée.
– Mais elle était pourtant là volontairement ! S’étonna Ashe. Et vous auriez vraiment rendu comme ça ? Sans la défendre ? Elle n’a pas dû fuir sans raison…
– Oui, et ? Lui demanda le second jumeau avec un air blasé. C’est pas comme si la raison la plus conne du monde suffisait pour envahir les voisins car, on peut le faire avec sa grosse armée et sa grosse hache… c’est pas comme si l’Ionius avait pris la première occasion pour montrer les muscles dès qu’il est arrivé sur le trône, le tout pour tenter de nous arracher la Madone d’Argent car, tout le plateau de Brionnic en avait marre de lui et de ses prédécesseurs. Alors bon, quand on les a plumés de leurs barons bénis par la Voix Guérisseuse, ils ont pété une rêne et ont tenté de rejoindre le Royaume. Ce qui a évité la guerre vingt ans en avance, c’est que Ludovic a décidé de lui laisser, tout en lui faisant bien sentir qu’il n’hésiterait pas à défendre les frontières royales si nécessaire, même s’il devait monter au front lui-même… et parce qu’Ionius avait été terrifié par la tuberculose de Ludovic. Il avait peur de l’attraper quand Ludovic a fini la réunion avec du sang tout autour de la bouche à cause de ses toux, même si ça aurait été mieux pour tout le monde qu’il la lui refile… ça a toujours été un couard de première.
– Et oui, on sait que ce n’était pas très humain de renvoyer Anselma en Adrestia mais, si Ionius tentait de récupérer sa concubine et s’en servait comme cassus belli, tout le Royaume aurait été danger. Il fallait choisir entre protéger une personne, au prix de mettre en danger des milliers d’autres que nos familles avaient juré de protéger depuis l’origine même du Royaume, ou protéger des milliers de personnes en sacrifiant une personne qui nous avait demandé de l’aide. Nous ne disions pas que c’était une décision facile ou bonne mais, il fallait bien en prendre une, et nous, nous aurions choisi de protéger les faerghiens, quitte à sacrifier Anselma, déclara Rodrigue avec compréhension mais, on sentait aussi que c’était l’homme politique qui parlait.
– Vous voulez dire que le roi Lambert aurait préféré prendre le risque de mettre en danger tout son royaume pour elle ? Demanda encore Annette.
– Ce serait une mauvaise manière de présenter les choses. Lambert était persuadé qu’il pouvait aider et satisfaire tout le monde, et il suivait toujours cette maxime, même si ça rendait ses actions incohérentes, expliqua Rodrigue, n’arrivant pas à cacher l’amertume dans sa voix, Alix ayant l’air de garder ce qu’il avait envie de dire dans sa tasse. Il était aussi très optimiste, même quand tout hurlait le contraire alors, il était sûr que tout irait toujours bien. Pour Anselma, il était persuadé qu’Ionius ne découvrirait jamais rien, et que si ça arriverait, on s’en sortirait.
– Ça collerait avec ce qu’on voyait de lui, réfléchit à voix haute Sylvain. Même quand j’étais petit, j’étais parfois étonné de ce qu’il pouvait faire car, je trouvais ça étrange ou juste trop naïf, comme quand Arundel est venu à Fhirdiad avec… attend, tu veux dire que la gamine qui était avec lui, ton amie El que tu voulais nous présenter, c’était Eldegard ?!
– Si tel est le cas, je commence enfin à comprendre ce que tu as dû ressentir il y a cinq ans, intervient Mercedes. Après, Eldegard est la seule famille qui vous reste, n’est-ce pas ? Et qu’une personne aussi spéciale se révèle être votre plus féroce ennemi… J’imagine à quel point vous avez dû souffrir.
– Oui, même si je ne savais pas que c’était la fille de Patricia à l’époque. Mon père savait mais, je n’étais pas dans la confidence, au cas où je ne serais pas arrivé à tenir ma langue. Eldegard aussi n’était au courant de rien à part que Patricia était sa mère. Il y avait à nouveau des tensions à Enbarr alors, les enfants impériaux étaient envoyés ailleurs, en sécurité, et Arundel s’est occupé de mettre en sécurité sa nièce… même si avec ce qui s’est passé, c’était surement déjà un imposteur… déclara Dimitri après réflexion. Ça expliquerait son comportement…
– On ne sait pas s’il était déjà remplacé mais, Anselma l’ignorait surement, déclara Rodrigue. Elle a toujours défendu son frère bec et ongle, qu’importe ce qu’il faisait. Elle nous en a énormément voulu quand nous avons tout fait pour obtenir son renvoi dans l’Empire, surtout après l’affaire de l’Adrestien brûleur d’enfant. Nous nous apprécions déjà assez peu mais, nos relations se sont encore plus dégradés des deux côtés.
– Quel est cette affaire ? Demanda Dedue.
– C’est vrai que tu ne peux pas être au courant ! Se rendit compte Ashe. Elle avait fait grand bruit dans tout le Royaume ! Même dans le sud, on en parlait comme d’une honte nationale !
– J’en ai aussi entendu parler. Un seigneur de la frontière adrestienne a pratiquement brûlé vif un enfant d’un proche du roi, il a failli le tuer, raconta Mercedes, ayant également entendu parler de cette histoire. Cependant, malgré le flagrant délit, le roi a refusé de le juger ou de l’expulser du pays. Il n’y aurait eu aucune conséquence à son acte, alors que la famille de la victime n’avait pas pu porter plainte car, cela aurait touché la famille royale. Si je me souviens bien de la fin de l’affaire, il aurait eu une action en civile pour trouble et atteinte à la sécurité publique, ainsi qu’agression sur mineur, et il aurait finalement été expulsé. Même dans l’église où j’habitais à l’époque, on ne parlait que de ça… mais je ne sais pas à quel point c’est déformé…
– T’as le gros de l’affaire sans les noms. Ce monstre était bien Arundel, et on a pas pu porter cette affaire devant un tribunal car, Arundel en savait trop alors qu’on était sur le point de s’entretuer sur la frontière, Patricia lui avait surement raconté tout ce qu’elle savait. En plus, on perdait le procès, on nous aurait accusé de calomnie et de trahison envers la famille royale et pour les Fraldarius, la trahison, c’est la tête coupée obligatoire pour les coupables, voir pour tous les adultes de la famille pour l’exemple. On a dû utiliser tout ce qu’on avait à notre disposition pour éloigner toute notre famille de là, même Glenn alors qu’il était déjà chevalier. Hors de question de laisser l’un d’entre nous seul à Fhirdiad avec ce monstre.
– C’était donc votre famille qui a été attaquée, comprit Dedue avant de regarder Félix. Alors, ta marque en écaille…
– Humf… oui, c’est à cause des brûlures d’Arundel, je pensais juste m’entrainer. J’ai été très con pour le coup et je suis tombé dans le panneau des provocations, marmonna Félix en ramenant la couverture autour de lui, ses gestes l’ayant légèrement écarté avant de reprendre une gorgée de thé. C’est Fraldarius qui m’a sauvé. À ce moment-là aussi, juste être proche du lac m’aidait à tenir.
– Tu parles, c’est Arundel le seul coupable. C’était censé être un entrainement, pas une bataille à mort ! Cracha Alix. Et Lambert qui gobait toutes les excuses tant que c’était Anselma qui lui disait… on avoue, on a eu des envies de meurtre quand elle nous a envoyé une charmante lettre, où elle nous assurait que son grand frère était complètement innocent et que c’était la faute de Félix s’il était dans le coma et couvert de brûlures noires. On doit toujours l’avoir celle-là d’ailleurs… Nicola nous avait conseillés de la garder comme preuve au cas où les choses s’envenimaient encore plus. Honnêtement, ça n’a jamais été le grand amour avec Anselma mais après cette affaire, la guerre était déclarée entre nous. C’est pour ça qu’il vaudrait mieux vous méfier un peu de ce qu’on dit. On ne s’encadrait pas avec Anselma alors, nos dires sont forcément biaisés. Enfin bref, pour retourner au sujet de base, c’est à partir de ce moment-là qu’Anselma est devenu vraiment distante avec Lambert. Elle lui en voulait d’avoir renvoyé son frère dans l’Empire et Eldegard avec. Elle refusait de lui parler sans Cornélia pour faire un parti en plus de son côté.
– Je m’en souviens… moi aussi, je ne pouvais plus la voir seul à partir de ce moment-là… et elle était beaucoup plus distante aussi… se rappela Dimitri. Et si je me fie à ce qu’a dit Pan, il y a de grandes chances que Cornélia ait été aussi remplacée à cette période-là, après qu’elle soit tombée dans les escaliers.
– Ça expliquerait ses changements de personnalité… ils n’étaient pas très gros avec nous donc, on pensait que c’était le choc à la tête mais, elle était toujours assez discrète avec ce qu’elle pensait elle-même. Elle devait tout à Lambert dans le Royaume, elle ne pouvait pas se permettre de se mettre en porte-à-faux avec lui. Il ne l’aurait jamais renvoyée mais, elle était assez prudente pour savoir qu’elle ne devait pas faire d’écart pour ne pas se mettre à dos des personnes haut-placées, de peur d’être forcée à retourner dans l’Empire, raconta Rodrigue. Mais cela expliquerait le revirement total de personnalité qui a explosé lors du coup d’État. La vraie Cornélia ne se serait jamais alliée à l’Empire qu’elle a tout fait pour fuir, encore moins à des personnes déclenchant des guerres sur un coup de tête.
– Je pense aussi… elle… la fausse Cornélia a… elle a aussi dit que Patricia l’a aidée… que c’était elle qui avait voulu…
Dimitri déglutit, luttant de toutes ses forces pour ne pas resombrer quand il dit ses mots. Il avait peur… peur de ce qu’il pourrait entendre… les jumeaux tenaient parole, ils étaient honnêtes et disaient ce qu’ils pensaient, ils le voyaient et le sentaient tous… le jeune homme voulait la vérité mais, quelque chose minait son cœur… non, il ne devait pas perdre sa détermination. S’il n’arrivait pas à entendre la vérité, il n’arriverait pas à affronter Eldegard. Il devait être aussi déterminé que Pertinax l’était pour protéger sa famille, autant que Rodrigue à le protéger de lui-même, autant que Félix à protéger son père de la mort… s’accrochant à leurs yeux de chats, Dimitri continua.
– La fausse Cornélia a déclaré que Patricia voulait revoir sa fille plus que tout. Elle a dit que pour la retrouver, elle était prête à tout pour la revoir, et qu’elle avait accepté de l’aider en échange de la tête de mon père… est… est-ce que la Patricia que vous connaissiez en aurait été capable ?
Les jumeaux ne cachèrent pas leur surprise, puis réfléchirent, discutant à nouveau des yeux… leur regard se perdit un peu avant que Rodrigue ne reprenne la parole, roulant son chapelet entre ses doigts.
– Dire que nous nous n’en doutions pas légèrement serait mentir… même si nous nous sommes aussi demander si ce n’était à cause de notre inimitié réciproque si nous l’accusions ainsi. Puis, nous avons enquêté pour savoir ce qui s’était passé ce jour-là…
– Vous ne pensez tout de même pas à ce que vous m’avez raconté avant la bataille de Gronder ? Marmonna Gilbert. Je veux bien qu’après ce que nous avons pu entendre, ça vous conforte dans cette hypothèse mais…
– Tu pourrais aussi la boucler et laisser mon père et mon oncle parler, rétorqua Félix en grattant sa poitrine, dissimulé sous sa veste et sa couverture. C’est eux qui ont cherché à comprendre tout en tenant le Royaume en entier, pendant que toi, tu t’es barré alors, ferme-là et écoute.
Au moins, ça confirmait que la famille s’était réconciliée. Ça aurait été mieux si Gilbert ne s’était pas pris une flèche perdue mais, Félix était Félix. Rodrigue se tourna vers lui, inquiet.
– Cela recommence ? Tu préfères partir ? Après tout, on t’a déjà raconté tout ça…
– Non, c’est juste que ça commence à être un peu sec. Je peux encore tenir, je ne suis pas en papier.
– D’accord mais, n’insiste pas si ça devient trop fort, histoire que tu ne t’effondre pas encore, rétorqua Alix. Et avant que Gustave nous coupe, oui, on a mené l’enquête et comme vous le savez, Anselma fait partie des disparus, comme Glenn mais là, il ne restait vraiment rien d’elle. De plus, rien ne montrait que son carrosse a été attaqué. Pour le coup, Lambert nous a bien rendu service en lui donnant une voiture à part… même si cela la rendait plus suspect car bon, pourquoi une dame de compagnie et nourrice du prince devait avoir un carrosse à elle, à part parce qu’elle lui a fait les yeux doux et pour nous donner du travail en plus, je vous le demande mais bref. Ce n’était pas comme les autres disparus qui avaient tous laissé au moins une « preuve » de leur présence, pour Anselma, il ne restait littéralement rien, comme si elle n’avait jamais été là, alors qu’on sait qu’elle était présente. Étant donné qu’on n’a jamais réentendu parler d’elle, ni pour une rançon, ni pour en tirer un avantage politique qui aurait été nul vu que personne ne l’aurait cru si elle s’était dit femme de Lambert, encore moins quand sa mort en a fait un saint, et que même maintenant que sa gamine est impératrice, on n’a jamais réentendu parler d’elle, on a commencé à se demander si elle n’avait pas trempé dedans.
– Alix, que votre inimitié réciproque ne vous fasse pas aller trop loin, le prévient Gilbert. Vous vous détestiez tous les trois, c’est un fait et vous ne le niez même pas. Ne ternissez pas son image et celle de Sa Majesté plus longtemps !
– Père, attend, laisse-les parler, intervient Annette en posant sa main sur son bras. Tout ce qu’il raconte a du sens pour le moment, et comme tu l’as dit, ils sont clairs sur ce qu’ils pensent de Patricia. De plus, ce sont surement les personnes qui en savent le plus ici sur ce qui a dû se passer ce jour-là… elle se tourna alors vers eux en demandant. Et qu’avez-vous trouvez pendant votre enquête ?
– Merci. Et bien, nous n’avons pas encore de preuves très tangibles mais, nous nous demandons si la Tragédie ne faisait pas partie d’un complot plus vaste, déclara Rodrigue. Mais pensez-y. Pourquoi remplacer Cornélia ? Si nous nous fions aux dires de Pan Prudhomme, c’est un processus très lent et compliqué, les complices de la fausse Cornélia avaient surement des raisons de le faire. On s’est également demandé si les comploteurs voulaient se débarrasser de Lambert car, il était très compliqué à prédire, têtu et qu’il voulait donner plus de voix aux roturiers en politique. Il était bien moins radical que Sa Majesté Ludovic et pouvait aller dans tous les sens mais, c’était suffisant pour s’attirer les foudres des seigneurs de l’Ouest et du Sud, ainsi que de l’Église Occidentale, même si là aussi, il allait moins loin que son père. Lambert s’était fait beaucoup d’ennemi avec le temps.
– Si Cornélia n’a pas fait du Cornélia en racontant mensonges sur mensonges, peut-être que Patricia a pu participer en tant qu’informatrice. Lambert ne lui cachait pas grand-chose et elle a su un mois avant nous que le voyage à Duscur allait avoir lieu alors, elle a pu en parler à Cornélia et cette dernière en a profité. En plus, si c’était dans leur plan de faire accuser les duscuriens, Cornélia et ses complices ont pu recruter des seigneurs de l’Ouest en leur promettant des terres riches et des mines, leur fit observer Alix. Si les bouc-émissaires, c’était les srengs avec leurs fjords, leurs terres stériles et leur neige, Cornélia aurait eu beaucoup moins de succès.
– Alors, elle aurait pu le faire… marmonna Dimitri en passant sa main sur son visage.
– Met bien le conditionnel, insista le cadet des jumeaux. Nous, on le pense, ce serait logique ce qu’on a pu voir d’elle, mais encore une fois, on ne pouvait pas s’encadrer avec Anselma. En plus, comme tu l’as dit, c’était compliqué aussi avec Lambert donc, il est possible que nous le chargions aussi. Tout ceci biaise forcément notre jugement. En plus, nous aussi, on a pas toutes les réponses. Vous en savez autant que nous dans les grandes lignes maintenant.
– Oui… au moins… au moins, je sais… je comprends un peu ce qui a pu se passer… murmura Dimitri en regardant à nouveau les jumeaux. J’ai encore beaucoup de questions mais, j’y voie un peu plus clair à présent, même s’il faudra encore chercher… même s’il y a plus urgent.
– Oui, y a Eldegard à arrêter avant, lui rappela Félix. Enfin bon, c’est notre ennemie jurée mais, c’est aussi ta sœur par alliance et une amie d’enfance… son regard fatigué s’ancra dans le sien, le défiant presque alors qu’il lui demandait. Seras-tu capable de la tuer ?
– Je la tuerai… s’il le faut, répondit-il en espérant ne pas trembler. Mais s’il existe la moindre chance que sa vision du monde soit juste… Alors, je… J’aimerais entrevoir un avenir où nous avancerions main dans la main, elle et moi. Cependant, je n’ai nulle intention de laisser mes sentiments personnels obscurcir mon jugement. L’enjeu est trop grand.
– Tant mieux car bon, sa « vision du monde », ça a surtout l’air d’être de vouloir reconstituer un empire qui n’a jamais existé, vu qu’Adrestia n’a jamais contrôler tout Fodlan dans les faits, lui rappela Sylvain.
– Je m’en doute mais, je ne peux pas m’en empêcher… je préférerais pouvoir en finir par la diplomatie mais, elle refusera surement. Le plus fort doit dominer le plus faible pour elle, et si c’est par les armes qu’elle veut en finir, je l’arrêterais aussi par les armes. L’enjeu est la paix de tout le continent et même au-delà de ses frontières. Je ne peux pas laisser ma nostalgie dicter mes choix alors que tant de vies en dépendent.
Les jumeaux l’encouragèrent d’un hochement de tête, comprenant surement le raisonnement. Ashe intervient alors, toujours aussi prévenant.
– Votre Altesse… Je pense que vous devriez rencontrer l'impératrice et tenter de discuter avec elle, lui conseilla-t-il avant d’ajouter avec tristesse, sachant parfaitement de quoi il parlait. Si nous pouvions mettre un terme à cette guerre sans que le sang ne coule à nouveau, tant mieux. Et puis, tuer un membre de sa famille… c’est mal.
– Oui… tu as raison. Je suis du même avis. Il y a peu de chance que cela aboutisse mais, nous pourrions peut-être proposer une entrevue pour tenter de discuter, même si cela a très peu de chance qu’Eldegard accepte… j’espère simplement ne pas être trop naïf pour le coup… il se tourna alors vers les jumeaux. Qu’en pensez-vous aussi ?
Les deux frères échangèrent un regard avant de déclarer en même temps.
– – Prend Merceus en premier, instaure bien le rapport de force, vérifie qu’elle soit aussi en position de faiblesse afin d’avoir un avantage, et planifie bien la rencontre pour que ce soit sûr et qu’elle n’amène pas son armée avec elle.
– C’est ce que je compte faire, leur jura Dimitri. Je ferai très attention, et j’attendrai que nos forces soient proches d’Enbarr. Si elle est piégée, elle aura plus de chances d’accepter la reddition afin de sauver au moins sa propre peau.
– C’est clair que ce n’est pas le moment de te faire tuer car, tu as voulu donner une chance à l’ennemi, grogna Félix en vidant sa tasse, son regard devenant un peu terne alors qu’il se grattait la tête.
Rodrigue comprit assez vite ce qui se passait et lui conseilla, visiblement inquiet.
– Tu devrais retourner dans le lac… tes symptômes sont de nouveau assez forts… tu risques de t’évanouir…
– Je peux… arf…
– Non, tu ne peux pas, et ça se voit, le coupa Alix.
– De plus, on a dit le plus important, ajouta Dimitri. On peut t’accompagner si tu veux ou que ça ne te gêne pas.
– Sinon, on peut aussi te trainer là-bas si tu t’entêtes, ajouta Ingrid avant que le blessé ne puisse à nouveau refuser.
Heureusement, Félix céda assez vite et accepta que ses amis d’enfance l’accompagnent, les autres ne posant pas trop de questions. Ils comprenaient que c’était surement gênant pour lui d’apparaitre aussi faible, même si c’était normal après avoir épuisé son énergie ainsi.
Quand l’épéiste se releva, il tremblait encore plus que tout à l’heure, au point qu’il pouvait à peine marcher sans aide. Il ne se plaignait pas mais, il semblait désorienté et avoir des vertiges, s’accrochant au bras de Sylvain qui l’aidait à avancer.
« Ce sont tes blessures qui t’épuisent à ce point ? Lui demanda Dimitri, s’adaptant à son rythme lent.
– Par les Braves, parle moins fort… marmonna-t-il, se tenant à nouveau la tête. Oui… enfin, c’est plus le contrecoup de la magie de Fraldarius qui provoque tout ça… j’ai besoin d’eau pour qu’il se stabilise… dès que je suis dedans, je n’ai plus de symptômes…
– Tu n’étais pas autant épuisé la dernière fois, lui fit observer Sylvain. Tu étais mal et fatigué mais, pas à ce point-là…
– Car j’avais juste… juste récupéré des écailles… dans le dos… l… là…
La fin de sa phrase mourut sur sa langue, alors que ses jambes cédèrent sous son poids. Heureusement qu’ils étaient à côté sinon, il se serait surement encore plus blessé ! Sylvain le rattrapa juste à temps en l’appelant en voyant ses yeux fermés, aussi mort d’inquiétude que Dimitri et Ingrid.
– Eh ! Félix ! Reste avec nous ! Qu’est-ce qu’il y a ?
Leur ami ne répondit pas, haletant, la peau légèrement grise et surtout sèche. Déesse, il semblait ne pas avoir bu pendant des jours ! Par réflexe, Dimitri posa sa main sur son front. Il était brûlant de fièvre !
Sans trop réfléchir, il le prit à son tour dans ses bras, assez fort pour pouvoir courir jusqu’au lac en portant un homme adulte. Ils foncèrent à travers la ville jusqu’à la rive où ils savaient qu’ils pourraient avancer en gardant pied, puis s’enfoncèrent dans l’onde. Dès qu’il entra dans l’eau, Félix sembla se détendre, moins souffrir au fur et à mesure que le flot l’enveloppait à nouveau. Les trois amis avancèrent jusqu’à ce que le blessé soit complètement immergé à part sa tête, attendant en priant pour que cela marche.
Heureusement, les Braves soient loués, le visage de Félix s’apaisa complètement, reposant un peu contre le torse du blond comme s’il dormait. Ses pieds s’échappant de sa couverture se mirent alors à briller sous l’eau, tout comme ses jambes avant que leur éclat ne s’estompe à nouveau, Dimitri sentant le poids de Félix se répartir différemment à présent.
« Son corps a changé… murmura-t-il en ajustant sa prise. Ses jambes pèsent bien plus lourd d’un coup…
Sans voix devant ce qui se passait, Sylvain fut le seul à oser écarter la couverture du corps de Félix, découvrant alors que ses membres inférieurs avaient été remplacées par une longue queue couverte d’écailles bleu sombre et aux nageoires sarcelle.
– C’est fou… on dirait… souffla Ingrid, osant à peine frôler les écailles qui avaient recouvert les genoux de leur ami. On dirait une vraie nageoire de sirène…
Elle devait être très sensible car, ce simple contact suffit à réveiller Félix, ce dernier sursautant en voyant qu’il était déjà dans l’eau mais, il n’arriva pas à s’échapper de la poigne de Dimitri.
– Bon… vous savez maintenant, grogna-t-il d’un ton bourru.
– C’est pour ça que tu étais aussi fatigué, comprit Ingrid. Cela doit être épuisant de fabriquer une queue et ses écailles… c’est le contrecoup du miracle j’imagine.
– Humf… oui… elle apparait dès que je suis dans l’eau… et j’ai aussi des branchies…
– Des branchies ? Répéta-t-elle.
– Oui, sur ma poitrine et ma gorge, ils ne disparaissent jamais pour l’instant, déclara-t-il en tirant son col, dévoilant des ouïes palpitant à l’air libre. Je n’ai pas de problème pour respirer sur terre, même les fentes me grattent quand elles sèchent.
– C’est pour ça que tu te frottais comme ça tout à l’heure, ils commençaient à te démanger, comprit Sylvain.
– Ouais… c’est le signe que je ne dois pas tarder à retourner dans l’eau… je venais d’en sortir quand vous êtes arrivés mais, ça va vite…
– Ça va vite… fit écho Dimitri avant de le questionner, une boule dans la gorge. Félix… est-ce… est-ce que tu ne supportes plus de rester hors de l’eau ? Est-ce que tu dois toujours rester dans l’eau ? Est-ce que tu dois forcément être dans le lac pour te sentir bien ?
– … pour le moment, oui, avoua-t-il en fuyant à nouveau le contact visuel, criblant ses propres écailles du regard. Je ne peux pas rester hors de l’eau plus de quelques heures sinon, je me dessèche jusqu’à tomber… Pierrick pense que c’est le signe que mon corps s’adapte encore, on verra le reste quand je pourrais être dans le lac sans lutter pour rester éveiller… pour le moment, je me transforme puis, je m’endors au fond du lac en général… moins de bruit et de passage… grmf… c’est frustrant, je passe mon temps à dormir au lieu de me battre…
– Il faut bien que ton corps se régénère après avoir perdu autant de sang et d’énergie, lui rappela Dimitri. Je préfère te savoir ici à dormir que sur le front !
– Pas moi, rétorqua-t-il. Il faut bien quelqu’un pour te remettre le sablier à l’heure.
– Promis, on le surveille Félix, lui assura la chevalière, et je me charge de ça. Toi, il faut que tu te reposes sinon, tu risques d’avoir des séquelles à vie de ton hémorragie ! Mercedes et Manuela craignent même que tu ne puisses plus utiliser la magie après un choc pareil ! Alors imagine ce qu’elles diraient devant un tel contrecoup !
– En plus, comme l’a dit Ingrid, ça doit te prendre beaucoup d’énergie de faire une aussi belle nageoire ! Ajouta en souriant Sylvain.
– Tu voies quelqu’un avec une queue de poisson et tout ce que tu trouves à dire, c’est qu’elle est jolie… marmonna Félix en lui lançant un regard noir.
– Je suis sérieux ! Elle est vraiment magnifique et elle a l’air aussi puissante que tes jambes ! En plus, tu as de la chance, elle est aux couleurs du royaume et de ta famille. Imagine, elle aurait été rouge écarlate ?
– Jamais ! Je préfère m’arracher les écailles plutôt que d’être de la même couleur qu’Eldegard ! Cracha-t-il, frappant inconsciemment l’eau avec sa nageoire dans un mouvement rageur.
– C’est pour ça que je dis ça, et tu ne ferais quand même pas ça ! ça doit faire mal ! Et ça ne risque pas de t’arracher la peau ? En plus, ça te va bien, tu as toujours été un vrai poisson dans l’eau. On te prenait déjà pour une sirène quand tu nageais, maintenant, tu l’es, le taquina encore leur ainé.
Cette fois, l’épéiste détrempa Sylvain avec sa queue, le faisant rire plutôt que taire, l’humeur sombre autour d’eux se dissipant un peu avec ses remarques. Le connaissant, c’était surement le but de ses paroles légères. S’essuyant un peu, le rouquin ajouta plus sérieusement.
– Tu voies qu’elle ne manque pas de force cette nageoire. Il faut juste que ton corps s’habitue à ce qui a changé en lui. Une queue de poisson et des branchies se mettent en place dans ton corps, c’est normal d’être fatigué. C’est ce que te dis Pierrick non ? Ton état évolue tout le temps, il faut déjà attendre que tu ne sois plus aussi fatigué pour savoir si oui ou non, tu vas devoir rester dans l’eau tout le temps ou non. Qui sait ? C’est peut-être seulement le temps que la transformation s’installe, vu que la magie de Fraldarius est liée à l’eau ? Peut-être qu’elle la facilite ?
– Je pense… c’est moins désagréable quand je suis dans l’eau, je ne sens même plus rien, alors que je sens chaque écaille qui pousse sur terre… et c’est bien moins douloureux que quand la queue en elle-même s’est formée… marmonna-t-il en frottant ses yeux, luttant déjà contre le sommeil. Je ne sais pas si ça accélère les choses mais, c’est déjà ça…
– C’est le principal, tu as déjà assez souffert comme ça, souffla Dimitri, essayant de le garder dans une position confortable. Félix… je suis…
– Excuse-toi et je te noie dans le lac, le coupa tout de suite le blessé en le regardant dans les yeux cette fois. Arrête de t’accrocher à ce qui s’est passé alors que tu ne peux plus rien changer. C’est fait maintenant, accepte-le. Contente-toi de ne plus te rejeter sous un poignard, ça m’ira, surtout que je ne pourrais pas recommencer dans cet état. Histoire qu’on n’ait pas fait tout ça pour rien et que personne d’autre ne se retrouve dans cet état.
– Je comprends… répondit-il. Je te le promets… il regarda aussi Sylvain et Ingrid, ajoutant autant pour eux qu’à tous leurs camarades. Je vous le promets à tous.
Ils sourirent tous les trois à leur manière, avant que Félix ne resombre dans le sommeil, comme un chaton fatigué. Ils entendirent alors un léger ronronnement sortir de sa poitrine, l’eau devant tourbillonner d’une certaine manière dans ses branchies pour le provoquer… un vrai chat… ses amis sourirent en restant avec lui autant qu’ils purent, tout aussi bercé que lui par l’énergie si douce du lac…
« Le lac de Pertinax ressemble à son chant… »
L’armée du Royaume resta jusqu’au lendemain, discutant encore de la stratégie à suivre une fois arrivé dans l’Empire, ainsi que la marche à suivre en interne. Ils décidèrent notamment de faire suivre les principaux soutiens de Cornélia. La plupart avait plaidé leur propre survie face à la déferlante adrestienne, et les plus zélés envers les deux femmes étaient en fuite mais, mieux valait surveiller de près même ceux qui étaient de leur côté à présent.
Au petit matin, la famille Fraldarius les saluèrent, Dimitri leur confiant le Royaume pendant son absence. Rodrigue et Alix les embrassèrent en leur faisant jurer :
« Soyez très prudents, et revenez nous tous vivants.
– Nous vous le promettons, leur jura-t-il.
Les jumeaux leur sourirent, priant encore pour eux. Félix s’approcha à son tour, à nouveau enveloppé dans un long manteau, cachant ses jambes, encore trempé par sa nuit au fond du lac. Il avait retrouvé son air mordant, grognant à eux tous.
– Vous l’empêchez de se jeter sous un autre poignard et vous le ramenez entier. Et toi, tu y vas et tu reviens victorieux avec tout le monde vivant. Sois le phacochère que tu es au fond, fonce et ne te retourne pas.
Dimitri sourit, lui promettant aussi à son tour.
– Je te le promet Félix. Nous reviendrons vite. Repose-toi bien aussi, et sois de nouveau en pleine forme quand on reviendra.
– Bien sûr… gardez ça au cas où, ça peut toujours être utile.
L’épéiste leur confia des écailles bleu sombre, surement les premières qu’il avait perdues, grande comme la main. Elle irradiait de l’énergie de Pertinax et de sa force… et celle que Félix avait donné à Sylvain lui avait toujours porté chance… c’était surement pour ça…
– Ça ne dispense pas d’entrainement pour rester en vie, marmonna-t-il avant d’ajouter. Et je vous affronte en duel tous autant que vous êtes ici une fois que vous serez revenu, histoire de rattraper le temps perdu.
Il fit rire tout le monde, avant qu’ils ne se saluent encore et repartent vers l’Empire afin d’enfin arrêter Eldegard.
*
Au bout de quelques semaines de voyages, l’armée royale et alliée se trouvait à nouveau dans l’Empire, à l’intérieur même du Fort Merceus. Malgré la présence du Chevalier Macabre, ils avaient réussi à prendre la forteresse et à ouvrir la route vers Enbarr. Ils avaient de plus reçu l’aide des résistants locaux, rassemblé par Caspar et Linhardt qui avaient ouvert la voie dans les environs. À présent, c’était un verrou en moins près d’Enbarr… Dimitri venait de recevoir un message lui annonçant que les seigneurs de l’Est avaient pratiquement terminé de rassembler toutes les forces armées du Royaume, et qu’elles étaient en route pour les rejoindre, tout comme celles de l’Alliance, ainsi que des troupes de la reine Thorgil et ses alliés. Ses forces seraient dirigés par le margrave Isidore Gautier et l’héroïne de Daphnel Judith, ainsi qu’un roi proche de la tante de Sylvain pour les srengs. Avec ceci, ils devraient avoir une assez grande force de frappe pour faire tomber Eldegard et Hubert…
Le messager lui avait également confié qu’un serviteur de Kleiman s’était rendu, alors que son maitre courait toujours, avouant leur implication à tous les deux dans la Tragédie de Duscur… à présent mis au fer par les Charon, le gardant dans leurs cachots en attente de son interrogatoire et de son procès… Dimitri devait avouer qu’il avait été tenté de rebrousser chemin pour entendre au plus vite ce que ce serviteur avait à dire mais, il s’en était dissuadé. Il ne pouvait pas perdre de temps alors qu’Enbarr était à portée de main alors, il devait prendre son mal en patience.
« Votre Altesse !
L’appel de Caspar tira le prince de ses réflexions, le combattant en mêlée se précipitant vers lui avec Linhardt sur les talons. Les deux connaissant parfaitement la forteresse et ayant prouvé leur fidélité, ils faisaient partie des groupes en charge de vérifier si le fort était sûr. La paire le salua puis, l’emblématicien annonça.
– La forteresse a été sécurisée, plus aucune troupe ne se cache à l’intérieur, même dans les cachettes et passages secrets.
– Bien, merci à vous. Votre connaissance de Fort Merceus nous a été précieuse.
– C’est normal, on y a souvent joué tous les deux quand on était mômes… lui assura Caspar avant d’ajouter, plus triste. J’aurais pas cru que nos bêtises serviraient dans une situation pareille…
– On ne pouvait pas deviner qu’on allait être gouverné par une va-t’en-guerre qui veut conquérir le continent, répliqua Linhardt.
– Ouais, t’as pas tort… enfin, le principal, c’est qu’on a réussi à épargner les civils… au fait, en parlant d’eux, Ferdinand et Bernadetta voudrait vous parler !
– Si vous voulez bien et que vous le pouvez bien sûr, ajouta l’ami du combattant en mêlée.
Dimitri réfléchit une seconde puis accepta sans trop de problème. Les deux cavaliers avaient passé les cinq dernières années à mener une guerre de harcèlement et de maquis dans l’Empire. Ils s’étaient même fait une spécialité d’aider les réfugier à passer dans l’Alliance au nez et à la barbe des gardes-frontières, et de voler les subsides destinés à l’armée pour les distribuer au peuple affamé d’impôts par le pouvoir central. Si qui que ce soit voulait des informations fiables sur l’état interne de l’Empire, c’était à eux qu’il fallait demander, surtout qu’ils les avaient déjà aidés à Myrddin, même si à ce moment-là, Dimitri les avait repoussés et s’était mal comporté avec eux, n’ayant aucune confiance en des impériaux quel qu’il soit, même s’ils étaient de confiance…
Accompagné de Byleth et Dedue, Dimitri alla donc à la rencontre de ses anciens camarades, en train de s’occuper de leurs troupes. Il voyait Ferdinand s’agiter, donnant les directives à ses hommes pour l’après-bataille, criant pour se faire entendre par-dessus la cohue.
« Hartlieb ! Occupez-vous des blessés avec vos hommes et ceux de Molitor ! Brant et Dürer ! Allez en ville pour voir ce dont on besoin les habitants !  La priorité est d’assurer leur sécurité ! Mentelin ! Nous nous…
– Neumeister ! Ajouta la petite voix de Bernadetta arrivant vers eux. Viens ! Nous devons faire passer la nouvelle de la défaite de Merceus ! Elle se tourna vers son camarade en annonçant avec un sourire. C’est bon ! Les troupes qui ont fui n’ont pas touché à nos vivres et aux non-combattants avec eux !
– D’accord, voilà qui est pour le mieux, rayonna Ferdinand avec son sourire ensoleillé. Nous devons aussi commencer à discuter avec les officiers du Royaume…
– Je voie que vos troupes s’en sont bien sortis elles aussi, vous m’en voyez rassurer.
Ils se turent tous les deux en entendant la voix de Dimitri, surement étonné qu’il soit aussi amical avec eux, même si Caspar et Linhardt leur avaient surement déjà résumé la situation. Ce n’était pas étonnant après Myrddin… il avait été odieux avec eux et les avait pratiquement chassés malgré leur aide… le prince déclara alors, espérant ne pas faire d’impair.
– Merci infiniment pour votre soutien dans cette bataille. Votre aide a été précieuse pour prendre Merceus, vous avez toute ma reconnaissance.
– C… cela est bien normal, lui assura Ferdinand avec sérieux, même s’il semblait briller un peu de joie de le voir aussi amical envers eux. Nous avançons vers le même objectif, et nous sommes ravis d’apprendre que nous avons pu vous aider.
– Oui ! Surtout que c’est très dur pour les habitants de la région ! Le ministre Bergliez les taxent énormément étant donné que c’est leurs terres ! Ajouta Bernadetta avec force. L’armée prend tout et ceux qui tentent de s’y opposer sont arrêtés ! La plupart sont envoyé en Arundel ou à Enbarr et personne ne les revoie plus ! Ils sont sans pitié avec tout le monde !
– D’autres groupes résistants se sont spécialisés dans la libération de ses convois de prisonniers mais, il y a surement énormément de captifs à Enbarr, ajouta son camarade. Nous avons également commencé à faire des tournées en ville pour distribuer des vivres et rassurer les habitants.
– Bien, merci beaucoup pour votre aide et nos hommes vous aideront aussi. Ils auront sans doute plus confiance en des compatriotes qu’avec des étrangers, assura Dimitri. Pouvez-vous nous parler de la situation interne à l’Empire.
– Bien sûr. Des groupes de résistances comme le nôtre sont présent dans tous l’Empire. Il y a beaucoup de réseaux de marché noir et de contrebande pour contourner les restrictions et le rationnement de la nourriture, mais aussi pour cacher des prêtres et des fidèles à l’Église, commença Bernadetta. À Varley, il y a tout un maquis de résistance dans les mines, Eldegard n’a plus accès aux filons de la montagne d’Oghma ! Mon père a même été forcé de fuir de nos terres devant la pression de la résistance ! Ils font également un gros travail pour contrer la propagande d’Hubert ! C’est aussi le cas en Brigid où Petra est pour le moment ! Elle est arrivée à vaincre les forces impériales sur son archipel et les bataillons de Bergliez venus pour les mater ! Elle est en route pour nous aider à reprendre Enbarr !
– De plus, si une grande partie du peuple est contre la politique d’Eldegard, ce n’est pas non plus uniforme dans la noblesse et l’armée. Si des purges ont été faites au début de son règne avec la complicité d’Hubert, tous les opposants ne sont pas morts. Certains se sont retournés récemment contre eux à cause de la série de défaite mais, ils ne sont guère fiables… par contre, toutes les personnes considérées comme « peu dangereuses » n’ont pas été touchés par les purges, comme les invalides ou la toute petite noblesse de province ne pouvant vivre à Enbarr. Elles sont considérées comme faibles et donc, inutiles et incompétentes en toute chose si elles n’ont pas de « mérite » valable à leurs yeux, expliqua Ferdinand. C’est par exemple le cas de ma mère Amalia. Elle a été épargnée à cause de sa cécité et à cause de cela, elle est considérée comme une impotente inutile à la nation. Elle a tourné cela à son avantage pour récolter des informations, notamment en faisant mine de correspondre à l’image qu’Eldegard a d’elle. Elle est revenue sur nos terres depuis votre avancée dans l’Empire mais, elle nous a été une aide précieuse. Même dans l’armée, bien que les militaires aient de nombreux privilèges, ils reviennent surtout aux hauts-gradés qui sont d’origine nobles pour la plupart alors, les roturiers s’en retrouvent lésés et ont des conditions tout aussi difficiles qu’auparavant. Nous avons également un allié et espion au sein des bataillons principaux du nom de Karl, il nous confirme que les soldats de bas-rang sont sur le point de se révolter. Ils le feront sans doute en vous voyant arrivé à Enbarr.
– Bien. Avec autant de troupes, nous devrions pouvoir instaurer un rapport de force en notre faveur dès le départ… réfléchit à voix haute Byleth, avant d’ajouter avec un sourire fier. Je suis heureuse de tous vous voir combattre Eldegard et pour ce qui est juste.
– Nous ne pouvions pas la laisser mettre le continent à feu et à sang ! En plus, les autres pays ne nous ont rien fait de mal ! S’écria Bernadetta.
– Je comprends mais, il faut beaucoup de force et de courage pour se battre contre les siens et pour ses convictions dans votre situation, insista-t-elle. Les aigles de Jais peuvent être fiers. Par contre, je ne vous ai pas entendu parler de Dorothéa…
– Nous n’avons plus de contact avec elle depuis le début de la guerre, elle voulait rester en dehors des combats, lui répondit Ferdinand. Elle a toujours été très proche d’Eldegard à l’académie et peu avec nous autres alors, elle n’a plus jamais tenté de nous contacter. D’après ma mère, elle est arrivée à être engagée comme chanteuse personnelle et dame de compagnie d’Eldegard mais, elle ne participe pas à la politique de l’Empire ou à la guerre. Elle doit surement attendre que le conflit se finisse.
– D’accord, je comprends alors… souffla tristement la professeure.
Dedue posa sa main sur son épaule, tout comme Dimitri qui lui assura.
– Ce n’est pas votre faute.
– Oui, vous avez raison…
– Par contre, Dame Amalia a réussi à savoir où était enfermée Dame Rhéa ! S’exclama Bernadetta. Même si bon, on vous le dira dans un endroit plus discret…
– Bien, merci beaucoup, les remercia Dimitri avant de s’arrêter une seconde, puis osa demander. J… je sais que je me suis très mal comporté avec vous à Myrddin, et je ferais tout pour corriger mes erreurs. Malgré tout, j’aimerais vous demander, à vous et vos hommes, de vous joindre à nous, afin d’unir nos forces dans notre combat contre Eldegard et ses alliés. Vos connaissances du terrain de l’Empire nous serons essentiels, et votre talent au combat n’est plus à prouver. Votre aide nous serait précieuse pour la vaincre.
Le prince devait avouer qu’il s’attendait à un refus, surtout après que son comportement ait été aussi déplorable. Il s’améliorait et ne se laissait plus guidé par ses illusions mais, il comprendrait que les deux cavaliers lui en garde rancune…
Cependant, Ferdinand lui répondit, déterminé, la main sur son cœur.
– Je suis un citoyen adrestien, je suis fier de mon pays, de son histoire et de ce tout ce qu’il a à offrir. Ces habitants sont forts et déterminés, courageux et optimistes face aux difficultés, bien qu’il ait également ses défauts. C’est un pays qui pourrait être capable du meilleur si nous travaillions sur ses lacunes, grandissions et devenions meilleurs, que nous arrêtions de penser que la noblesse est dans le sang et non dans le cœur, que l’argent et le pouvoir sont l’alpha et l’oméga de tout, que nous sommes supérieurs aux autres nations, que les émotions et les sentiments sont une faiblesse, et de nous moquer de ceux qui chutent plutôt que de leur tendre la main… Cependant, Eldegard ne fait qu’accentuer nos défauts, les rendre encore plus présents et graves qu’ils ne l’étaient déjà. Avec Eldegard, le faible est piétiné, ignoré, donné en pâture au plus fort afin que son sang le renforce encore et encore. Ce n’est pas ce dont Adrestia a besoin pour se relever après des siècles entiers de déshérence où les Empereurs n’ont fait que vivre en ignorant leur peuple. Ce n’est pas l’Adrestia que je connais, encore moins depuis que je voyage à travers notre pays pour l’arrêter et mettre fin à sa folie sanguinaire. Eldegard la Sanguinaire, c’est par ce seul nom que le peuple la reconnait vraiment. Et vous, Votre Majesté Dimitri, ils vous surnomment le Roi Sauveur, vous louent pour avoir sauvé votre peuple, sauvé celui de Leicester, prient pour que vous le sauviez à son tour depuis qu’il vous sait en Adrestia… Alors… Ferdinand mis un genou à terre et s’inclina profondément devant Dimitri, pour mon peuple, pour mes propres convictions, je joindrais mes forces aux vôtres et vaincrais Eldegard à vos côtés.
– Moi aussi, je refuse de laisser Eldegard conquérir Fodlan ! Plus personne n’est en sécurité nulle part, même chez soi ! Poursuivit Bernadetta. Si on essaye de se cacher, ils nous sortent de chez nous, et des endroits où on se sent bien. Si on essaye de fuir, les soldats nous traquent ! Et à chaque fois, on finit tous en Arundel dont on ne revient jamais ! Il n’y a pas d’autre choix d’arrêter Eldegard et Hubert ! Et j’ai promis que je ne fuirai plus ! Nous devons l’arrêter ! S’écria-t-elle en s’agenouillant à son tour devant Dimitri. Je vous aiderai autant que je le peux !
Dimitri crut un instant que son esprit lui jouait à nouveau un tour avant de le trahir à nouveau, jusqu’à ce qu’il sente la main de Dedue se poser sur son épaule. Malgré tout, même des adrestiens lui faisaient aussi confiance, même après tout ce qu’il avait fait… il se pencha alors, posant aussi sa main sur son cœur en déclarant.
– Alors travaillons ensemble pour qu’un jour meilleur se lève sur Fodlan. Sur Faerghus, sur Leicester, mais aussi sur Adrestia. »
*
Félix alla dans la cour d’entrainement, cherchant un endroit calme pour se concentrer. Il arrivait à un peu mieux tenir hors de l’eau à présent, pouvant passer une moitié de journée à la surface sans trop de problème tant qu’il ne se fatiguait pas sinon, il devait retourner dans le lac pour se reposer. Ses jambes étaient toujours instables quand il marchait alors, il pouvait rêver pour reprendre une épée – et Pierrick l’attacherait probablement pour le forcer à se reposer s’il essayait – mais il voulait quand même vérifier quelque chose.
S’installant dans un coin, le jeune homme regarda sa main, écarta deux de ses doigts et se mit à se concentrer, essayant d’invoquer ses éclairs entre. Un exercice de base qu’un gamin pourrait faire. Il le faisait quand il était gosse et même après avoir arrêté la magie pendant des années, il avait su les faire réapparaitre sans problème quand il s’y était remis. Ça ne devrait pas lui poser de difficulté, même dans son état.
Cependant, rien ne vint. Pas la moindre étincelle ne crépita entre ses doigts. Il ne sentait même pas la magie affluée dedans alors que son corps en débordait.
Frustré, Félix réessaya, s’aidant de la formule plutôt que de tout faire de tête mais, ce fut le même résultat. Bordel ?! Pourquoi ça ne marchait pas ?! Son corps était plein d’énergie magique ou de quelque chose de proche, il le savait et le sentait ! Bon, c’était celle de Fraldarius et du lac, pas la sienne et pas au bon endroit mais, il devrait bien arriver à la mobiliser ! Surtout pour quelque chose d’aussi basique !
Il essaya alors d’utiliser la magie qu’il sentait dans ses jambes, sachant qu’elle était probablement assez puissante pour faire une étincelle, même s’il devrait la guider vers ses doigts… cependant, le jeune homme comprit tout de suite que c’était une mauvaise idée en sentant la douleur le foudroyer entièrement, et en voyant sa chemise et son pantalon se tâcher de sang, sa veine tentative ayant réouvert ses blessures et faisant saigner le contrecoup encore fragile. Quand il découvrit son torse, il constata que du sang coulait de ses branchies encore palpitant et de nouveau secs… tout ça pour même pas arriver à produire la moindre étincelle ou même de la fumée ratée…
Échec cuisant sur toute la ligne…
Il recommencerait plus tard, au moins pour voir s’il pouvait de nouveau utiliser des sorts de guérison…
Rattrapant sa couverture pour la draper autour de lui et cacher les dégâts, le monde tournant dans tous les sens au moindre mouvement, Félix se releva pour filer vers le lac, il n’aurait qu’à dire qu’il était fatigué même s’il venait d’en sortir… ce n’était pas la peine de prévenir Pierrick pour des égratignures pareilles… même s’il devait tout faire pour ne pas boiter ou trembler à cause de la douleur… ce n’était rien…
Cependant, il n’avait fait que quelques pas quand sa vue se brouilla encore plus avant que tout devienne noir, alors qu’il s’effondrait au sol…
Quand Félix se réveilla, il sentit ses nageoires se déployer dans l’eau que ses branchies filtraient, puis vit le visage inquiet de Rodrigue d’un côté, celui furieux de Pierrick de l’autre.
« Jeune maitre… qu’est-ce ce que vous avez bien pu faire ? Grinça le médecin.
– Rien, j’ai juste tenté d’invoquer des éclairs, rétorqua-t-il sur le même ton.
– Évidemment… je me disais bien que ça ressemblait à ça… il ne faut surtout pas que vous tentez d’utiliser la magie ! Ce n’est pas la vôtre que vous avez en vous pour l’instant ! C’est celle du Brave Fraldarius et même si elle ressemble à la vôtre, elle reste bien plus puissante que vous ne pouvez le supporter ! En plus, vos veines ont en grande partie explosé, elles sont encore en train de guérir, vous ne faites que rallonger votre convalescence tout seul. Il est déjà très peu probable que vous puissiez un jour réutiliser la magie alors…
– Je peux encore l’utiliser, contra tout de suite Félix. Il faut juste que ça revienne et que j’arrive à récupérer mes forces…
L’air sombre du médecin ne lui plut pas du tout et il aurait préféré ne pas la voir… tout comme l’air triste de son père. Ce dernier demanda à Pierrick de se retirer quelques minutes, ce qu’il accepta. Félix fuit le regard de Rodrigue, ne voulant pas réentendre à quel point il devait se reposer et se contenter de dormir, Pierrick lui répétait bien assez souvent. Cependant, il lui dit plutôt.
– Que voulais-tu faire avec tes éclairs ?
– …en refaire…
– Tu as recommencé à faire de la magie que pendant la guerre, et tu disais toi-même que c’était seulement « pour ne pas mourir bêtement », lui rappela-t-il et en plus d’avoir trop de patience, il avait une trop bonne mémoire. Est-ce que tu essayais de retrouver quelque chose ?
Et il lisait en lui comme dans un livre… Félix aurait pu, il se serait échappé de son étreinte pour aller se cacher au fond du lac, dans la petite grotte qu’il s’était aménagé pour passer la nuit tranquille… mais sa queue semblait décider à juste attendre de retrouver ses forces pour recommencer à bouger. Il finit donc par avouer.
– Quand je dormais… j’ai vu Glenn… il était dans la cour d’entrainement…
– Vous vous êtes affrontés, n’est-ce pas ? Devina-t-il sans souci.
– Oui… mais j’ai perdu… j’utilisais ses techniques et il a dit qu’il ne me connaissait pas… que ce n’était pas moi mais, quelqu’un d’autre… que je ne me battais pas comme ça…
– Il a toujours été très fier de ta manière de combattre. Il disait même que s’il s’arrêtait de s’entrainer une seule journée, tu le dépasserais sans souci. Le connaissant, il a dû te demander de l’affronter à nouveau.
– Oui… il voulait que je l’affronte vraiment…
– Et comment l’affrontement s’est terminé ?
– …Il était bon pour apprendre la magie…
– Il disait toujours ça quand vous vous affrontiez, arriva à sourire Rodrigue, nostalgique. Cela ne m’étonne pas vraiment, tu es plus fort que lui depuis longtemps, même si tu refusais de l’admettre.
– Tu parles, je tombe au moindre coup.
– Mais les coups t’atteignent rarement, nuança Rodrigue. Tu es bien plus vif et rapide sur tes pieds comme une épée, là où Glenn était bien meilleur à cheval et résistant comme un résistant. Vous avez simplement des styles différents, et c’est normal. Vous êtes des personnes différentes avec des forces et faiblesses différentes.
– … je voulais être comme lui… être aussi fort et bon que lui… mais il était fier que quand j’utilisais mes propres techniques… et il me demandait de ne pas rire quand il ferait que de la fumée…
– Il a toujours été un cancre en magie, il n’aimait pas du tout la travailler… tu as toujours été meilleur que lui en la matière, et de très loin. … C’est pour ça que tu tentais de refaire des éclairs ?
Félix pressa sa tête contre la poitrine de son père, perdu.
– Je ne sais même pas… juste… je faisais ça avec lui et je voulais en refaire… mais… mais il ne reviendra pas… il ne reviendra vraiment pas… et je ne pourrais plus jamais vraiment le battre… avec mon épée ou la magie… même elle, elle ne reviendra pas… réalisa-t-il comme un coup de massue. Je ne sens plus ma propre magie… juste celle de Fraldarius… et elle est dans mes jambes et mes poumons… la mienne a disparu…
Rodrigue ne dit rien, se contentant de le serrer dans ses bras, cette magie étrange se dégageant encore de lui alors qu’il semblait vouloir le protéger.
– Les choses continuent toujours… même quand elles semblent ne jamais se terminer, même quand on veut que ça s’arrête…  la cicatrice fait toujours mal, elle devient moins douloureuse avec le temps, même si elle est toujours présente… et c’est possible que tu ne puisses plus faire de magie comme nous, nous l’entendons aujourd’hui, mais regarde… tu fais des choses qu’aucun d’entre nous n’est capable de faire… personne ne peut respirer, voir et vivre sous l’eau comme tu le fais… même si elle fait partie d’une blessure, elle peut aussi te donner des forces…
– Ça parait loin et trop long… Comment tu as fait avec les tiennes ? Et comment je ferais si ça recommence ?
– C’est toujours trop long, on veut toujours que ça arrive au plus vite sans se laisser du temps. J’ai mis du temps, ça faisait mal et j’ai parfois maudit le monde entier car, ça faisait mal et que je ne pouvais plus rien faire pour soigner la blessure… pas même le dire à celui qui me l’avait faite en souriant sans s’en rendre compte… mais avec le temps, même si ça faisait toujours mal, on s’habitue à ses vieilles cicatrices, et on tient en pensant à ce qui nous reste d’avant qu’il soit là et à présent, tout en devenant plus résistant à chaque fois, même on sait qu’on ne s’y fera jamais… qu’il ne faut pas s’y habituer mais, au moins apprendre à vivre avec et à accueillir ce qui arrivera ensuite sans oublier… même si c’est surement qu’une manière de le vivre parmi d’autres… il lui embrassa le front, protecteur. Tu trouveras aussi la tienne…
– Hum… il passa sa main sur ses écailles, sentant l’eau battre ses ouïes en même temps que son cœur. Je peux déjà compenser en demandant des cours à Pierrick pour ça…
– C’est une bonne idée. Je suis sûr qu’il t’aidera sans problème, une fois que tes blessures seront bien refermées, lui rappela-t-il.
– … d’accord.
Félix accepta de rester calme et de ne plus forcer après ça. Il dut bien dormir une semaine dans sa grotte au fond du lac avant que ses veines ne se referment, ne remontant à la surface que pour manger. Une fois ses blessures refermées, même s’il tient sa parole de ne pas trop pousser, le jeune homme glissa au fond du lac, à la recherche de… il ne savait même pas quoi… juste, le jeune homme saurait en trouvant. Au moins, ça l’entrainait à utiliser sa nageoire et à respirer de l’eau en bougeant tout le temps. Ça faisait une éternité qu’il ne s’était juste pas perdu dans l’eau ainsi… Glenn n’aimait pas nager et était plutôt mauvais pour ça alors, son cadet avait arrêté de le faire aussi, sauf pour conserver son souffle. Il savait que ça aurait été idiot de perdre la capacité à rester dix minutes sous l’eau sans effort…
Il sut qu’il avait trouvé ce qu’il voulait, quand il tomba sur ce qui semblait être une ancienne structure sur pilotis qui avait sombré. Ce n’était pas rare sur le lac Egua, la seule ile du lac était une construction artificielle qui datait de l’époque du Brave mais, toutes n’avaient pas aussi bien survécus que celle-ci. D’autres étaient plus proche du rivage, il y trouvait toujours des choses intéressantes dedans… Il y avait de grandes pierres gravés avec les mêmes motifs qu’on en retrouvait un peu partout dans cette partie de leur fief, des sortes d’objets dont il ignorait la nature à part que ça ressemblait à des instruments de cuisine, et surtout, caché entre les algues, les cailloux et la vase, Félix trouva un petit trésor d’argent et de vermeil dans plusieurs plats les uns sur les autres, qui devaient surement être attachés ensembles à l’origine, contenant deux torques, une dizaines de fibules en forme de cercle de tailles variées avec leur attache simples, des cuillères, ce qui ressemblaient à des pommeaux et des gardes d’épée.
Le jeune homme remonta tout à la surface, puis se mit à les nettoyer méticuleusement, comme pour ses armes et qu’il avait l’habitude de le faire avec ses trouvailles avant… après plusieurs heures de travail, tout était propre comme à la sortie de la forge… il y avait suffisamment d’élément venant d’armes mais, Félix apporta deux des fibules aux jumeaux, deux différentes, ils comprendraient où il voulait en venir. Ils n’avaient jamais été identiques pour lui. Il en prit puis quatre autres en parfaite état, après avoir accroché sa cape avec une autre attache, reposant sur son cœur. Il en mit une dans chaque tombe de sa famille : une pour Guillaume, une pour Aliénor, une pour Félicia, et une dernière pour Glenn… les deux dernières, il les enterra avec Rodrigue, les enfouissant vers eux. Enfin, le benjamin des Fraldarius prit une dernière fibule pour aller au bord du lac, là il avait l’habitude d’aller nager avec son père et son oncle, ainsi que son frère quand il était encore là.
« Pourquoi tu lui rends celle-là ? Lui demanda Alix en le rejoignant avec son frère.
– À chaque fois que je vois Fraldarius, même si sa fibule ne ressemble pas à ça, il a un collier avec quatre plaques en forme de main… on ne voit que ça… je trouvais que les bouts ressemblaient à des doigts serrés…
– Ça se tient… je suis sûr que ça lui fait plaisir, sourit son oncle, alors que Rodrigue posait sa main sur l’épaule de son fils en lui demandant.
– Comment te sens-tu ?
– Ça fait toujours mal mais, moins… … … … dans mon rêve, Glenn m’a dit qu’on se reverrait… qu’on sera à nouveau tous ensemble… tu penses que ça arrivera ?
– Je l’espère… de tout mon cœur… souffla son père, s’ancrant un peu à lui à son tour. On sera à nouveau réuni, d’une manière ou d’une autre… »
Ils restèrent tous les trois, pensant encore une fois à leur famille, alors que Félix lançait la fibule dans le lac avec un dernier adieu, accompagné de ce vœu…
« Faites qu’on puisse tous se revoir et vivre ensemble la prochaine fois… »
*
Quelques semaines plus tard, Dimitri ressortit du palais impérial, laissant le corps d’Eldegard derrière lui. Après Gronder, ils avaient bien rencontré l’Impératrice et son bras droit avec Byleth mais, à part confirmé qu’ils ne s’arrêteraient pas avant d’avoir écrasé tout Fodlan, jurant que tous ces morts étaient faits au nom d’un futur qu’elle n’arrivait même pas à décrire, crachant sur ses victimes en disant qu’elles ne méritaient que la mort car, ils étaient faibles et leurs assassins forts. Elle ne prenait même pas cette rencontre au sérieux… le jeune homme ne savait pas lui-même ce qui lui avait pris quand il lui avait rendu la dague qu’il lui avait offert, bien des années auparavant avant une autre séparation… peut-être faire ressortir la El qu’il avait connu… peut-être… c’était un bel échec sur toute la ligne en tout cas…
Puis, avec l’armée royale renforcée par les chevaliers de Seiros, les forces leicesters et les mouvements de révoltes armées adrestians, ils avaient envahi Enbarr et vaincu Hubert. Confiant la sécurité de la ville à Ferdinand et ses camarades, ils avaient foncé vers le palais où Eldegard s’était retiré avec ces derniers fidèles. Les enbarriens avaient été utilisés comme des boucliers vivants par leur impératrice et étaient encore sous le choc de l’attaque, la présence d’un autre adrestien devrait plus les rassurer que celle d’un étranger. Ils tombèrent sur d’autres personnes à la peau grise comme celle des imposteurs cachés sous des peaux mais, ils s’étaient enfuis assez vite après que leur chef ai trouvé la mort. Il faudrait régler cette histoire après la guerre…
Quand les forces royales pénétrèrent dans la salle du trône, ils se crurent tous en plein cauchemar… Eldegard était là, immense, semblant sortir tout droit d’un cauchemar… elle était faite de la même matière que les bêtes démoniaques, sensible aux mêmes attaques qu’elles… sa silhouette restait vaguement humanoïde et seul son visage n’était pas cerné de cette matière noir qui la constituait mais, des plaques osseuses recouvraient ses joues, ses yeux étaient devenus noirs et brillaient d’une lueur de sang… ce n’était même pas comparable à l’apparence des Braves… pour leur ancêtre, cela semblait naturel, des éléments de leur apparence apparus au fil du temps et surement de leurs expériences de « sorcellerie » comme l’avait dit Loquax. Là, cela se voyait que c’était fabriqué par l’homme, une sorte de réaction à il ne savait quel maléfice…
« Imbéciles… grinça la créature en les voyant arriver. Les imbéciles qui refusent de sacrifier quiconque… et incapables d’en mesure les conséquences… je vous voie… misérables insectes… écraserai… je vous écraserai ! Je dois enterrer le passé et avancer vers un avenir radieux ! C’est le seul chemin qui rendra à Adrestia sa grandeur d’avant ce traitre doublé d’un bâtard Loog et ses comparses ! Cet avenir, je le bâtirai de mes propres mains et l’arroserai de votre sang !
– Alors… tu en es arrivé-là… soupira Dimitri. Voilà où te mènent tes idéaux où le fort doit tout détruire sur son passage…
Alors, elle était allée jusque-là… jusqu’à devenir elle-même un monstre littéral pour ne pas perdre… Dimitri s’autorisa à fermer les yeux une fraction de seconde… il n’y avait donc plus aucune chance de la faire changer d’avis… El ne reviendrait jamais… malgré tout, il avait espéré…
« Arrête de t’accrocher à ce qui s’est passé alors que tu ne peux plus rien changer, le gronda le souvenir de Félix au fond de sa tête à la place de Glenn, très silencieux ses derniers temps, même si les fantômes chuchotaient toujours à son oreille. C’est fait maintenant, accepte-le. »
– C’est vrai… Ainsi soit-il, reconnut-il, puisant de la force dans l’écaille de son ami, placé sur son cœur comme porte-bonheur pour lui donner la détermination de Pertinax.Si c’est le chemin que tu as choisi, je te combattrai, même si c’est au prix de ma vie, comme Simplex et Loog avant moi ! Je défendrai le présent, c’est tout ce que nous avons ! Si votre futur doit être construit sur des os et le sang, alors vous ne méritez aucune pitié ni compassion ! Vous ne faites que renforcer le cycle dans lequel nous vivons ! »
Il s’était alors élancé, Areadbhar en avant, entouré par son énergie glaciale. Eldegard les bombardait de flammes et de cristaux, criant encore et encore qu’elle sacrifierait tout pour construire un avenir radieux, sans se rende compte qu’elle se faisait un trône de cadavres et de souffrance mais, au bout d’un long combat, elle poussa son dernier cri et tomba au sol.
Comme un cauchemar au petit matin, elle se décomposa à l’instar de toutes les autres bêtes démoniaques, ne laissant que le corps humain au milieu d’une bouillie infâme de sang et de chair putride. Prudemment, sa lance en avant, Dimitri s’approcha afin de vérifier si elle était bien morte. Toutes les personnes ayant servi de matériaux pour être transformé en bête démoniaque étaient mortes une fois vaincues, il n’y avait pas vraiment de raison pour qu’Eldegard fasse exception… mais mieux valait être prudent, peut-être que le processus était différent, elle avait pu garder un soupçon de conscience, et il avait promis aux Fraldarius de ne pas péché par excès de confiance. Le jeune homme levait son visage du bout de sa lance pour vérifier son regard quand, vicieuse comme une vipère, Eldegard se redressa d’un coup et lança un couteau vers lui. Par chance, il put l’esquiver, l’arme se plantant là où son armure était abimée sans trop pénétrer, cela lui fit même pas mal, et Dimitri enfonça lui-même sa lance dans la poitrine d’Eldegard.
« Jamais… cracha-t-elle en lui jetant un dernier regard. Jamais je ne perdrais face à un faible ayant besoin des autres pour tenir debout… jamais…
 Au moins, elle suivait sa philosophie jusqu’au bout…
Dimitri retira sa lance du corps de son ennemie qui s’effondra au sol, puis tira assez facilement le poignard de son armure sans douleur… la lame n’était même pas tâchée de sang… étonné, Dimitri fouilla sous son armure, ressortit la grande écaille de Félix de sa cachette. Elle était brisée en plein milieu, comme si on y avait planté quelque chose…
– Tu te trompes Eldegard… souffla-t-il en serrant le porte-bonheur dans sa main, veillant à ne pas le briser, même si son ennemie ne pouvait plus l’entendre. Cette faiblesse est ce qui nous rend tous aussi forts. »
Il laissa alors tomber la relique d’un temps révolu au sol… elle était morte… elle était morte depuis longtemps…
La petite main du professeur attrapa alors la sienne. Il la regarda, son visage se fermant tristement alors qu’elle le tirait doucement dehors.
« C’est fini. Elle ne reviendra pas. Mais ceux qui vous aiment réellement vous attendent. »
Ses quelques mots finirent de le convaincre. Dimitri sortit alors du palais impérial et arriva sur la place principale d’Enbarr, inondé par la lumière du Soleil. Des rugissements de victoire l’entourèrent de toute part, des félicitations et des ovations, les casques, les chapeaux et les étoles volant dans les airs.
« Hourra ! Hourra pour le Lion Sauveur ! Vive le roi Dimitri ! »
Leurs mots le touchèrent droit au cœur, ce dernier s’envolant enfin de joie quand il vit tous ses amis allés bien. Le jeune homme prit Ingrid et Sylvain dans ses bras, ne les ayant pas enlacés ainsi depuis ce qui semblait être des siècles, tous pleurant de soulagement devant cette victoire.
« Mes vrais amis d’enfance sont là… songea-t-il en serrant Ingrid contre sa poitrine, alors que Sylvain ébouriffait ses cheveux en souriant. Il ne manque que Félix et nous serons tous ensemble… on le retrouvera bientôt tous les trois… »
Byleth pleura à son tour de joie en retrouvant Rhéa, tout comme Seteth et Flayn. Elle était blessée, presque agonisante, la Déesse seule sachant ce qu’elle avait enduré dans ce cachot humide à la merci d’Eldegard et Hubert mais, il sentait qu’avec l’aide de ses proches, elle s’en sortirait. Dimitri était bien placé pour comprendre l’importance de leur aide afin de guérir.
L’armée des coalisés resta bien six mois à Garreg Mach afin de faire le point sur la situation et établir la marche à suivre. Apparemment, Pan aurait une idée d’où pourrait se cacher la secte qui avait remplacé tant de personnes et aider Eldegard mais, il avait encore besoin de temps pour analyser les documents retrouvés à Enbarr et en Arundel, ainsi que les notes de Cornélia. Mieux valait lui laisser du temps au lieu de se précipiter. Il confia la reconstruction de l’Empire à Ferdinand après avoir consulté des représentant des villes, ainsi que celle de l’Alliance à Judith et Lorenz, puis put enfin rentrer chez lui avec ses amis après presque un an d’absence.
Comme toujours, Dimitri fit une escale à Fort Egua avant de retourner à Fhirdiad, où il devait se faire couronner au plus vite, si possible en la présence de la famille ducale. En arrivant devant les portes du palais, il vit Félix négocier avec des marchands, leur serrant la main alors qu’ils devaient avoir trouvé un accord, une grande broche tenant la sarcelle de sa famille en place sur ses épaules. Leur ami se tenait debout sans trembler, l’œil vif, les ouïes sur sa gorge palpitant un peu à l’air libre mais, il semblait avoir retrouvé toute son énergie et sa hargne. Ils l’appelèrent, l’épéiste se tournant vers eux en grognant amicalement, un sourire entendu aux lèvres.
« Vous en avez mis du temps. Vous me devez tous un duel je vous rappelle. »
Dimitri, Ingrid et Sylvain sautèrent de leur cheval pour l’enlacer, heureux de le retrouver en pleine santé et à l’air libre.
*
Épilogue :
« Tout le monde est prêt ?! Faut qu’on y aille maintenant !
– On arrive ! Répondit Amorgen en entendant l’appel de son père Gwilim. On retrouve le doudou de Dil et on arrive !
– Il l’avait quand pour la dernière fois ? Lui demanda sa mère Ornora.
– Hier soir ! S’écria sa femme Slaine, cherchant dans la chambre de leur petit. Il l’avait quand je l’ai couché !
– Mais il l’avait ce matin quand il s’est levé ! Rétorqua son frère Ryann. Il l’avait quand on a mangé !
– On a déjà cherché dans la salle à manger ! Lui rappela Gwilim.
Amorgen cherchait dans son bureau au cas où, Dil venait souvent le voir pendant qu’il travaillait sur des préparations alors, il avait pu laisser son doudou ici, quand il sentit son petit dernier attraper son pantalon, visiblement désolé.
– Pardon papa… je mets tout le monde en retard pour Fraldu…
Heureusement, son grand frère Réamann arriva à la rescousse et le rassura.
– T’en fais pas Dil ! On va vite le retrouver ! Il est juste allé se promener ! Il doit être nerveux que l’Archevêque de Fodlan vienne alors, il s’est caché !
– Mais il est très courageux Fraldu ! Rétorqua son cadet. Et c’est grand-père qui me l’a donné ! Il est très fort !
– Ça arrive à tout le monde d’avoir peur, même Fraldu et je suis sûr que Grand-Père aussi a peur parfois. C’est lui qui dit que le vrai courage, c’est de continuer à persévérer malgré sa peur !
Amorgen remercia d’une pensée son ainé d’être aussi doué pour rassurer leur petit dernier, alors qu’il cherchait entre les flacons, les mortiers et les boites de différentes herbes médicinales. Le père poussa un grand soupir de soulagement en trouvant le doudou en forme de loup tout doux, bien recousu, mâchonné de partout quand Dil avait fait ses dents. Leur Grand-Père lui donné ce cadeau à sa naissance, il ne s’en séparait jamais, sauf quand il le perdait en l’oubliant quelque part. Cette fois, il était sous sa table de travail, son petit avait dû le faire tomber quand il était venu le chercher pour se rendre au port.
– Je l’ai ! Prévient-il le reste de la maison en le rendant à son fils. Tiens, il est revenu, il voulait juste encore dormir un peu.
– Fraldu ! Il lui fit un gros câlin en retrouvant son doudou. Merci papa !
– C’est normal… allez, venez tous les deux, c’est l’heure d’y aller…
Le père guida ses garçons vers la sortie de leur maison, où s’était déjà rassemblée toute leur famille, finissant de se préparer. Slaine attrapa les manteaux de leurs fils, Amorgen l’aidant à leur mettre, pendant que Ryann vérifiait que leurs chats étaient bien là et avaient ce qu’il fallait pour la journée, Gwilim et Ornora vérifiant que tout était bien fermé. Une fois sûr qu’ils étaient tous prêt à partir et que Dil avait bien son doudou, ils sortirent enfin pour aller voir l’arrivée de l’Archevêque de Fodlan en ville. Elle était en visite officielle dans la confédération et devaient rencontrer les Onze Bienfaiteurs, en commençant par celui de leur ville. Elle était entourée de tellement de légende à son sujet que tout le monde voulait la voir, Dil et Réamann les premiers.
Quand ils arrivèrent sur le port, il était déjà noir de monde mais, aidé par leur petite taille familiale, ils arrivèrent à se faufiler tous les sept jusqu’à la barrière qui les séparait des quais. Dil trouva assez vite une place dans les bras de son père pour mieux voir, alors que Réamann demandait.
« Elle est où l’archevêque ?
– Hum… Ryann regarda de partout, étant le plus grand de leur famille avec son frère. Je ne voie pas de navire fodlan, elle ne doit pas être encore arrivée…
– Elle arrive bientôt ? Poursuivit Dil.
– Surement, il faut simplement encore attendre, répondit Amorgen.
– – Mais c’est trop long ! On veut la voir !
– Ça va vite passé, elle doit arriver à dix heures, c’est bientôt l’heure, leur rappela leur mère en leur montrant l’horloge, indiquant neuf heures trente.
– Et si pour vous faire patienter, on vous racontait une histoire ? Proposa Gwilim.
– Oh oui ! Une histoire ! Accepta tout de suite l’ainé de ses petits-enfants.
– Raconte nous l’histoire de Grand-Père et de ses amis ! S’il te plait papi !!!
– Celle de Grand-père et des autres Bienfaiteurs Dil ? Mais vous la connaissez par cœur ! Ria-t-il en les faisant mijoter un peu.
– – S’il te plaaaaiiiit ! Le supplièrent ses petits-fils.
– Bon ! Bon ! Que puis-je faire devant de telles suppliques ? Bon, au commencement, alors que le monde venait de naitre et que les hommes étaient répartis à sa surface, ceux qui arrivèrent sur nos terres furent très malchanceux. Au Nord du Nord, elle n’était que taïgas stériles, vents, neiges et tempêtes, les éléments s’écrasant sur les surfaces rocheuses et abruptes. Presque rien ne poussait alors, les Tous Premiers partirent pour le sud, à la recherche de terres meilleurs, qu’ils trouvèrent en les futurs Sreng et Fodlan.
– Cependant, continua Ornora, alors que le soleil semblait toujours briller sur Fodlan, un jour se leva un monstre, un Démon parmi les Démons du nom de Némésis. Aidé par les forces maléfiques de notre monde, il tua une Déesse Créatrice et se mit à ravager Fodlan du nord au sud, de l’est à l’ouest, sur terre comme sur les côtes, avant que de Courageux Saints, enfants de cette Déesse Écorchée, et leurs fidèles lieutenants n’émerge du dernier recoin de lumière brillant encore sur Fodlan, et le vainquirent ensemble, repoussant les ténèbres sous terre où ils furent scellés avec leur bras armée. Mais avant leur arrivée, une partie des fodlans partirent, terrifiés par Némésis et les forces du mal, et ils trouvèrent refuge de l’autre côté des montagnes et de l’océan. Dans leur fuite, certains trouvèrent nos terres gelées et s’y installèrent, persuadés que Némésis ne viendrait jamais les piller ici. Ce fut le Premier Peuplement, suivant le Premier Exode de Fodlan.
– Des siècles passèrent, nos terres restèrent toujours aussi gelées et hostiles mais, suffisante pour le peu d’habitants qu’elles nourrissaient, reprit Slaine. Il fallait se serrer les coudes, ne jamais abandonner qui que ce soit pour que la communauté survive. Chaque vie était précieuse, des bras en plus pour cultiver nos terres stériles, un sourire pour réchauffé les cœurs au bord du désespoir. Ainsi, elle devient ainsi sa terre, celle où vivaient ceux n’ayant nulle part pour se réfugier, dont les habitants compensaient l’hostilité par leur fraternité et leur courage. Mais, les enfants du Premier Exode gardaient toujours avec eux une prophétie qui leur donnait du courage : « Si un jour, les ténèbres ressurgissent et engendraient un Nouveau Némésis, la Déesse Écorchée reviendra à la vie par son Cœur et, après avoir sauver le Barde de la Déesse, il fera tomber le Nouveau Némésis avec l’aide du Cœur de la Déesse, avant de s’unir avec le Barde et de vaincre ensemble Némésis et les ténèbres pour de bon. Ce jour-là, à l’Aube Nouvelle, le monde entier entrera dans une ère de prospérité et de bonheur. »
– Malheureusement, au fils des siècles, le sceau retenant les forces du mal se fragilisa, laissant sortir des brides de ses miasmes qui corrompaient le cœur des hommes et semaient le trouble en Fodlan. Il y a maintenant six siècles, lors d’une Lune de Sang, le sceau tomba en poussière. Les ténèbres en sortirent, se précipitant hors de leur cage et donnèrent alors naissant à Eldegard la Sanguinaire, fille par le sang de l’Empereur Vampire Ionius, et fille par l’esprit du Démon parmi les Démons Némésis. À la tête de l’Empire d’Adrestia, elle se mit à ravager tout Fodlan pour reprendre contrôle du continent, et continuer à semer le chaos comme les Ténèbres le voulaient, ravageant encore et encore toutes créations sur son passage. Elle fit tomber la Maison de la Déesse Garreg Mach, captura la Voix de la Déesse Rhéa qui avait essayé d’accomplir la Prophétie, disparaitre le Cœur de la Déesse revenu à la vie en la personne de Byleth, la préceptrice de l’Élu, le Prince Dimitri de Faerghus, puis le chassa, le poussant au plus profond des ténèbres pour qu’il se perde et n’accomplisse jamais son destin, sachant que c’était lui, l’élu du Cœur de la Déesse, qui la ferait tomber un jour. Beaucoup fuir, plusieurs trouvèrent refuge sur nos terres, et ce fut le Second Exode, fuyant ce continent à feux et à sang. Alors, Fodlan plongea dans les ténèbres, à la merci d’Eldegard la Sanguinaire, des forces du mal et de leurs sbires… raconta sombrement Ryann avec une voix basse, effrayant même son plus petit neveu qui se cacha dans le manteau de son père.
Amorgen l’en sortit en continuant à raconter, les deux garçons pendus à ses lèvres alors qu’ils arrivaient à leur partie préférée de l’histoire.
– Cependant, tout espoir n’était pas perdu. Malgré la perte de leur prince, son peuple continua toujours le combat, se battant avec tellement de force qu’Eldegard la Sanguinaire ne put jamais faire tomber le dernier de la Prophétie, le Grand-Duc Claude de Leicester, le Barde de la Déesse qui, comme tout Barde se le doit afin de raconter le passé, apprenait encore et encore les secrets de Fodlan tout en résistant aux forces du mal. Puis un jour de pleine lune bleue, le Cœur de la Déesse sortit de l’eau et revient à la vie, partant à la recherche de l’Élu avec tous ses compagnons qu’il avait réuni avant sa chute. Ils le retrouvèrent plongé au plus profond des Ténèbres mais, après avoir failli perdre deux des êtres les plus chers à son cœur, avec l’aide de ses amis et de sa propre volonté inflexible, il arriva à les vaincre, revenant à son tour à la vie. Il partit alors libérer son Royaume des sbires des Ténèbres qui le contrôlait, puis alla sauver le Barde de la Déesse comme le voulait la prophétie.
– Puis, ils ont battu la méchante Eldegard ! S’écria Dil en serrant son doudou dans ses bras.
– Oui. Accompagné du Cœur alors que le Barde partit afin de trouver ses dernières réponses et apaisé les conflits avec le continent voisin d’Almyra, l’Élu Dimitri partit pour Enbarr, ancien dernier bastion de la lumière qui était devenu la place forte des Ténèbres. Le combat fut rude mais, épaulé par tous ses courageux compagnons, protégez par leur amitié et la foi que le peuple de Fodlan plaçait en lui, l’Élu vainquit Eldegard la Sanguinaire, arrêtant toutes ses ambitions de réduire Fodlan en cendres. Puis, quand la Voix de la Déesse fut libre et avec les découvertes du Barde de la Déesse, ils vainquirent les Ténèbres pour de bon. D’un trait du Barde, la flèche détourna l’attention de Némésis, revenu à la vie par les Ténèbres, laissant le temps à l’Élu de l’achever une fois pour toute, alors que le Cœur utilisait son pouvoir divin pour anéantir les forces du mal. Par ce miracle, ils libérèrent tous les bienfaits qu’ils avaient volé. Ces Bénédictions parcoururent alors le monde, apportant la paix et la prospérité partout sur leur passage.
– Quand les Ténèbres et leurs Héraults furent vaincus pour de bon, beaucoup de personnes venant du Second Exode rentrèrent en Fodlan afin de retrouver la terre de leur ancêtre à présent protéger par l’Elu de la Déesse, le Roi Sauveur Dimitri qui régénéra le continent tout entier et le fit entrer dans une ère de paix qui continue encore aujourd’hui. Ils crurent aussi que les Bienfaits avaient oublié la Contrée des Désespérés, toujours aussi hostiles à la vie, reprit Gwilim. Cependant, les Dieux ne nous ont pas oublié mais, nous donnèrent des bienfaits particuliers, ceux de la Connaissance.
– Et c’est les Onze Bienfaiteurs qui les ont récupérés ! Continua Réamann avant de réciter. Car ce sont les seuls avec une âme et un esprit assez sincères et dévoués à notre peuple pour ne pas l’utiliser pour eux seuls !
– Oui, et avec leurs bienfaits, chacun développa un talent particulier. La Première développa celui du corps et de l’esprit, sa force hors du commun s’alliant à sa lucidité capable de déchiffrer l’esprit des êtres vivants.
– La Seconde apprit tout de l’Organisme, autant comment la soigner que la détruire, devenant complémentaire à la Première. Puis le Troisième arriva, maitre des nuages et de l’orage, capable de maitriser la météo afin d’abreuver nos terres d’eau et de Soleil selon leurs besoins, poursuivit Ornora avant de laisser la parole à sa belle-fille.
– La Quatrième fut celle du feu et de la chaleur, réchauffant nos maisons et arrêtant les incendies qui nous menaçaient. En coordination avec le Cinquième, maniant la terre qu’il rendait fertile et le métal, ils construisirent ensemble des outils pour les habitants de nos terres.
– La Sixième connaissait le Vent et les Cieux, les faisant souffler et les rendant clair pour mener les navires à bon port. Le Septième parlait à tout être vivant, animal, insecte, oiseau, poisson ou humain, et pouvait toujours trouver un accord entre deux partis, raconta à son tour Ryann après Slaine.
– Et pour les trois suivants, il y a… commença Amorgen en laissant sa phrase en suspend pour que les petits répondent.
– Je sais ! C’est les Trois Inséparables ! S’exclama Réamann, son impatience complètement oublié depuis longtemps. Après, il y a le Huitième qui maitrise le froid et la neige, pour nous protéger de l’hiver ! Il s’appelle Goll car il a les yeux de deux couleurs différentes ! Et il est amoureux de Grand-Père et il considère la Dixième comme leur sœur !
– Et Grand-Père Eil Ton, c’est le Neuvième ! Lui, il est ami avec les eaux, et il arrive à jouer avec et à les rendre toutes propres ! Continua en babillant Dil. Comme ça, on a pas mal au ventre quand on la boit ! Et c’est lui qui a fait Fraldu car c’est notre Grand-Père ! Il aime aussi beaucoup, beaucoup, beaucoup le Septième Grand-Oncle Goll et Grande-Tante Plur na mBan !
– Oui, et avec eux est toujours la Dixième, notre Grande-Tante Plur na mBan, elle qui contrôle les plantes de toutes sortes, autant un brin d’herbe que le plus ancien des arbres, leur donnant la santé en échange de leur fidélité. Ensemble, ce sont les trois grands amis toujours ensemble et inséparable.
– Enfin, la dernière est la Onzième, maniant l’ombre et la lumière, allant aussi vite qu’elle et sautant de l’une à l’autre. Ils mirent leurs bienfaits en commun et ensemble, ils transformèrent la Contrée des Désespérés en un véritable paradis sur Terre. La vie restait dure pour ne pas trop chambouler les lois de la Nature décidé par les Dieux eux-mêmes mais, elle devient bien plus facile et prospère. Elle changea alors de nom pour prendre le nom de la Confédération de Tir na nOg, afin de souligner que c’est le travail de tous les Bienfaiteurs ensemble qui a rendu nos terres aussi resplendissantes que celle de l’éternelle jeunesse. Depuis lors, les Onze, doté d’une longue vie grâce à leur Bienfait, continuent de veiller sur nous, tout en formant des successeurs afin d’entretenir la force de leur Bienfait, même quand les dieux les appelleront finalement parmi eux…
– Comme mamie et papa ! S’écria Dil. Et moi aussi ! Je serais aussi fort que grand-père quand je serais grand !
– J’en suis sûr, quand tu seras un grand garçon, lui sourit son père en appuyant doucement sur son nez par taquinerie, ce qui fit rire son cadet.
– Allez ! Encore une histoire !
– Tu es insatiable ! Ria son grand-père, avant de se faire couper par des sonneries de trompette. Mais ce sera pour plus tard, on dirait que le navire de l’archevêque est arrivé.
– Elle ne devrait pas tarder à sortir… ajouta Ornora.
– Oui ! Elle est là ! S’exclama Slaine en montrant une femme aux cheveux verts interminables descendre sur le ponton, toute habillée de bleu, d’or et de fleur de lys.
– C’est elle ! C’est l’archevêque ! Pépia avec enthousiasme Réamann, à peine tenu par sa mère.
– C’est le Cœur de la Déesse ! Eeeehhho ! Cria Dil avant que son père l’arrête. Archevêque Byleth !
Byleth ne put s’empêcher de tourner la tête vers la foule en entendant cette appel, perçant derrière les acclamations de bienvenus. La voix était bien plus aigüe, comme celle d’un tout petit enfant mais, ses oreilles ne pouvaient que la reconnaitre. Elle vit alors une petite famille, composé des grands-parents, des parents, de l’oncle qui devait être le vrai jumeau du père, et les deux petits-fils. Une hypothèse toute douce s’installa dans son cœur, pleine d’espoir. Après tout, ce n’était pas la première fois que la Nabatéenne faisait ce genre de rencontre, lui réchauffant toujours le cœur. Elle en aurait bientôt le cœur net…
Reprenant son sérieux, l’Archevêque salua solennellement le Bienfaiteur de l’Eau, le Neuvième, du nom d’Eil Ton. C’était un homme de taille moyenne, fin et souple, tout semblable à son élément, aux longs cheveux noirs et bouclés attachés dans un chignon tressé. Tout son corps était recouvert de symboles, des dessins et des tatouages ainsi que de quelques éléments étranges, semblables aux contrecoups des miracles que les Braves faisaient, avant qu’ils ne puissent enfin reposer en paix avec les nabatéens ayant servi à fabriquer les Reliques. Ils avaient beau avoir le même âge tous les deux, c’était la première fois qu’ils se rencontraient alors, Byleth devait avouer qu’elle était un peu étonnée. Il faudrait qu’elle voie avec les autres Bienfaiteurs mais, elle avait une théorie sur leur ancienne identité. Elle lui rendit son salut comme à un égal, c’était un chef d’État et les pouvoirs de cet homme se rapprochait du divin par leur puissance après tout.
Eil Ton la mena vers la ville, Byleth en profitant pour saluer la foule comme il était coutume de le faire, avant de s’arrêter au niveau de la petite famille, une excuse toute trouvée.
« Ils vous ressemblent beaucoup, sourit-elle au Bienfaiteur. Ils font partie de votre famille ?
– Oui, il s’agit du clan O’Faol, ce sont les descendants de ma sœur de sang. Même si je n’ai pas d’enfant moi-même, je les considère comme les miens. Je vous présente Gwilim et sa femme Ornora, leurs jumeaux Amorgen et Ryann, la femme d’Amorgen Slaine, et leurs deux fils, l’ainé Réamann et le petit dernier Dil.
– Je m’en doutais, vous vous ressemblez beaucoup, ronronna-t-elle en devinant juste. Je suis ravi de vous rencontrer.
Il fallait dire, Gwilim, les jumeaux et les deux petits-fils avaient les mêmes yeux de chat bleu comme de l’eau qu’Eil Ton, ainsi que ses cheveux noirs et bouclés et une peau assez pale, même si ceux de Gwilim étaient majoritairement devenu gris et le benjamin avait des mèches lisses et les iris ambrés de sa mère, bien qu’elle avait aussi une chevelure de nuit. Ornora se démarquait d’ailleurs beaucoup avec ses quelques mèches encore blondes avec des reflets roux au milieu du blanc et ses yeux verts.
Ils s’inclinèrent tous comme ils purent dans la foule, et avec son fils cadet dans les bras pour Amorgen, la saluant avec respect.
– Recevez tous nos hommages et tout notre respect Votre Sainteté Byleth, déclara solennellement le grand-père.
– Tout l’honneur est pour moi, répondit-elle avec un grand sourire, comprenant tout.
– Dites Dame Byleth ! C’est vrai que vous avez le Cœur de la Déesse ? Demanda Dil avec enthousiasme, les yeux brillants. Dans les histoires, vous êtes le Cœur de la Déesse Créatrice ! Celle qui a élu le Roi Sauveur Dimitri l’Élu de la Déesse contre Eldegard la Sanguinaire ! Et que Claude était aussi le Barde de la Déesse et même que tous les deux, ils ont vaincu Némésis !
Byleth sourit à ses questions, toujours curieuse de voir à quelle histoires leurs actions avaient donné naissance.
– On peut dire ça, même si Dimitri a pu aller aussi loin grâce à sa propre force, mais aussi l’aide de tous ses amis, lui assura-t-elle. Ils l’aidaient, le soutenaient, et ils s’entraidaient et combattaient tous ensemble. Tu connais surement ça avec tes propres amis. On est toujours plus fort ensemble.
– Oh oui ! Répondit-il avec enthousiasme en serrant son doudou en forme de loup – un autre indice – dans ses bras. Quand le peuple du Septième Bienheureux Nemed, je joue toujours avec mon super copain Cillin et on arrive toujours à être aussi fort que Réamann au ballon !
– Vraiment ? Lui sourit-elle, heureuse. Et bien, chéris bien tous les liens que tu as construits au fil du temps, autant avec tes amis qu’avec ta famille, c’est ce qu’il y a de plus précieux au monde.
– Bien sûr ! S’exclama-t-il en s’accrochant encore plus à son père. Je ne me séparerais jamais de mon papa, ma maman, mon grand frère, oncle Ryann, papi et mamie ! Jamais ! Et je serais un grand magicien ! Comme Grand-Père !
Byleth fondit devant sa réponse, osant passer sa main sur sa tête en lui souhaitant.
– Que tu sois exaucé… j’ai été heureuse de vous rencontrer. »
Elle se détourna en voyant Amorgen câliner son fils, Réamann pépiant à côté de son frère avec un sourire, les mains de sa mère sur ses épaules.
Byleth ne put s’empêcher de repenser à tous ses moments où elle savait qu’elle les revoyaient… d’une certaine manière… quatre cents ans auparavant, lors d’une tournée en Faerghus pour rencontrer encore les nouveaux habitants du Royaume, elle était arrivé dans un village le jour d’un mariage et avait officié comme prêtresse, reconnaissant sans peine l’immense homme blond et sa fiancée aux tresses bleues, tous les deux radieux d’échanger leurs vœux devant leurs parents bien vivants, ignorant que c’était leur second mariage. Il y avait à peine deux siècles, pendant un voyage en Almyra pour rendre visite au nouveau shah et fleurir la tombe de Claude, elle avait croisé un groupe de nomade à cheval, où vivait un frère taquin comme un renard et une sœur droite et stricte. Le premier marié à une des femmes les plus douces du monde qui lui avait donné des friandises, même si elle faisait peur quand elle racontait des histoires d’horreur autour d’Eldegard la Sanguinaire, et sa sœur s’était également mariée avec un rayon de soleil fait d’homme, positif et altruiste, aidant chaque personne dans le besoin. Ils vivaient tous ensembles, libres comme l’air avec leur monture, même si la vie était dure, restant soudés quoi qu’ils puissent leur arrivée. Byleth avait cru fondre en larme la première fois qu’elle avait fait ce genre de rencontre, retrouvant les traits de deux chevalières inséparables dans ceux de deux commerçantes d’Albinéa, Rhéa le faisant discrètement, heureuse de les voir de nouveau ensemble… la même passion créative dans ce duo Dagdan que chez les deux grands artistes de sa classe que Flayn avait ramené au monastère pour montrer leurs œuvres à Seteth…
Pendant tous ces siècles, Byleth avait parfois rencontré des membres de cette famille mais, ils étaient toujours séparés. Mais là, ils étaient tous réunis et heureux ensemble… le souvenir du vœu qu’il avait fait à la mort de son père et de son oncle…
« J’aimerais qu’on puisse vivre tous ensemble la prochaine fois… et sans vivre autant de Tragédie, si ce n’est pas trop demandé… »
« Finalement, ce n’était pas trop demander, sourit Byleth pour elle-même en continuant son chemin, gravant la famille enfin réunie dans sa tête. Puissiez-vous vivre heureux tous ensemble le plus longtemps possible, surtout après autant de temps d’attente… cette fois, tout ira bien… »
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Scène coupée :
Bon ! Je vous explique. Cette partie a été écrite avant que je fasse la partie où Félix finissent son deuil de Glenn avec sa famille. Je l'ai coupé car, je trouvais que ça faisait "ils ont le beurre, l'argent du beurre et la crémière" pour eux et que ça ruinait les thématiques, et j'hésitais à le mettre mais, après une discussion avec Ladyniniane, je le met quand même comme scène coupé. Si cela ne vous gêne pas, vous pouvez le considérer comme canon avec le reste de l'OS mais personnellement, je le considère comme une scène coupée qui n'a pas d'importance sur l'histoire. Le déroulement des évènements ne changent pas avec ou sans de toute façon alors, c'est comme vous le sentez !) Bonne lecture !
Félix avança prudemment avec son père dans les allées de la ville étrange. Pan avait finalement craché le morceau sur pourquoi il en savait autant sur cette « secte », tout comme Rhéa sur les Reliques et Némésis. Déesse ! Il n’aurait jamais cru que la Relique qui l’avait protégé aussi souvent était en fait l’os d’un dragon, et que son emblème était son sang que Némésis et ses alliés, les agarthans, avaient forcé son ancêtre à boire une fois vaincu à la déloyale ! Oui, les Reliques avaient un aspect assez dérangeant mais, tous pensaient que c’était pour effrayer l’ennemi et un signe qu’elles venaient d’un autre monde ! Même Moralta était une épée volée à son vrai propriétaire !
« Si les Reliques sont aussi… prévenantes faute d’un meilleur mot, c’est surement parce qu’à leur mort, l’âme des Braves qui ont été forcé de boire le sang de nabatéen a été aspiré à l’intérieur, avait expliqué Rhéa. Quand vous êtes inconscient et que vous utilisez leur pouvoir pour vous soigner, vous voyez votre ancêtre, n’est-ce pas ? C’est que son âme est bloquée dans la Relique, tout comme celle du nabatéen qui a servi à la fabriqué.
– Ces armes ont été créé pour faire souffrir, avait poursuivi Pan, ayant avoué entre temps qu’il était agarthan lui-même, avant de trahir et s’enfuir quand Loog et ses compagnons lui avaient ouverts les yeux sur ce que faisaient son peuple. Je n’étais pas présent à ce moment-là, j’étais encore qu’une larve n’ayant pas encore fini sa croissance mais, je me souviens que les scientifiques disaient qu’ils fabriquaient les armes ultimes pour se venger de Sothis. L’âme est piégée à l’intérieur du cœur, et elle est consciente de tout ce que fait son porteur. C’est pour cela que vos Reliques réagissent à vos actions et que leur énergie change, vos ancêtres et les nabatéens à l’intérieur tentent de communiquer avec vous. Ils doivent penser que quitte à être enfermé dedans, autant conseiller leurs descendants comme ils peuvent… »
Apparemment, l’agarthan qui avait remplacé Arundel, Thalès, était leur chef, ses seconds étant Solon et un autre homme du nom de Myson, également tombé pendant la bataille d’Enbarr. D’après Pan, la majeure partie des têtes pensantes de leur cité, étaient mortes.
« Nous ne sommes pas tous d’accord avec cette vengeance. C’est normal car, nous sommes tous élevé dans la haine de Sothis mais, nous ne voulons pas tous la mort de l’entièreté du continent. La plupart d’entre nous sommes des petites mains qui permettent à la cité de vivre, et ces familles veulent surtout vivre en paix. Une bonne partie d’entre elles ont fui à ma suite d’ailleurs, même s’ils ont quitté Fodlan de peur de représailles pour se cacher dans le désert de Morfis. Moi-même, j’ai vécu des siècles en me cachant, même si je n’ai pas fui pour tenir une promesse que j’ai faite à Loog et tous nos compagnons de l’époque. Je leur ai promis que tant que je serais en vie, Thalès et ses sbires ne brûleraient pas le continent et leur peuple qu’ils aimaient tous tant. Maintenant, nous avons une opportunité de prendre Shambhala et de mettre fin à ce cycle de vengeance insensé. Elle doit être complètement désorganisée et les seconds couteaux doivent être en train de s’entretuer pour savoir qui succédera à Thalès. C’est le moment de frapper. »
Dimitri l’avait écouté, ainsi que Rhéa et Seteth qui s’étaient révélés être des nabatéens, et même les Saints Seiros et Cichol, Flayn étant Cethleann. Ils furent tous les deux d’accord avec ce plan d’action, surtout maintenant que le continent et l’armée s’étaient remis de la guerre.
Félix était bien sûr aux côtés de ses amis, ainsi que Rodrigue, tous les deux complètement guéris. Il ne supportait plus de rester plus d’une semaine sans s’immerger complètement dans l’eau pendant des heures mais, il pouvait toujours dormir au fond de la rivière. Pas question de laisser Dimitri et les autres seuls après ne pas avoir pu combattre avec eux dans l’Empire, surtout qu’après enquête, il s’était avéré que les agarthans étaient aussi liés à Duscur. La Tragédie avait eu lieu sous l’impulsion d’Ionius, ce dernier voulant affaiblir le Royaume pour que l’Empire reprenne de l’importance par mise hors-jeu de son ennemi de toujours mais, les agarthans avaient également été présents. Ils avaient surement récupéré les corps des disparus afin d’avoir des matériaux pour leurs expériences tordues… c’était fou et idiot mais, dans un coin de leur tête, le père et le fils espéraient retrouvé quelque chose de Glenn… un habit, son sachet, la fiole d’eau du lac qu’il avait emporté, n’importe quoi… au moins quelque chose pour savoir ce qui était arrivé à son corps… au moins ça pour enfin pouvoir l’enterrer complètement…
Comme l’avait prévu Pan, un chaos sans nom régnait dans la ville. Différentes factions s’affrontaient dans la rue, laissant les corps pourrir par terre alors qu’ils se disputaient la tête de la cité. Les civils n’auraient pas été au milieu, se prenant des sorts perdus à tout bout de champ, l’armée royale n’aurait eu qu’à attendre pour finir le travail. Même là, il n’avait fait qu’achever les survivants des luttes intestines qui duraient depuis des mois.
Une fois le calme revenu et les civils mise au courant de ce qui se passait, ils partirent explorer la ville, au cas où Thalès et ses sbires avaient laissé des pièges derrières eux. Pan avait appris à plusieurs de ses collègues à parler la langue agarthan, afin qu’ils puissent l’aider à décrypter les notes codées de ses anciens alliés, ce fut très utile pour communiquer avec les habitants de Shambhala. Les Fraldarius suivirent le scientifique, ce dernier inspectant le bâtiment des chercheurs où devaient se trouver les restes des cobayes.
« Hum… je pensais ce projet à l’arrêt… marmonna l’agarthan en regardant un alignement de grandes boites semblables à des cercueils. Thalès voulait vraiment accomplir l’impossible… cela ne m’étonne pas de lui…
– Qu’est-ce que c’est ? Demanda Félix en fronçant le nez.
– Le corps de Némésis, ainsi que celui des enfants des Braves qui ont rejoint nos rangs après que leurs parents aient été assassinés. Ils étaient dévorés par l’envie de vengeance et se joindre à Némésis semblait être une bonne option. Après tout, même si leurs parents étaient malades à cause du sang qu’il leur avait fait boire, il avait donné le choix entre leur soumission personnelle et celle de leur ville. Cela semblait plus raisonnable que d’arriver dans la région, tuer le protecteur d’un peuple à cause d’un crime qu’il n’a pas commis, forcer le dit peuple à se soumettre à la volonté impériale et d’une déesse inconnue toujours pour laver leurs péchés, et tenter d’effacer plusieurs pans de leur culture car, les envahisseurs ne les comprenaient pas. Enfin, ça c’est ce qu’on m’a raconté quand j’étais encore une larve alors, c’est surement biaisé… Le projet, c’était de garder leur corps afin de tenter de les faire revivre à l’occasion, même s’ils étaient tous morts…
– Et il comptait faire ça comment ? Rien ne peut vaincre la mort ! Répliqua Félix.
– Effectivement, à part un sorcier suffisamment puissant, d’une certaine manière… il peut voir son âme lui survivre à travers la magie qu’il laisse derrière lui, ils sont surtout faits de magie à partir d’un certain stade. Sans notre intervention, vos ancêtres auraient surement fini par se mêler à leur environnement à leur mort. Je suis sûr que Thalès s’en est inspiré… il pensait qu’en leur injectant du sang avec leur emblème, ils reviendraient à la vie. Une de mes missions pendant la guerre du Lion et de l’Aigle était d’ailleurs de leur envoyer les corps des porteurs d’emblème morts pour extraction… je ne l’ai jamais fait, j’étais déjà passé dans le camp de Loog à ce moment-là mais, c’est pour ça que vous brûlez les corps à Faerghus et Leicester, par peur qu’on les vole… j’avais dit que des forces maléfiques venant de l’Empire les convoitaient… à l’époque, ça pouvait passer comme justification, les forces du mal étaient quelque chose en quoi les gens croyaient… dans le fond, ils n’avaient pas torts… Thalès aimait se prendre pour un dieu… marmonna-t-il en déplaçant des cristaux sur une sorte de grand plan de travail et en coupant des veines d’énergie. Enfin, comme ça, ça devrait couper ce qui maintient leur corps en état et finirent de les tuer avec… passez-moi le sac que j’ai apporté s’il vous plait… faites attention de ne pas vous en mettre sur les doigts…
Félix et Rodrigue lui donnèrent le gros sac, bien trop lourd pour lui mais qu’il avait insisté pour emporter, d’où il tira une boite qu’il manipula avec précaution. Il tâta alors les tuyaux qui reliaient tous les cercueils entre eux, ouvrit une trappe donnant sur un liquide bleuâtre, puis fit tomber toute la poudre de sa boite dedans, la couleur et sa précaution suffisant à leur faire comprendre qu’elle était surement toxique.
– Voilà qui devrait les achever pour de bon… souffla-t-il en refermant la trappe. Laissons-les mariner quelques jours dans le poison, et nous pourrons les sortir… et les brûler, ce sera plus prudent. Je ne sais pas ce qu’Odesse a pu leur faire… c’est ironique dans un sens… des guerriers dévorés par l’envie de vengeance des plus puissants de leur époque, tués par un simple poison qui dévore les cellules… c’est assez ironique qu’il soit battu par une simple réaction chimique naturelle… songea l’érudit pour lui-même en se relevant. Bon, maintenant, au tour des sujets de test. Commençons par les cobayes gardés vivants, chaque minute compte pour eux. »
Rodrigue et Félix hochèrent la tête sans s’en étonner. Pan leur en avait parlé, et même si un minuscule espoir était apparu dans leur poitrine, ils l’avaient tout de suite étouffé. Personne ne méritait de vivre une telle horreur et c’était impossible…
La salle des cobayes vivants était en fait un immense entrepôt où était conservé des corps dans d’immenses tubes transparents, entouré d’une échelle pour récupérer ce qui se trouvait à l’intérieur, rempli d’un liquide étrange. Les personnes à l’intérieur étaient nues, enroulées sur elles-mêmes, comme en enfant dans le ventre de sa mère, un masque sur le visage, plusieurs tuyaux les reliant en haut ou en bas du tube pour les tenir en vie. C’était horrible… plusieurs avaient des membres en plus ou en moins ou modifiés, des sortes de prothèses ratées sur le corps, surtout dans les premières rangées.
« On garde les tests en cours près de l’entrée pour y accéder plus rapidement » avait dit Pan en entrant mais, tout ceci restait morbide et macabre. Quel être humain digne de ce nom pouvait infligé une telle horreur à d’autres êtres vivants ?! Leur empathie était aussi moribonde que cela ?!
« Malheureusement, oui… » se souvient Rodrigue en se rappelant d’une discussion avec Seteth, quelques jours après qu’ils aient tout raconté avec Rhéa. « Déesse… par pitié, faites que Glenn n’ait pas eu à subir ça ! C’est un sort pire que la mort ! »
Au regard de Félix, il souhaitait la même chose.
Pan lisait la description écrite sur le tube à voix haute, regardait la victime dans son tube, et soit mettait une croix rouge sur le verre, indiquant que la personne à l’intérieur ne pourrait pas survivre hors du tube, soit disait qu’on pouvait tenter de le sortir. Ses chances de survie dépendaient du temps passé à l’intérieur de la solution et de son état alors, ils tentaient toujours.
« Sujet 158153, troisième jour du huitième mois de l’année 20159. Soldate capturée à l’occasion de la bataille de Gronder, camp allié, sans emblème. Test d’implantation de membres supplémentaires, échec mais, bonne résistance à la douleur, à garder. Elle ne survivra pas. »
« Sujet B40C56 à 66, vingtième jour du deuxième mois de l’année 20157. Dix paysans récupérés dans le duché de Faerghus, comté de Rowe, au motif d’impossibilité de payer ses impôts, envoyés par Périandre. Test de résistance à un sérum augmentant la force sur un échantillon d’humain inférieur. Échec pour neuf d’entre eux qui ont été détruits, un survivant gardé en attente d’autres tests, le sujet B40C61. Il a des chances de survivre, sortez-le de là. »
« Sujet L23-4873, vingt-huitième jour du sixième mois, année 20154. Habitant du village-test Remire. Test de bête démoniaque humanoïde. Échec mais, bonne résistance. À garder pour des expériences ultérieures. Il est mort. »
Au fur et à mesure qu’ils avançaient dans les allées, ils remontaient aussi dans le temps, les étiquettes lues laconiquement par Pan retraçant chaque bataille et méfaits de l’Empire avec les agarthans, racontaient l’histoire d’une victime. Les mots étaient froids mais, cela ne rendait leur réalité qu’encore plus épouvantable… Félix s’insurgea. Eldegard se vantait vraiment de construire un avenir radieux avec… ça ?! Elle ne faisait que les aider à jouer aux dieux et à causer encore plus de morts !
« Sujet 28PR43, dixième jour du deuxième moi, année 20150… on arrive dans les victimes récupérées pendant Duscur… c’est l’écriture et les codes de Myson, il devait avoir supervisé la « récolte de cobaye » et leur « exploitation ». Le connaissant, il a récupéré toutes les personnes à peu près entières qu’il a pu et les a gardés ici. Il ne jetait jamais rien… encore moins ses expériences, il les garde toujours pour les disséquer et voir ce qui n’a pas marché plus tard… Enfin, ce sera simple de savoir si elles sont en vie ou non.
Félix jeta un regard à son père, son visage aussi incertain que le sien. C’était impossible… il se le répéta encore et encore… ils ne devaient pas se faire de faux espoirs. À l’état de son armure et aux descriptions de Dimitri, Glenn était mort, point final. Surtout vu ce qui l’attendait ici…
Ils reconnurent beaucoup des personnes flottant dans les tubes de cette rangée… des soldats bien connus, des collègues de travails, des administratifs croisés au hasard, des amis… une partie était expérimentée et morte, d’autres en attente d’expérimentation, soit vivante, soit morte… ils ne savaient pas laquelle des deux options étaient la pire…
Les Fraldarius aidaient deux soldats à sortir un de leurs camarades de sa cuve, quand Pan les appela. Ils le rejoignirent et crurent que leur cœur allait s’arrêter en voyant le tube devant lequel était le scientifique. Les longues mèches noires et bouclées s’étaient échappées de leur tresse habituelle, flottant tout autour de sa tête, son visage caché par le masque et entre ses genoux qu’il tenait contre sa poitrine, sa peau si pale semblant bleutée dans le liquide. Mais… mais ils ne purent que le reconnaitre…
« Glenn… » murmura Félix avant de répéter, appelant son frère en se précipitant à côté du tube, plaquant ses mains dessus alors que ses doigts se roulaient en poings. « Glenn ! Glenn ! Tu m’entends ?! Réponds-moi ! Glenn !
– Ne frappez surtout pas dessus, le tube est fragile, lui recommanda Pan. Vous le tuerez si vous le sortez trop brutalement de là.
– Glenn… » souffla Rodrigue en posant sa main sur le verre froid, comme pour tenter de le toucher. Déesse, son petit devait mourir de froid à l’intérieur ! « Mon fils… pendant tout ce temps… » il se tourna vers l’agarthan, les yeux exorbités, dévoré par la peur et l’horreur. « Est-ce… est-ce qu’il… qu’est-ce qu’ils lui ont fait ?
– D’après la fiche, ils l’ont reconnu comme un descendant du Brave de Fraldarius alors, ils ont fait un test pour savoir s’il avait un emblème. Il s’est révélé négatif mais, aux vues des résultats, Myson s’est demandé s’il pourrait faire ressortir l’emblème de votre famille dormant en lui, au cas où ils n’arrivaient pas à trouver un porteur naturel pour lui voler son sang.
– Tu veux dire que ce salaud a…
– Non, Pan coupa tout de suite Félix, ce n’était pas prioritaire. Il le note lui-même comme une chose à faire sur son temps libre. Myson était en charge des expériences visant à donner deux emblèmes à quelqu’un, puis était sur les bêtes démoniaques, et il s’est réservé votre frère. Il a dû le garder en réserve pour quand il aurait du temps. De plus, il y avait déjà un porteur d’emblème majeur naturel en vie et en bonne santé alors, la priorité était plutôt de le récupérer lui, cela ferait moins de travail avec des résultats beaucoup moins incertains, déclara-t-il en regardant le jeune homme. Aux yeux de Myson, votre sang est bien plus précieux que celui de votre frère. Rien que celui des jumeaux est également plus facile d’accès et fiable, même si leur emblème est mineur. Le connaissant, il aurait été ravi de faire des expériences sur de vrais jumeaux et voir les différences de résultats. Cela l’a surement sauvé pendant un temps. Myson l’a juste mis dans un tube pour le conserver et voir pour plus tard.
– D’accord mais, est-ce… est-ce qu’il est encore vivant ? Demanda le cadet de la famille avec appréhension.
– Ils l’ont maintenu en vie mais, il est en stase depuis dix ans, leur rappela Pan. Il n’a rien subit à par des tests sanguins mais, comprenez que cela est très long alors, je vous conseille de vous préparer au pire quand il sera sorti du tube. Il peut être en vie mais, il a aussi des chances de ne plus l’être.
– B… bien… merci de nous prévenir…
Sous leurs regards insistants, Pan les aida à ouvrir le tube. Il déplaça les cristaux sur le plan de travail, provoquant un petit bruit mécanique. Rodrigue et Félix montèrent en haut de l’échelle, jusqu’ à la plateforme qui permettait d’ouvrir le couvercle étrange avec une grosse languette, le sommet du tube s’ouvrant comme l’iris d’un œil. L’agarthan déplaça d’autres cristaux, libérant du mou pour les tubes et permettant à Glenn de remonter à la surface. Suivant la procédure comme pour les autres, le père et le fils tirèrent sa tête hors du liquide, le débarrassèrent de son masque et lui firent cracher la solution qui s’infiltrait en lui, autant par sa peau que par le masque, chassant la potion de son corps pour qu’il puisse de nouveau respirer à l’air libre. Une fois sûrs que sa respiration était régulière, ils enlevèrent les tuyaux dans un ordre bien précis. Ils y croyaient à peine… ce n’était pas possible… c’était impossible… et pourtant… pourtant…
Une fois libéré des tuyaux qui l’attachaient au tube, Félix et Rodrigue redescendirent aussi prudemment que possible Glenn, l’allongèrent sur une natte apportée pour les survivants, y croyant toujours à peine eux-mêmes, même maintenant qu’il était dans leurs mains. Ils le recouvrirent aussi de leur cape pour le protéger du froid et préserver sa pudeur, puis firent circuler de la magie dans son corps, aidant ses organes à refonctionner dans l’air et plus dans du liquide. Pan leur remontra avant de partir, disant que Félix en savait plus que lui sur le fait de respirer de l’eau puis de l’air. Le jeune homme avait des doutes là-dessus mais, il indiqua à son père où se concentrer, sachant qu’il fallait se débarrasser de l’eau présente dans le fond des poumons pour respirer à nouveau de l’air correctement.
En travaillant, ils ne purent s’empêcher de regarder son visage, y croyant toujours à peine alors que c’était la réalité… Glenn… c’était Glenn… il avait de nouvelles cicatrices, recousu par ses bourreaux afin de ne pas perdre un « cobaye », avait une énorme trace d’impact du sort qui avait failli le tuer, avait perdu toutes ses forces après toutes ces années prisonnier de ce tube, avait également vieilli de dix ans mais, c’était toujours lui… il ressemblait toujours autant à Rodrigue… il était là… c’était Glenn… leur Glenn… pendant tout ce temps… par quel… et si la Déesse le voulait bien…
« Arf… Kof ! Kof ! Arf…
Glenn cracha du liquide bleu, remua faiblement la tête. Rodrigue vient tout de suite lui maintenir d’une main, comme à un nouveau-né… il devait être aussi fragile qu’à ce moment de sa vie… voir plus… il était né si fort… il avait toujours été plein de vie…
– Fait attention Glenn…
– P… papa…
La voix enrouée après des années d’inutilisation résonna, les frappant en pleine poitrine alors qu’il rouvrait enfin les yeux, le bleu d’eau rencontrant celui tout identique des prunelles de leur père. Glenn répéta, s’accrochant à la vision de leur père comme si lui aussi n’y croyait pas.
– Papa… papa… c’est toi ?
– Oui, je suis là, arriva-t-il à dire Rodrigue en reposant doucement sa main sur sa tête, caressant ses cheveux dans un geste apaisant. Félix aussi… nous sommes là… ne t’en fais pas… plus rien ne t’arrivera…
– Fé… Félix… Félix… louveteau… où… hacha-t-il essayant de tourner la tête, jusqu’à ce que son petit frère aille aux côtés de son père pour épargner son cou.
– Je suis là Glenn mais, fait attention, tu es très faible… Tu… il retient ses larmes de couler, trop d’émotion remuant dans sa poitrine. Tu n’as pas intérêt à mourir maintenant… pas après… pas après tout ce temps… si… si tu savais… ça… dix ans… si tu savais tout ce qui…
Félix se tut en voyant un sourire naitre sur le visage de son frère alors qu’il réalisait, la joie débordant de lui.
– Tu as tellement grandi… tu… tu es un jeune homme… tu as l’air si fort… maintenant… c’est sûr… tu me bats… je… j’étais tellement inquiet… avoua-t-il, sa peine se peignant sur son visage. Ce… c’était un cauchemar… ça ne se finissait pas… je t’entendais crier… papa et Alix aussi… tout le monde… j’en… j’entendais les corbeaux croasser qu’ils… qu’ils voulaient notre emblème… l’emblème de tout le monde… ce… c’était un vrai cauchemar… je… je voulais me réveiller mais… je n’y arrivais pas… la… la seule chose qui… c’était que… vous n’étiez pas là et… tes chansons papa… et ton sourire louveteau… j’y pensais… tout le temps… pour tenir… mais… mais tu es là… papa aussi… vous allez bien… vous allez bien… vous allez bien… répéta-t-il, comme une formule magique, avant de frémir, puis de lever faiblement sa main vers eux. J’ai… j’ai eu… tellement peur… j’ai cru que…
– Chut… ça va aller… ça va aller… » répéta Rodrigue en l’attrapant pour épargner ses forces et le rassurer, même s’il tremblait encore de tous ses membres en entendant l’horreur qu’avait subi son ainé, devinant qu’il avait tout entendu pendant sa stase. Son corps était si grêle… que de la peau et des os… plus rien d’autre… c’était un exploit qu’il arrive encore à bouger et à parler… il lui faudrait énormément de soin et de temps pour guérir… mais pour l’instant… le plus important était que…
« C’est fini, ce cauchemar est fini… lui souffla son père. Ça va aller… on s’est retrouvé… on t’a retrouvé… ça va aller à présent… on s’occupera bien de toi… ça va aller…
Rodrigue ne put empêcher ses larmes de couler, dégringolant sur ses joues alors qu’il serrait la main de Glenn dans la sienne. Il était là… il était là… son fils était là et vivant… il était revenu… il n’osait imaginer tout ce qu’il avait pu entendre mais… mais… mais il était si heureux de le revoir… il était là… ce serait surement très long avant qu’il ne se rétablisse complètement, et il y aurait beaucoup de chose à régler mais, pour l’instant, le plus important, c’était que Glenn soit là… que Félix soit là aussi… qu’ils soient tous les trois à nouveau…
« Félicia… c’est toi qui lui as porté chance, n’est-ce pas ? Après tout, tu es « celle qui a bonne chance »… merci de l’avoir protégé… »
Il embrassa ses fils, heureux de voir sa famille à nouveau réunie…
*
Dimitri zigzaguait entre les demandes et la foule avec Sylvain et Ingrid. S’ils avaient bien compris ce que les habitants avaient dit, tout Shambhala était rempli de piège et d’explosif, prêt à sauter sur l’ordre de Thalès si quelqu’un prenait leur ville, préférant mourir plutôt que d’accepter de se faire battre par des « bêtes » ou des « insectes » alors, le roi avait ordonné qu’on évacue la ville avant qu’elle ne saute. C’était plus prudent. Les civils agarthans faisaient donc leurs affaires, emportant le peu qu’ils avaient avec eux, baissant les yeux dès qu’ils croisaient quelqu’un qui semblait important. Un grand-père s’était même jeté devant Ashe en suppliant de l’épargner quand il lui était rentré dedans par inadvertance… la tyrannie de Thalès et ses sbires avait fait beaucoup de mal, il faudrait du temps à ses gens pour se reconstruire… en tout cas, il ferait tout son possible pour qu’ils puissent vivre en paix, que ce soit en Fodlan pour ceux qui voulaient rester, ou à Morfis pour ceux qui voulaient rejoindre leurs frères et sœurs de l’autre côté de la mer…
Tout en continuant d’aiguiller tout le monde, les trois amis cherchaient Félix et Rodrigue, ne les ayant pas vu depuis la fin de la bataille. Glenn recommençait à s’agiter, marmonnant à Dimitri qu’il n’aurait pas dû les laisser seuls et qu’ils étaient encore à l’intérieur et qu’ils allaient sauter d’un instant à l’autre. Le jeune homme souffla, se concentrant sur l’instant présent et ce qu’il savait être réel, ignorant la voix plus forte de Glenn au milieu des murmures constants qu’il percevait à présent. C’était juste son inquiétude pour les Fraldarius… cela lui faisait le coup à chaque fois… quand Glenn apparaissait, c’était toujours lorsqu’il s’inquiétait pour eux… pour toutes les autres apparitions, c’était aléatoire mais, pour lui, il y avait une logique, ce qui l’aidait à combattre l’hallucination. Et même s’il perdait pied, Sylvain et Ingrid étaient à ses côtés, cela irait…
« Là ! Je les vois ! »
L’homme blond regarda dans la direction que leur indiquait Sylvain, trouvant enfin Rodrigue sortir de la gueule de la ville avec Félix, portant un blessé entouré de leur cape dans ses bras. Ils avaient aidé Pan à sortir les cobayes vivants, cela devait être un rescapé…
Ils se faufilèrent dans la foule vers eux, le père et le fils ne les ayant pas vu, n’ayant d’yeux que pour la personne qu’ils sortaient de cet enfer, un peu à l’écart de la cohue.
« Espérons qu’il ne soit pas trop blessé… » pria Dimitri.
– Rodrigue ! Félix ! Les appela Ingrid en arrivant à les rejoindre malgré la foule. Vous allez bien ?!
– Oui… souffla le père, même s’il releva à peine la tête. Mieux qu’on aurait pu l’imaginer ou même le croire…
Le trio ne comprit pas jusqu’à ce qu’il soit à côté d’eux, voyant enfin le visage de la personne qu’il portait dépassé de son cocon de cape et de couverture, lové contre l’épaule de Rodrigue, endormi. Non… ce… ce n’était pas…
– Je te l’avais dit que Glenn ne te hanterait jamais, le piqua Félix, même si sa voix n’avait aucun tranchant, même lui étant incapable d’être piquant tellement il était soulagé. Il est vivant…
Ils en perdirent leur voix, encore plus en voyant que oui… c’était lui… il était complètement décharné, avait surement perdu toutes ses forces mais… mais c’était bien lui… c’était…
– Glenn… c’est… est-ce que c’est bien… Ingrid avança sa main vers lui, avant de la retirer en sentant son souffle endormi, ayant peur de le réveiller, ne pouvant empêcher tout son corps de trembler. Si… est-ce que…
– Il lui faudra beaucoup de temps et de soin pour se remettre, s’il se remet complètement un jour, leur indiqua Rodrigue en le serrant un peu contre lui. Mais il arrivait à bouger tout à l’heure et à parler avant de se rendormir alors, c’est bon signe.
– D’a… d’accord… c’est le principal… commença Dimitri, complètement perdu dans son visage, presque incapable de croire que le seul visage déformé par la souffrance dont il se souvenait était de nouveau là, apaisé, dormant dans les bras de son père. Ça… ça fait tellement de choses…
– On lui parlera des choses négatives et lourdes plus tard, leur conseilla Sylvain, bien que tout aussi incrédule qu’eux. Le principal, c’est qu’il soit en vie.
– O… oui, tu as raison… concéda Dimitri.
Rodrigue et Félix restèrent silencieux, personne n’osant vraiment parler de peur de le réveiller. Glenn… il était vivant… vivant…
Il y aurait surement beaucoup de chose à se dire, notamment avec Ingrid… et il faudrait lui dire que son petit frère était un triton maintenant… et pour les hallucinations où il était… mais, ce n’était pas le plus important pour l’instant… au cœur de Dimitri, le plus important, c’était les mots de Rodrigue et Félix quand ils partirent.
« On rentre à la maison. »
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